L'inflation pour toujours et partout

CHRONIQUE. Le fantôme de Milton Friedman et sa célébrissime répartie des années 1960 selon laquelle l'inflation est «toujours et partout un phénomène monétaire» nous hantent toujours. Il est vrai que cette assertion peut sembler plausible. Par Michel Santi, économiste (*)
(Crédits : Reuters)

La traduction immédiate de l'inflation consiste en une hausse des prix, lesquels sont libellés en argent, qui tend à augmenter mécaniquement le niveaux des prix dès lors que sa quantité en circulation s'accroît. L'inflation serait donc bel et bien «toujours et partout un phénomène monétaire» ?

Pas si simple car, dans la vraie vie, l'inflation diverge et ce, en dépit des économistes «mainstreams» qui détournent le regard en la considérant et en la résumant à une hausse généralisée et globale des prix. Les faits sont pourtant évidents car les prix des pommes peuvent rester statiques tandis que ceux des voitures monter de 25%, pendant que d'autres tarifs sont susceptibles au même moment de se tasser. Ce monde dans lequel l'inflation serait uniforme relève en effet de la mythologie car les prix et les salaires n'évoluent jamais de manière identiques. Pourquoi l'inflation serait-elle tout court un sujet, en quoi la hausse des prix serait-elle préoccupante, si les revenus augmentaient en même temps et en même proportion ? Ne suffirait-il pas d'aligner les salaires sur l'inflation si celle-ci se bornait à n'être que la hausse indifférenciée des prix ? Cependant, l'inflation est toujours et partout un phénomène...différentiel. Mais alors, pourquoi les économistes ignorent-ils cette difformité de l'inflation qui a pour caractéristique principale de ne pas affecter tous les prix - et bien-sûr tout un chacun - de manière similaire ?

 Un phénomène politique

Ce négationnisme lourd de conséquences est en fait un reniement scientifique et une adhésion de la part l'écrasante majorité de nos économistes à une position idéologique très marquée. Effectivement, l'inflation fait des perdants - mais également des gagnants. Elle affecte profondément certains groupes sociaux pendant que d'autres peuvent l'ignorer. Elle légitime l'adoption de l'austérité qui a pour effet collatéral de mettre à genoux les plus vulnérables. Les effets de l'inflation sont donc de redistribuer les revenus, de restructurer l'ordre social. L'inflation est un signe infaillible d'une lutte de pouvoirs en cela qu'elle est une course à qui haussera les prix le premier et le plus !

C'est parce que l'inflation est donc toujours, partout et avant tout un phénomène politique que cet aspect fondamental est escamoté par l'orthodoxie économique qui ne peut que fermer les yeux face à ce perfide transfert de richesses qui la définit.

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».
Sa page Facebook et son fil Twitter.

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