La revanche des "déplorables"

Les électeurs de Trump, que Hillary Clinton avait nommés les "déplorables" ont eu leur revanche. Pourtant, les signaux d'alerte avaient été nombreux. Par Michel Santi, économiste*

Les signaux d'alerte ont été grossièrement ignorés car nous avons été séduits - dans le sens d'égarés - par le mythe de l'efficience des marchés et des économies intégrés. Nous avons collectivement été frappés d'amnésie, et de cet aveuglement coupable privilégiant les puissants intérêts au détriment du travailleur et du salarié moyen. Nos responsables et nos élites n'ont strictement rien tenté pour protéger le citoyen de l'érosion inacceptable de son niveau de vie. Le résultat est un échec cinglant offrant un spectacle sociétal lamentable où l'absence d'une régulation digne de ce nom conduit à socialiser les pertes à mesure que les bénéfices se concentrent chez de moins en moins d'heureux élus. Où la corruption et le trafic d'influence prévalent, dans un système hyper globalisé qui empêche même les Etats de contrôler certaines entreprises devenues championnes de l' »optimisation fiscale» au détriment de la société.

Quand l'abus devient la norme

L'abus est donc devenu la norme - voire la marque de fabrique ! - de cette globalisation devenue synonyme de centralisation des pouvoirs et des richesses entre les mains de quelques heureux élus en vertu de forces centrifuges tous comptes faits élémentaires. Pourtant, dans un contexte où nos nations occidentales subissent une authentique décennie perdue de régression économique et sociale, les autorités responsables de leur sort rejettent avec dédain toute tentative de protectionnisme, arguant que seule la redistribution serait à même de lisser les effets pervers de la globalisation. Cependant, après l'inattendu Brexit, après l'incroyable élection de Donald Trump, après le rejet massif de la réforme constitutionnelle italienne, une prise de conscience s'impose, car tous ces électeurs n'ont pas tant voté pour atteindre un objectif précis que pour vomir un système qui exclut, qui foule au pied et leurs intérêts basiques et leur dignité.

La globalisation n'est pas rejetée au simple motif que la redistribution ne se pratique pas au bénéfice du plus grand nombre. Inversement, la fin de notre stagnation économique - et même la fin de la cabale austéritaire européenne - ne suffiront pas à faire allègrement embrasser la globalisation par les citoyens occidentaux. Car ceux-ci sont désormais conscients que la globalisation est un système de valeurs - voire de croyances - politico-économiques sectaire qui ne sera nullement édulcoré par un retour à une croissance poudre aux yeux. L'année 2017 verra, elle aussi, son lot de surprises et de coups de théâtre, conséquence logique d'un ordre ayant misérablement échoué à défendre et à protéger.

Bien des révolutions sanglantes auraient pu être évitées si le peuple ne s'était senti provoqué comme il l'est quasi quotidiennement par des élites qualifiant d' »armée de stupides » les 52% de britanniques ayant voté le Brexit. Ou provoqué comme il l'a été par Hillary Clinton qualifiant de « déplorables » les électeurs de Trump.

*Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est conseiller en investissements sur le marché de l'art et Directeur Général d'Art Trading & Finance. Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence".

Dernière parution chez « Lignes de repères » : « Plus de Capital au XXI è siècle », préfacé par Philippe Bilger.

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Commentaires 14
à écrit le 20/12/2016 à 22:29
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Je ne partage absolument pas l'avis selon lequel les électeurs des referendums anglais et italien, pas plus que les électeurs de Trump (et je pense qu'on peut mettre ceux de Tsipras en Grèce et ceux de Hollande en France dans le même panier, et des t...

à écrit le 20/12/2016 à 9:19
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« Un bon économiste est celui qui peut vous expliquer le lendemain pourquoi il s’est trompé la veille. » Bernard Maris. Michel Santi est semble t il un bon économiste.

à écrit le 20/12/2016 à 8:49
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1848. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous. Marx et Engels l'ont écrit. La gauche s'est battue. Les riches l'ont fait

à écrit le 20/12/2016 à 5:17
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Dire ca ou rien..... Finalement dire rien c’était mieux. Clairement il n'a rien compris. Va me fait penser a ceux qui se sont trompés sur trump, le brexit etc et qui des le lendemain matin expliquaient doctement pourquoi. Ont-ils eu une revelation p...

à écrit le 19/12/2016 à 20:46
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On se méprend beaucoup sur la globalisation, ni ourdie comme un complot contre les peuples, ni même voulue en tant que telle, elle est la conséquence directe et inévitable de la révolution des télécoms, des transports et de la logistique. A moins de ...

le 20/12/2016 à 10:02
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Vous avez en partie raison. Comme nos dirigeants ont un mepris profond pour la technologie, ils ne se rendent pas compte que c est celle ci qui rend possible la mondialisation (en 1970 avoir une usine en chine aurait implique d envoyer par ex une per...

le 20/12/2016 à 10:59
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Que de contre vérités... Un grand nombre de goldman boys? 3 c'est ça ? Ce n'est rien par rapport à l'administration oblabla et celle qu'aurait mise en place la militariste Clinton qui nous aurait amené à la guerre nucléaire. Connaître son ennemi est ...

le 20/12/2016 à 13:45
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La réalité ne vous dérange pas beaucoup : des révolutions des télécoms, des transports etc ont déjà eu lieu au XIX ième sicle et XX ième siecle et beaucoup plus fortes que ce que nous avons maintenant Mais elles ont profité à tout le monde. Aujourd...

à écrit le 19/12/2016 à 20:34
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J'adore ce genre d'article qui feint la surprise concernant la montée du vote populiste. Cette "economiste" tout en accusant ses pairs d'avoir ignorés les signaux d'alerte ne mesure pas dans quel état d'engourdissement intellectuel il était lui même....

à écrit le 19/12/2016 à 14:41
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La question de la réaction des citoyens devant l'ordre établi est posée. Reste à savoir si les tensions sociales, et les inégalités ont été facteurs principaux, ou si c'est, aussi, la charge sans retenue des médias contre Trump, non acceptable à leur...

à écrit le 19/12/2016 à 12:26
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La différence entre une globalisation désirée et une globalisation subie est la présence permanente d'un acteur majeur, comme les USA, qui fait tourner les autres, autour de sa personne, comme des "satellites"!

à écrit le 19/12/2016 à 12:12
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Merci beaucoup pour cette analyse particulièrement juste et intelligente, particulièrement bien vue. Cela va même encore plus loin, regardez par exemple juste en dessous de votre remarquable article nous avons une information qui en soi n'a aucun...

le 20/12/2016 à 7:57
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oui bravo M Michel Santi: une belle leçon pour Romarin moins franc. (concernant le trading: Il faut aller sur les peintres flamands et les meubles louis XVI)

le 20/12/2016 à 10:30
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"oui bravo M Michel Santi: une belle leçon pour Romarin moins franc." Vous savez les obsessions c'est très mauvais pour le raisonnement. La prochaine fois n'hésitez surtout pas à publier un commentaire plutôt que de me répondre alors qu'il n'y a ...

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