Le nouveau rôle du contrôleur de gestion face à l'intelligence artificielle

OPINION. La fonction du contrôleur de gestion a évolué avec les nouvelles technologies. Pascal de Lima, Chef économiste CGI Business Consulting et Jean-Bernard Giney, Directeur expert Finance CGI Business Consulting, nous expliquent comment l'intelligence artificielle (IA) va modifier le métier.
(Crédits : DR)

La fonction de contrôle de gestion est apparue aux USA après la crise de 1929 au moment de l'essor de l'industrie. Déjà, l'objectif était de donner une vision prospective de l'activité de l'entreprise à partir d'indicateurs de gestion. Dans le secteur bancaire, il est apparu plutôt dans les années 1970-1980. L'idée était aussi de prendre de la hauteur par rapport aux grandeurs exclusivement comptables et donc d'analyser de façon transverse. Comme dans beaucoup de métiers, le contrôleur de gestion a démarré avec des tableaux Excel mais l'émergence de la data et la nécessité d'analyser une myriade de données a requis aussi des outils plus sophistiqués. Dans ce cadre, il a du tout inventer ne pouvant s'inspirer de l'industrie : mesure de la performance, analyse économique et financière, pilotage stratégique, maîtrise du SI et des process opérationnels forment quelques-unes de ses fonctions clés. Il était alors nécessaire d'obtenir de la façon plus détaillée possible une batterie d'indicateurs pour comprendre la prise de risque et la rentabilité de chacun des segments de clientèle. C'est donc bien le traitement des données qui constitue l'ossature du système et sa capacité à interagir avec le management.

Le rôle de l'automatisation pour l'aider au quotidien à partir des années 2000 : L'automatisation s'est en effet accélérée pour gérer cette masse de données et lui laisser plus de temps libre pour réaliser des tâches à plus forte valeur ajoutée. A partir des années 2000, l'émergence de nouvelles solutions informatiques comme les ERP, les CRM ont enrichi le métier de contrôleur de gestion. Les solutions d'analyses multidimentionnelles de données (Essbase, TMI) et de visualisation (Business Objects) ont permis, elles, d'accélérer la capacité à donner de la visibilité et de la granularité. Excel reste l'outil principal du contrôleur de gestion même si l'architecture des données s'est rationnalisée grâce aux entrepôts de données.

Depuis le milieu des années 2010, le monde du Contrôleur de Gestion connait une évolution importante grâce :

  • à l'émergence du cloud donc du stockage d'une grande quantité de données,
  • à l'augmentation de la puissance des machines permettant le traitement de ces données,
  • à l'apparition de logiciels de consolidation et de visualisation de données.

Ceci a permis de rationaliser les présentations, simplifier les architectures, libérer du temps ...Ces premiers apports basés sur la digitalisation et l'exploitation de données en masse, ont permis d'obtenir une meilleure compréhension de l'activité réalisée. L'enjeu pour la suite consistera à anticiper l'avenir, sur la base d'analyse d'une grande quantité d'informations.

La pandémie et la digitalisation associée ont accéléré la transformation du métier et le déploiement de l'IA

A la vitesse de l'explosion du Big data et sous l'effet de l'accélération de la transformation des métiers du fait de la Covid et l'accélération de la digitalisation, le contrôleur de gestion a dû se transformer aussi à la même vitesse. C'est un facteur accélérateur de la transformation surtout qu'en parallèle à cela, les investissements en IA ont explosé pendant cette période. D'une certaine façon nous avons donc un cercle vertueux de transformation du métier, le métier se transforme de lui-même par les effets de la mondialisation dont le développement informatique, mais il peut aujourd'hui être proactif sans subir l'évolution de son eco-système en optant pour des innovations disruptives qui enrichissent son métier sans le faire disparaître.

Le rôle de l'IA et le contrôleur de gestion de demain

Débarrassé des tâches les plus administratives, le contrôleur de gestion deviendra un véritable business partner pratiquement à temps complet. Le contrôleur de gestion commence à être pourvu de nouveaux outils permettant :

  • la mise en qualité des données et des référenciels ;
  • la modélisation et la simulation des revenus, des coûts etc...grâce à des inducteurs détectés automatiquement comme le nombre d'octroi de crédits, le nombre de produits d'épargne vendus...) ;
  • la mise en place de contrôles automatisés permettant de garantir la cohérence du modèle prévisionnel.

Une partie de ces modules d'apprentissage automatique (« machine learning ») commence à être présente dans certaines solutions (Tagetik, SAP analytics Cloud, Anaplan, etc.) permettant ainsi de rapprocher les données business de données financières et pouvoir modéliser des scenarios multiples pour le futur. Cette puissance de calcul incontestable n'est toutefois pas l'aboutissement de l'IA mais un pas supplémentaire en sa direction.

C'est ainsi qu'au final, Le Contrôleur de Gestion peut désormais s'appuyer sur les projections de ces outils, quitte à les compléter ou les corriger. L'IA se pose comme une alliée importante dans ce rôle mais ne peut remplacer l'humain à ce stade. Dans ce contexte, le Contrôleur de Gestion devra trouver sa place : débarrassé des aspects de collecte de données et de leur mise en ordre, il deviendrait l'expert de l'interprétation au côté d'un data analyst ou scientist quant à eux responsables de la modélisation et de la production des informations sur la base d'algorithmes. Mettre en place une approche IA au sein d'un Contrôle de Gestion est une révolution profonde et structurante. Cette évolution semble inéluctable et il est nécessaire que les différentes organisations s'y préparent dès à présent. L'IA reste une « machine », et réagira comme une machine, sans intuition ou recul à minima au cours de la prochaine décennie. Certes, au départ l'algorithme est pensé par un humain mais si l'IA est appelée à terme à faire évoluer cet algorithme, qui se portera garant des résultats ?

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Commentaire 1
à écrit le 04/10/2022 à 18:19
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Tout fonctionne et se justifie en transformant les "conséquences" en des "causes" et vice-versa ! Ou..., Comment perpétuité l'inutile! ;-)

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