L'industrie cimentière : une redistribution des cartes à l'échelle mondiale

Si la consommation de ciment a tendance à stagner dans les pays industriels, les perspectives sont importantes dans les pays en développement. Par Olivier Pasquier, étudiant, Paris-Dauphine

Le ciment, une industrie méconnue assez niche ? Pas vraiment ! Avec la fusion des deux géants mondiaux (Lafarge et Holcim) en Juillet 2015 et les litiges rencontrés par le groupe Lafarge vis-à-vis de l'Etat Islamique, les cimentiers occupent une place importante dans la presse.

Une médiatisation qui s'inscrit dans la logique des bouleversements rencontrés par la filière avec la montée des cimentiers des pays émergents. La fusion entre le français Lafarge et le suisse Holcim a eu lieu pour concilier leurs atouts, à savoir les capacités d'innovation du premier et le talent commercial du second. L'objectif est de conserver des parts de marchés importantes en Europe et en Afrique face à la montée des géants Chinois Anhui Conch (2Ième producteur mondial avec 217 millions de tonnes par an) et CNBM (3ième producteur mondial avec 128 millions de tonnes par an). En quatrième position mondiale arrive l'Allemand HeidelbergCement qui a récemment racheté Itlacimenti (cimentier italien) en réponse à la fusion LafargeHolcim.

 Stagnation de la consommation

La montée du mexicain Cemex (particulièrement présent en Europe et aux Etats-Unis) rend le marché européen plus concurrentiel ce qui pousse à la fusion des groupes existants pour associer leurs forces. De plus, il convient de protéger le marché européen des groupes cimentiers venant des pays émergents, une opération délicate dans un contexte où le secteur de la construction est en berne. L'Europe et l'Amérique du Nord ne sont pas les localisations avec les perspectives de croissance de la consommation les plus alléchantes. En effet, aux Etats-Unis la consommation par habitant stagne depuis 2009 aux alentours de 230kg/ciment/an. En France, nous assistons même à une légère régression en passant de 325kg/habitant en 2009 contre 305 en 2012. Le reste de l'Europe connaît un sort similaire même si l'Europe du Sud a connu un effondrement brutal de sa consommation en raison des fortes secousses liées à la crise financière de 2008. La Grèce et L'Espagne sont de bons exemples avec une consommation divisée par trois entre 2009 et 2012.

Les perspectives de croissance sont situées dans les pays émergents et tout particulièrement l'Afrique. Les marchés émergents consomment aujourd'hui 90 % de la production de ciment, contre 65 % au début des années 1990. La consommation mondiale de ciment devrait croître régulièrement jusqu'en 2030-2050, pour culminer autour de 5 Mdt.

Opportunités africaines

Sur le continent africain, les cimentiers Français (Lafarge, Vicat...) tirent leurs épingles du jeu avec une forte présence dans les anciens pays de l'AOF. L'exode rural rencontré par les pays de cette région créée une demande de logement qui ne cesse de croître. Le Burkina Faso est l'exemple adéquat avec une consommation de ciment qui augmentera, dans les cinq prochaines années, en moyenne de 12% par an. Une consommation de 1.3 millions de tonnes en 2014 contre 9.3 millions prévues en 2030. Une hausse corrélée avec le taux d'urbanisation passée de 22.5% en 2006 contre 35% pronostiqué en 2025. L'or gris attise les convoitises en Afrique et de telles perspectives n'ont pas laissé les industriels indifférents.

Aujourd'hui la production de ciment du Burkina Faso reste excédentaire ce qui lui permet d'exporter une partie de sa production vers les pays voisins. De plus, Heidelberg Cement et Lafarge ont réussi à gagner des parts de marchés significatives après l'arrivée du géant Indien Diamond Cement. Une concurrence accrue où la fusion entre le Français Lafarge et le Suisse Holcim, effective à l'été 2015, a permis à ce nouveau géant d'augmenter sa force de frappe. Lafarge-Holcim est actuellement le cimentier le plus présent en Afrique subsaharienne avec des activités dans une douzaine de pays.
Une multinationale qui a réussi à contrer les cimentiers des pays émergents partis à l'assaut du continent africain.

De nouveaux mastodontes

Des perspectives de croissance alléchantes qui ont aussi conduit le Nigérian Dangote Cement à sortir des frontières de son pays natal. Une solution qui permet de répondre à la hausse de la demande sur le marché tout en conciliant la fierté nationale, celle de voir le continent africain produire ses propres cimentiers.

Dangote Cement est un potentiel futur géant du secteur avec une capacité de production qui est désormais vertigineuse : 34 millions de tonnes en 2014. Et ce n'est qu'un début : en 2020, Dangote Cement espère pouvoir produire 100 millions de tonnes par an. Avec une seule cimenterie à son actif en 2005, le groupe en comptabilisera 15 en 2017.

L'industrie cimentière voit de nouveaux mastodontes émerger qui viennent concurrencer les multinationales européennes déjà bien implantées sur le marché. Pour gagner des parts de marché, la capacité à innover dans la consommation énergétique nécessaire à la production sera clef. Cette industrie énergivore devra adapter les combustibles choisis en favorisant l'utilisation de déchets et combustibles secondaires. Une solution pour diminuer les coûts et pouvoir supporter une pression sur les prix.

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