Italie : comment décimer un pays en moins de 20 ans

OPINION. Le fossé entre les revenus italiens et ceux des Français se creuse désormais à près de 20%. Comment et pourquoi cet appauvrissement ? Par Michel Santi, économiste(*).
(Crédits : DR)

En 1960, le PIB de l'Italie était inférieur de 15% à celui de la France, et de 27% plus bas que la moyenne des PIB allemand, hollandais, belge et français réunis. Ce pays jouit pourtant d'une croissance robuste jusqu'au début des années 1990, car les revenus des ménages italiens devaient rattraper au courant de cette période ceux des autres nations de la zone euro, tant et si bien que les PIB français et italien convergèrent vers 1995 et qu'ils n'accusèrent plus que 6% de différence avec la moyenne des pays ci-dessus mentionnés. Depuis, les Italiens se sont notoirement appauvris, car le fossé entre leurs revenus et ceux des Français se creuse désormais à près de 20%, pire que durant les années 1960.

 Des décennies de convergence furent littéralement évaporées dès le milieu des années 1990 dans une Italie où tous les indicateurs économiques virèrent progressivement au rouge l'un après l'autre. Revenu par tête, investissement, exportation et productivité du travail ne cessèrent en effet de décliner alors que l'économie italienne avait jusque-là été le meilleur élève de l'Europe. L'exemplarité de cette nation - qui s'était conformée en tous points aux règles européennes en appliquant force réformes structurelles et discipline budgétaire - fut admirable. L'Italie a donc payé très cher le prix de cette rigueur, elle qui avait respecté les critères européens bien plus que la France et que l'Allemagne !

Meilleur élève de la zone euro préalablement aux années 1990, ayant joui sans discontinuer entre 1995 et 2008 d'excédents de son budget contrairement à la France et même à l'Allemagne, l'Italie et son économie furent néanmoins proprement décimées par cette consolidation fiscale, par le contrôle exercé sur ses salaires et par un euro surévalué. Non contents de cette lente descente aux enfers, ses gouvernements s'étant succédés de 2008 à 2018 - de Renzi à Monti - persévérèrent sur cette lancée de maintien d'excédents budgétaires, car leur priorité était encore et toujours la discipline fiscale au détriment de la consommation et de l'investissement, puisque de l'aveu même de Mario Monti, Président du Conseil interviewé en 2012, cette consolidation devait se réaliser même s'il fallait «détruire la demande intérieure»...

L'Italie avait pourtant entièrement joué le jeu européen, contrairement à la France qui a allègrement laissé filer ses déficits. Le déficit primaire français fut en effet en moyenne de 2% de 2008 à 2018 pendant que l'Italie affichait, elle, un excédent primaire, et ses dépenses sociales furent progressivement réduites à environ 70% de celles de la France et de l'Allemagne. Depuis 1992 (à ce jour), la consommation par habitant en Italie stagne à + 0.25% l'an, alors que la moyenne de sa progression fut supérieure à 3% entre 1960 et 1992 ! Durant la même période, les exportations nettes par tête d'habitants furent divisées plus que par deux, affectant donc considérablement le secteur industriel italien, sa productivité, l'investissement et bien sûr la croissance du pays. Cette austérité de près de 20 ans a en outre relégué la compétitivité technique de l'Italie qui abritait naguère des entreprises modèles qui auraient pu lutter à armes égales avec leurs compétitrices chinoises.

Aujourd'hui, l'Italie est livrée à elle-même, elle qui fut d'ailleurs lâchement abandonnée lors de la crise migratoire par ses partenaires européens qui s'en lavèrent honteusement les mains. Ils devraient pourtant afficher et prouver une solidarité minimale avec cette nation, au moins pour des raisons égoïstes. La dérive italienne affectera et déstabilisera l'ensemble de l'Union, car les engagements des banques françaises et allemandes en Italie et dans sa dette se montent à respectivement 390 et 130 milliards d'euros. Espérons que le nouvel exécutif européen sache s'y prendre avec plus de tact et de respect vis-à-vis de l'Italie, mais les chances sont infimes, car il semblerait que la raideur idéologique soit la marque de fabrique - et la malédiction - de la technocratie européenne.

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin.
Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 20
à écrit le 05/08/2019 à 18:40
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L'UE, voulue et crée telle qu'elle est par le couple franco-allemand, fonctionne sur le système « le plus gros bouffe le plus petit » ou, cannibalisme. Et malgré cela, ou mieux, à cause de cela, L'UE est destinée à échouer, voire disparaitre. Ainsi...

à écrit le 26/07/2019 à 14:48
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"Italie : comment décimer un pays en moins de 20 ans" Avec Macron et sa bourgeoisie de droite et de gauche qui dirige et qui suit à la lettre toutes les directives europeennes comme l'ont fait Renzi le socialo d'operette à Monti et ce pendant dix ...

