Inflation sous cloche

CHRONIQUE. L'inflation a les traits tirés, comme fatiguée de sa course folle. Un bon point pour les Banques centrales, mais pas le point final. Car l'inflation ne meurt jamais, elle est juste mise sous cloche. Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby
(Crédits : DADO RUVIC)

L'inflation est-elle en train de plier sous les coups de boutoir des Banques centrales ? Non, l'explication est moins claironnante. Mais ce n'est pas grave, les Banques centrales ne font pas la fine bouche. Une bonne nouvelle sur l'inflation ne se refuse pas, d'où qu'elle vienne.

Si l'inflation ne fait plus figure d'épouvantail, ce n'est pas grâce au durcissement de la politique monétaire. C'est essentiellement parce que les prix de l'énergie sont en baisse. Le prix du baril a perdu près de -20% sur les 12 derniers mois. L'onde choc est majeure sur les prix des biens et services. En zone euro l'inflation est passée de près de 10 à 2,9%. Même constat pour l'inflation américaine en baisse de 10 à 3,7%. On est plus très loin des niveaux de 2% tolérables par les Banques centrales.

L'inflation décélère donc franchement, et sans qu'on lui tienne la main. Mais que faire de cette inflation qui baisse toute seule ? Les Banques centrales doivent-elles se ranger sur le côté, et regarder l'inflation décélérer davantage par la seule force d'un effet de base favorable des prix de l'énergie ? Ou bien les Banques centrales doivent-elles continuer à appuyer sur la tête de l'homo economicus jusqu'à ce que les prix mollissent suffisamment ? Les derniers comités des Banques centrales plaident pour lever le pied, plutôt que d'appuyer davantage encore. Sagesse pratique ou principe de précaution ? Les deux.

L'inflation Nécros

À quoi sert de lutter contre une inflation dont les mouvements d'humeurs ont si peu à voir avec les cycles économiques, et dépendent essentiellement des chocs d'offres ? On pourrait même parler de choc d'affres, tant les conséquences sociales et humanitaires des crises récentes ont pu être dramatiques (Covid, climat, Ukraine). Le monde n'en finit plus d'être en danger. L'inflation n'est plus cyclique, mais « cyclope », comme le cyclope de Marvel capable de générer sans prévenir de puissantes rafales d'énergie à partir de son œil transversal. L'inflation est plus imprévisible que jamais, pouvant sourdre de nouveau au moindre choc.

Il faut donc oublier l'idée d'une inflation morte et enterrée. L'inflation ne meurt jamais. À quoi sert de lutter contre elle ? Lorsqu'elle est là, c'est déjà trop tard. Au mieux on peut la mettre sous cloche, pour se donner l'illusion qu'elle n'est plus. Il ne s'agit pas d'une « inflation Thanatos », c'est-à-dire une inflation vivante et qui meurt. Il s'agit plutôt d'une inflation Nécros, considérée morte, mais toujours vivante. Rien à voir. Le Nécros n'est que le vivant jeté hors du monde des vivants, comme l'inflation qui bouge encore, mais mise sous cloche.

Ne pas confondre non plus le Nécros avec le zombie. Rien à voir encore. Le dernier est un mort-vivant, alors que le premier est un vivant-mort. La nuance peut paraitre débile aux yeux des amateurs de films gore, pas aux yeux des spécialistes de l'Égypte ancienne. Ces derniers souhaiteront enterrer leur mort le plus possible, c'est-à-dire même vivant... De même, les Banques centrales souhaiteront mettre l'inflation sous cloche le plus tôt possible afin de limiter ses effets délétères.

Enfin, il existe un risque qu'il ne faut surtout pas négliger.

« Au début du XIXe siècle à Londres, de jeunes étudiants en chirurgie déterrèrent un vivant cru mort qu'ils réanimèrent sous le scalpel. Conclusion des autorités :... on prit des précautions pour qu'on ne les déterre plus en plaçant davantage de gardiens auprès des tombes. »

Dans le cas de nos Banques centrales, cela reviendrait à maintenir des taux directeurs durablement élevés, comme si cela pouvait convaincre l'inflation de rester sous cloche. Il y a quelques jours encore, c'était bien la stratégie proposée par nos Banquiers centraux.

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Commentaire 1
à écrit le 10/11/2023 à 21:02
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Cette histoire savoureuse me fait penser à Roberto Saviano qui quand il a annoncé qu'il avait la preuve que la mafia et la finance ne faisaient qu'un, les autorités l'ont mit en prison !

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