La crise économique est mondiale

Les derniers événements chinois le montrent, il n'existe plus d'exemple à travers le monde de pays connaissant une véritable sucess story. Et les recettes pour vaincre la crise sont tout sauf simples. Par Harold James, professeur, Princeton

 Si l'on peut trouver un aspect positif à la tourmente qui ébranle l'économie mondiale depuis 2008, c'est que toutes les régions du monde n'ont pas été touchées simultanément. Le premier choc fut la crise des subprimes aux États-Unis, à laquelle les Européens ont répondu par des réflexions complaisantes sur la résilience supérieure de leur modèle social. Puis en 2010, avec le déclenchement de la crise de la dette européenne, ce fut le tour de l'Amérique de se réjouir du malheur d'autrui, quand les pays asiatiques ont souligné le fait que l'État-providence surdimensionné était à l'origine du problème.

Aujourd'hui le monde est obsédé par le ralentissement de la Chine et par les infortunes de son marché boursier. En effet selon certains commentateurs, ce qui se passe en Chine peut être compris comme une version moderne du krach boursier américain de 1929 : un choc qui ébranle le monde. Et l'économie chinoise n'est pas la seule à être frappée par cette turbulence : la Russie et le Brésil sont dans une situation bien pire.

 Chaque succes story a son côté sombre

Du fait que la globalisation relie les personnes et les économies les plus reculées, les conséquences ne sont pas toujours celles que l'on prévoit, ni même celles que l'on souhaite. Et avec une crise économique qui devient toujours plus mondiale par nature, le prochain défi pour les décisionnaires consistera à tenter d'atténuer ses effets nationaux et à contenir l'impulsion de leurs composants pour réduire leur enclenchement sur le reste du monde.

A présent, il est devenu clair que chaque succes story a son côté sombre et qu'aucune économie n'est susceptible de continuer indéfiniment son ascension en flèche. Mais pour paraphraser Léon Tolstoï, il est important de se souvenir que chaque économie malheureuse est malheureuse à sa manière et qu'un correctif aux problèmes d'un pays peut ne pas fonctionner dans un autre.

Les problèmes européens n'ont pas une seule cause

Les problèmes de l'Europe par exemple, ne peuvent pas être attribués à une cause simple et unique, comme l'adoption d'une monnaie commune. Dans la période qui a précédé la crise de l'euro, l'Italie a connu une longue période de stagnation, tandis que l'Espagne a connu une bulle immobilière de style américain et que la Grèce a subi une croissance suralimentée par son gouvernement. Le facteur commun était que chacun avait adopté des politiques non durables, nécessitant des mesures correctives.

La crise aux États-Unis n'a pas non plus eu de précédent strict : la Floride et l'Arizona ont eu différents problèmes différents de ceux du Michigan. De même, les économies de la Russie, du Brésil et de la Chine ralentissent pour des raisons différentes. La Russie souffre de sa décision de devenir un grand producteur d'énergie au détriment de sa diversification. L'origine des problèmes de la Chine se trouve dans sa tentative de passer des exportations et des investissements dans les infrastructures, à un modèle de croissance fondé sur une consommation intérieure plus élevée. Le Brésil est plombé par un crédit à la consommation coûteux et par des gains de salaires réels qui ont dépassé la croissance de la productivité.

 La dévaluation, une fausse solution

Il existe des méthodes pour traiter chacun de ces problèmes, mais les stratégies à long terme les plus efficaces pour augmenter la productivité ne peuvent pas se réduire à une formule simple. Malheureusement, une partie de la réponse politique standard à une crise économique est la demande de faire quelque chose rapidement. Et durant les perturbations économiques actuelles, il existe une politique qui semble avoir fait ses preuves jusqu'ici : la dévaluation monétaire.

C'est une politique qui a eu du succès au Japon, où un affaiblissement du yen est la seule véritable réussite des Abenomics. De même en Europe, où un euro plus faible contribue à éviter la récession. Les Européens aiment aussi soutenir qu'un dollar faible a été derrière le rebond rapide de l'économie américaine. Maintenant c'est au tour de la Chine d'espérer que la dévaluation de la monnaie va l'aider à regagner sa compétitivité.

La difficulté est que naturellement les devises de tous les pays ne peuvent pas être dévaluées simultanément. Au lendemain de la Crise de 1929, les efforts dans ce sens ont poussé les gouvernements à adopter des politiques commerciales de plus en plus protectionnistes, qui ont pesé sur la croissance pendant des années. Jusqu'à présent, l'impulsion protectionniste a été absente de la réponse à la crise actuelle, mais cela pourrait bien changer.

Migrations et xénophobie montante

Une autre conséquence inconfortable de la mondialisation est sa tendance à mettre les personnes et les capitaux en mouvement. À l'heure où les grandes économies émergentes sont en difficulté, davantage de personnes pourraient être conduites à chercher ailleurs un avenir meilleur. Le type de migration qui attire le plus l'attention est la détresse des réfugiés dans les zones de conflit au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Mais ce flux s'accompagne également d'une hausse encore plus importante de migration économique, en provenance des Balkans et de l'Afrique de l'Ouest par exemple. Et ces deux phénomènes déclenchent des réponses xénophobes dans les pays de destination.

Flambée des prix du logement dans le grandes villes

Pendant ce temps, l'instabilité dans les pays émergents conduit leurs citoyens les plus riches à tenter de sauver autant de capital que possible, ce qui provoque une flambée des prix de l'immobilier dans des zones préservées comme New York, Londres et Genève. Cela donne à ces villes une apparence très glamour et dynamique. Mais en réalité, cela provoque également d'énormes difficultés. Car les prix incroyablement élevés du logement impliquent la surpopulation, des temps de transports plus longs et plus difficiles et une baisse de la qualité de vie pour la population locale.

Jusqu'à présent les économies avancées ont trouvé des solutions efficaces à ces inconvénients. Mais tandis que la réponse économique a été beaucoup plus efficace que celles des années 1930, les tensions et les ressentiments sociaux n'ont pas fini de couver. L'Europe et les États-Unis sont maintenant confrontés à un nouveau défi : ils doivent répondre non seulement à leurs propres difficultés économiques, mais également à la profonde souffrance humaine produite par l'échec économique et politique ailleurs dans le monde.

Harold James est professeur d'histoire et des Affaires internationales à l'Université de Princeton, professeur d'histoire au European University Institute de Florence et professeur émérite au Centre pour l'Innovation sur la Gouvernance Internationale (CIGI).

© Project Syndicate 1995-2015

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Commentaire 1
à écrit le 09/09/2015 à 10:36
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A longueur de semaines je lis des contributions d'éminences économiques , politiques ou autre mais jamais le début d'une réflexion sur ce qu'il faudrait initier pour éviter la catastrophe qui s'annonce !!!

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