à écrit le 26/07/2019 à 8:04
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@italo : La France ne doit en rien sa puissance économique à l'Afrique. Contrairement à une idée répandue, la colonisation a rarement été une bonne affaire pour les pays colonisateurs. La France est une puissance économique depuis un millénair...

à écrit le 25/07/2019 à 21:26
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Bof, le jour où les économistes feront de leur domaine une science on pourra les écouter. En attendant : réduire la consommation des individus est une bonne chose pour la durabilité de notre civilisation. C'est mauvais pour l'économie, mais bon pour ...

le 28/07/2019 à 5:38
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@ truc, le problème c'est que la consommation des pauvres, de ceux qui consomment peu, qui est réduite. Le gaspillage des riches n'est pas réduit.

à écrit le 25/07/2019 à 15:25
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L'Europe ressemble de plus en plus à un calvaire interminable.

à écrit le 25/07/2019 à 12:02
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Magouilles : Berlusconi + Mafia n'auront pas tiré l'économie vers le haut ! L'Italie c'est la Grèce d'avant crise. Corruptions, affaires et travaux non déclarés, la débrouille, et peu très d'investissement dans les infrastructures et la R&D. Social...

le 25/07/2019 à 20:38
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Loins de vouloir défendre Berlusconi mais ça fait presque 10 ans qu'il n'est plus au pouvoir...Je dirais que comme il écrit le journaliste ça fait 20 ans que la politique pense seulement aux prochaines élections et non au futur du pays

à écrit le 25/07/2019 à 9:54
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Bienvenu en UERSS, empire prévu pour durer mille ans. Encore 920 ans à attendre...

à écrit le 25/07/2019 à 9:47
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@Faux . Ce n est pas moi qui ai écrit l article . Si vous me répondez c est que quel part vous avez été heurté , et je pense que c est l allusion aux économistes de plateaux , ou , le rejet de la rigueur , ou le manque d inflation ( légère ) J ai...

à écrit le 25/07/2019 à 8:33
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De ce que j ai cru comprendre . L Italie à eu le tort d admettre et d appliquer le principe de rigueur budgétaire ( facon Bruxelles ) . Principe que les économistes de plateaux voulaient nous vendre à tout prix , mais que nous n avons appliqué que ...

le 25/07/2019 à 9:21
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Tout ce qui est dans cet article est faux : l'Italie est en déficit depuis des décennies. Déjà, dans les années 90, la dette publique italienne avait dépassé les 100%. Le problème de l'Italie est le manque de réformes structurelles - de vraies ré...

le 25/07/2019 à 12:31
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Ce n est pas l Italie le problème c est l axe franco allemand , l un des deux à autant de dettes publiques que l Italie et en plus elle dépasse depuis 10 ans la réglé des 3 % et en plus si l on ajoute les agrégats privées , la France est plus endetté...

à écrit le 25/07/2019 à 7:08
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Cet économiste oublie une chose simple l Italie n est pas la Grèce ; l Italie est la deuxième puissances manufacturières de l Europe et la troisième puissance économique de l Europe et avant qu elle n entre dans l euro elle était la quatrième puissan...

à écrit le 24/07/2019 à 12:16
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Peut être un peut trop facile de rendre Bruxelles coupable de tous les malheurs Italiens. L'Italie est le premier importateur d'énergie au monde, parce que aucune décision n'a été prise. Sortie du nucléaire pour des raisons idéologique dans les année...

le 24/07/2019 à 12:52
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Peut-être, mais si je me souviens bien, lorsque les taux d'intérêts ont explosés en 2011 à cause de la Grèce, l'Italie était en excédent avec une très forte dette, et c'est la contamination de la hausse des taux qui l'a fait plonger en déficit à ce m...

le 24/07/2019 à 16:58
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Il serait bon de revenir à la réalité, plutôt que de faire de l'idéologie en prenant des cas particuliers, sans impact sur le résultat global. Souvenez-vous que M. MONTI et M. RENZI ont été érigés en modèle de réformistes : et il fallait même que HOL...

le 25/07/2019 à 7:17
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Votre analyse vous la sortez d où ? Un Français qui parlent des italiens ,dans vos propos ressort la haine que vous avez pour les italiens ou la jalousie . Dire que 70 % des hommes vivent à côté de leur mémé. Vous représentez le mépris qu ont certa...

le 25/07/2019 à 7:18
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Votre analyse vous la sortez d où ? Un Français qui parlent des italiens ,dans vos propos ressort la haine que vous avez pour les italiens ou la jalousie . Dire que 70 % des hommes vivent à côté de leur mémé. Vous représentez le mépris qu ont certa...

le 25/07/2019 à 9:24
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N'oubliez pas que l'article est un tissu de Fake news... les finances publiques italiennes sont en déficit depuis des lustres. La dette publique italienne est à plus de 100% depuis les années 90. Bruxelles n'est coupable de rien, c'est l'Italie...

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