Il est urgent pour les entreprises de définir et d'assumer leur responsabilité politique

OPINION. Redéfinition du travail, transparence sur l'impact écologique des activités, adaptation aux aléas géopolitiques : les crises que nous vivons ravivent le débat sur la responsabilité politique des entreprises et mettent en lumière les limites de l'action des États pour relever ces défis sans un appui fort de la sphère privée. Le conflit en Ukraine a, dans ce sens, rappelé que, engagées ou non, les organisations ne peuvent plus seulement être en réaction mais qu'elles doivent désormais davantage ancrer leurs convictions et les partager avec leurs parties prenantes.
(Crédits : DR)

L'engagement des entreprises n'a jamais cessé d'évoluer ces 30 dernières années. Initialement limité à un rôle de mécénat - principalement culturel - dans les années 90, il s'est ouvert à mesure que la RSE s'est densifiée. Cette ouverture du champ d'intervention sociétal de l'entreprise se matérialise aujourd'hui, pour certains, par l'adoption d'une raison d'être voire du statut d'entreprise à mission.

Cette transformation - si elle est guidée par des valeurs et convictions propres à chaque organisation - intervient également en réaction à de fortes pressions externes, qu'elles soient juridiques (nouvelles règles RSE et de compliance, prochainement reporting extra-financier), financières (investissements durables et responsables) ou encore de réputation (avènement du consommateur citoyen, poids des réseaux sociaux, marque employeur). Et aujourd'hui, dans ce contexte, les dirigeants d'entreprises naviguent dans un environnement oscillant entre incitation à l'engagement et soupçon de récupération.

La philanthropie, phénomène de compensation ?

Ces pressions répétées et de plus en intenses de répondre aux injonctions, parfois contradictoires, de donner à leur activité économique une âme et une continuité sociétale, ont progressivement conduit à la structuration d'un « marché de l'engagement ».

Cette fuite en avant s'est parfois traduite par un manque de lisibilité des lignes de conduite propres à chacun. Ainsi, l'analyse du positionnement des grandes fondations d'entreprise française fait apparaître pour certaines un manque de clarification de l'impact visé. De même, souvent, les raisons d'être adoptées par plus de 500 entreprises dans le cadre de la loi PACTE ne permettent pas de mesurer concrètement les objectifs à atteindre.

Ainsi, si les engagements des organisations se tournent aujourd'hui globalement vers les enjeux liés à l'environnement, la solidarité et la culture, peu d'organisations disposent à ce jour d'un positionnement sensiblement distinctif et ambitieux.

La responsabilité politique au cœur de la stratégie d'entreprise

Face à une inflation d'engagements, il est temps pour chacun de clarifier ses valeurs et sa responsabilité politique, de concilier besoins productifs et engagements sociétaux, d'aligner ses parties prenantes (dirigeants, salariés, actionnaires et partenaires) et de positionner son organisation sur le long terme.

Une telle ambition repose sur la capacité des entreprises à assumer des choix sincères et à proposer une approche de l'engagement orientée vers l'efficacité et le traitement à la source des causes qui leur tiennent à cœur, en agissant d'abord sur leur cœur de métier, plutôt que vers des palliatifs.

Elle repose aussi et surtout sur un alignement entre la stratégie de l'entreprise et, ses valeurs, ainsi que sur une intégration, le plus en amont possible et par-delà les effets d'annonce, de leur responsabilité politique et sociale. Ainsi, par la sincérité et la cohérence, ces dernières pourront à la fois répondre aux enjeux contemporains, particulièrement graves, et sortir d'un état de crise permanente qui les fragilise devant leurs parties prenantes.

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(*) Signataires :

  • Johanna Abbou, associée, Ylios
  • Guillaume Binoche, senior adviser, Koz
  • Arthur Bonhême, directeur associé, Koz
  • Arnaud Gangloff, président directeur général & senior partner, Kea & Partners
  • Gaëtan de Royer, président, Koz
  • Angelos Souriadakis, président, Ylios

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Commentaires 2
à écrit le 25/07/2022 à 17:31
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Quelle naïveté de tous ces signataires. Le système conditionne l entreprise et ceux à son service à créer de la richesse et à en créer toujours plus. Tout le reste est annexe et induit plus ou moins de contraintes. Dans un environnement évolutif, l'...

à écrit le 21/07/2022 à 11:54
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Ce texte concerne les entreprises du CAC40 et assujettis, les autres sont déjà dans 'les clous' parce que locale, indépendante, sous sous-traitante!

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