La souveraineté numérique, c’est une question de choix !

OPINION. La présentation du nouveau cadre réglementaire européen pour le numérique - le Digital Services Act - est une nouvelle étape dans le parcours visant à favoriser l'innovation et la compétitivité de l'environnement Internet européen. Bien qu'il soit obligatoire de créer des conditions de concurrence équitables, il apparaît tout aussi important de compléter en Europe cette démarche par un renforcement de l'environnement et faciliter l'apparition d'acteurs européens du monde numérique qui viendront renforcer ces conditions de concurrence. (*) Par Willem Jonker, CEO d'EIT Digital.
(Crédits : DR)

Dans le monde numérique, dix ans, c'est tout une vie ! Au cours de cette décennie, le numérique a facilité la connectivité mondiale, en permettant une nouvelle économie fondée sur les données et en fournissant un accès instantané à l'information où que nous soyons. Mais la technologie numérique nous confronte aussi à des défis, tels que les problèmes de protection de la vie privée, la distorsion de l'information et la domination des grandes technologies.

Il est devenu de plus en plus évident qu'il faut faire quelque chose pour relever ces défis, garantir la protection des consommateurs et créer des conditions équitables. C'est pourquoi nous saluons les dernières initiatives de la Commission européenne. La « loi sur la gouvernance numérique », la « loi sur les marchés numériques » et la « loi sur les services numériques » peuvent devenir des outils importants pour renforcer les mécanismes de partage des données au sein de l'Union Européenne, ouvrir le marché numérique aux nouveaux arrivants et répondre aux préoccupations concernant les plateformes dominantes.

Réglementer ou s'adapter

La réglementation seule ne suffit pas à renforcer le marché unique des services numériques et à favoriser l'innovation et la compétitivité de l'environnement en ligne européen. Les nouvelles mesures politiques exigent des entreprises concernées, qu'elles s'adaptent. Et ironiquement, plus la réglementation devient complexe et donc compliquée, plus elle favorise les grands acteurs et leur capacité d'adaptation.

Certains éléments indiquent que le RGPD, aussi bienvenue soit-il, est également largement bénéfique pour les grandes plateformes qui sont rapidement capables de s'adapter à la nouvelle réalité. Dans ce contexte, il convient d'évaluer soigneusement si une nouvelle réglementation est réellement nécessaire. La question de la domination du marché ne se pose bien sûr pas seulement dans le monde numérique : sur tout marché, les régulateurs doivent empêcher l'établissement de monopoles ou d'oligopoles qui empêchent de nouveaux acteurs d'entrer sur le marché.

Par conséquent, pour traiter la question de la domination des plateformes numériques sur le marché, les approches existantes de démantèlement de ces plateformes pourraient également être envisagées. Cela nécessite bien sûr une définition claire des marchés numériques et des distorsions de la concurrence, potentielles ou constatées.

Réglementation et innovation,  comme un parfum de "je t'aime moi non plus"

La réglementation et l'innovation ne vont pas nécessairement de pair. L'innovation consiste souvent à remettre en question et à bouleverser le statu quo, y compris les modèles commerciaux existants ainsi que la réglementation en vigueur. La réglementation doit ainsi être soigneusement élaborée afin de stimuler l'innovation en se concentrant sur la transition vers l'objectif visé, plutôt que de réglementer l'état actuel. Il est évident que cela nécessite une compréhension approfondie de ce que constitue l'objectif. Dans le cas du renforcement de l'Europe numérique, cela nous amène à l'aspect des acteurs numériques européens de classe mondiale.

La réglementation n'est qu'un élément de la construction d'une Europe numérique forte. Si l'on regarde les principaux acteurs du secteur numérique, on constate malheureusement une sous-représentation des acteurs européens. En particulier au cours de la dernière décennie, la position européenne dans le domaine du numérique a été affaiblie par l'arrivée sur le marché de nouveaux acteurs extra-européens qui ont pris des positions de premier plan.

Par conséquent, des efforts équivalents, voire plus importants, seront nécessaires pour stimuler la création de champions numériques européens capables de rivaliser avec les acteurs dominants existants. Bien que de sérieux progrès aient été réalisés pour renforcer et rationaliser les écosystèmes d'innovation en Europe, il reste encore beaucoup à faire en matière de capital d'investissement, de création du marché intérieur européen unique, d'investissement dans les talents numériques, ainsi que de connexion des communautés européennes de la recherche et de l'innovation. Ce sont autant de domaines dans lesquels l'Europe est actuellement encore surpassée par ses concurrents mondiaux.

Pour renforcer l'Europe numérique, nous avons besoin d'une approche combinée de mesures réglementaires et de moyens favorisant la mise en place d'une industrie numérique européenne compétitive. Une industrie qui puisse s'appuyer sur un cadre réglementaire solide, établissant une Europe numérique souveraine, représentant nos valeurs européennes telles que l'inclusion, l'équité et la durabilité. Pour ce faire, les acteurs de l'industrie et les régulateurs européens doivent travailler main dans la main à la construction d'une Europe numérique forte.

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Commentaires 2
à écrit le 09/12/2020 à 17:54
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Le souci 1er: ou caser les impôts, le reste on s'en moque.

à écrit le 09/12/2020 à 8:27
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"Certains éléments indiquent que le RGPD, aussi bienvenue soit-il, est également largement bénéfique pour les grandes plateformes qui sont rapidement capables de s'adapter à la nouvelle réalité" En effet, tandis que tous les sites français nous i...

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