Il n'y aura pas de transition énergétique réussie sans la forêt

OPINION. Paramètre incontournable de la politique de transition énergétique de la France, le bois-énergie demeure mal connu. Le Comité Interprofessionnel du Bois-Energie (CIBE) organise ce 23 mai une journée dédiée aux ressources disponibles, aux impacts sur l'environnement et aux atouts que présente cette énergie pour les territoires. Mais c'est la gestion de la forêt dans sa globalité qui doit être rationalisée. Par Sylvie Jéhanno, présidente et directrice générale de Dalkia (groupe EDF).
Sylvie Jéhanno, présidente et directrice générale de Dalkia (groupe EDF).
Sylvie Jéhanno, présidente et directrice générale de Dalkia (groupe EDF). (Crédits : Dalkia)

Aussi vrai qu'il n'y a pas de fumée sans feu, il n'y aura pas de transition énergétique réussie sans la contribution des forêts. La biomasse, et, plus particulièrement, le bois énergie, est en effet essentielle pour atteindre les objectifs fixés par la loi de Transition écologique pour la croissance verte (LTECV) : multiplier par 5 les quantités de chaleur renouvelable et de récupération distribuées par les réseaux d'ici 2030.

Or, cette filière, très hétérogène et morcelée, détenue aux 3/4 par des propriétaires privés, demande encore à se structurer, en complément des efforts de l'Office national des forêts (ONF), faute de quoi cette ambition ne pourra se réaliser.

En réalité, la forêt ne cesse de croître

Les forêts françaises couvrent 17 millions d'hectares, soit environ le tiers du territoire. Contrairement aux idées reçues, cette surface a doublé depuis le début du XXe siècle. Oui : la forêt ne cesse de croître ! Selon l'ONF, le prélèvement annuel de bois représente à peine plus de la moitié de l'accroissement naturel de la forêt. Pourquoi alors ne pas utiliser davantage cette ressource disponible et ce, d'autant plus que les parties nobles du bois ne sont pas utilisées pour le chauffage ?

En effet, le bois-énergie est à la forêt ce que l'épluchure est à la pomme de terre ! C'est un déchet, qui peut prendre de multiples formes : le bois bûche, les pellets ou granulés (produits transformés à destination principalement des particuliers), les plaquettes forestières issues des forêts ou d'élagages, les produits connexes de scieries, les « broyats » de bois d'emballages et autres bois de recyclage.

Un emploi local pour 1.000 tonnes de bois énergie

Les bienfaits de la forêt sont nombreux et variés. Elle joue tout d'abord un rôle essentiel dans l'absorption et le stockage du carbone - un arbre absorbe autant de CO2 pendant sa croissance qu'il n'en émettra au moment de sa combustion -, et donc dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Elle permet ensuite de sécuriser et de développer l'emploi local. L'Ademe estime qu'une emploi local est créé pour 1.000 tonnes de bois énergie et que, de la collecte au conditionnement en passant par le transport ou l'exploitation, la filière, qui regroupe pas moins de 10.000 emplois directs ou indirects, pourrait bien en générer 15.000 à 20.000 de plus d'ici à 2020.

Penser globalement

Le potentiel de nos forêts est vaste et les objectifs de la LTECV sont ambitieux. Mais rien ne se fera sans un fonctionnement fluide et coopératif entre toutes les filières du bois - le bois d'œuvre, le bois-industrie et le bois-énergie - afin de faciliter l'articulation des usages et d'optimiser la gestion de la ressource. Par exemple, accroître l'utilisation du bois d'œuvre dans la construction permettrait à la fois de stocker plus de carbone et de disposer de plus de bois-énergie. Plus l'exploitation forestière raisonnée pour la production de bois d'œuvre se développera, et plus la quantité de sous-produits qui en découlent sera importante pour le bois industrie et le bois-énergie. Bref, il faut penser globalement, dès les plantations.

Une articulation harmonieuse des usages entre les différents types de bois est désormais encouragée par le Plan national forêt bois. Il nous faut aller plus loin : les politiques publiques pourraient inciter davantage les acteurs à renforcer leur complémentarité. Elles pourraient aussi mieux accompagner les propriétaires de sorte que la France dispose de toutes les essences utiles de bois. Certains propriétaires, en revanche, n'ont pas les moyens de l'entretenir. Sans même mentionner les personnes qui ignorent qu'elles possèdent une parcelle forestière ! Il convient donc de poursuivre la mise en place de plans de gestion, la réalisation d'opérations groupées d'entretien ou d'autres initiatives afin de réaliser les objectifs fixés.

Pédagogie nécessaire sur les différents usages du bois-énergie

Malgré les progrès notables constatés ces dernières années, une partie du chemin reste à parcourir pour les différentes parties prenantes du bois : la rencontre entre les acteurs forestiers et ceux de l'énergie ne va pas toujours de soi même si la dynamique est positive, notamment grâce à l'impulsion des nombreux projets financés dans le cadre du Fonds Chaleur géré et animé par l'Ademe. Les acteurs de la forêt doivent pouvoir être toujours mieux informés pour comprendre précisément la place du bois-énergie au sein des différents usages. Quant aux énergéticiens, ils doivent aussi accomplir leur part du travail pour accompagner l'amont de la filière, sachant que la performance des technologies actuelles permet une production de chaleur biomasse respectueuse des attentes de tous.

En France, la chaleur représente près de la moitié de la consommation d'énergie et ce secteur est aujourd'hui encore fortement émetteur de CO2 (le fioul, le gaz et le charbon représente plus de 60% de la production de chaleur). Le rôle de la biomasse est ici essentiel dans la lutte contre ce dérèglement climatique, que nous ressentons de plus en plus dans notre vie quotidienne.

Il y a donc urgence aujourd'hui car les initiatives prises ces dernières années ne suffisent pas. Pour preuve, la France atteint à peine 75% des objectifs qu'elle s'était fixés pour le développement de la chaleur renouvelable. C'est l'intérêt de tous, et il n'y a aucune raison de ne pas être optimiste. Si j'osais, je dirais que ce qu'il manque encore, c'est l'étincelle...

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Commentaires 5
à écrit le 29/05/2019 à 22:04
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encore ce vieux marronnier de la grande forêt française et son potentiel de contributions vertueuses écologique et économique . avec un peu d'impertinence j'ai envie de dire que la forêt française a un grand avenir et qui le restera . commençons do...

à écrit le 27/05/2019 à 14:26
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En Suisse on a calculé que la forêt s'étend chaque année d'une surface égale à celle du lac de Brienz. La forêt s'étend non seulement en surface sur les zones non rentables pour l'agriculture ou l'élevage, mais aussi elle "monte" dans les montagnes d...

à écrit le 23/05/2019 à 12:38
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la superficie de la forêt augmente de 0,7% par an depuis 1985 en France métropolitaine (inventaire forestier 2017 fait par l'IGN). elle couvre 31% du territoire. d'après un article Eurostat du 21 mars dernier sur la forêt en Europe, la France a le m...

à écrit le 23/05/2019 à 9:46
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Dommage vraiment vu le titre j'espérais quand même un peu plus d'ambition sur la gestion de la forêt que le simple prélèvement de bois pour le chauffage hein... -_-

à écrit le 23/05/2019 à 9:16
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Laissons nos forêts tranquilles!!! Elles sont le dernier havre de paix dans un monde dévasté!!! Portons plutôt un effort massif sur les économies d'énergie et la sobriété qui doit les accompagner. Ces propos sur l'exploitation d'une forêt "rationalis...

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