Les banques ont-elles réussi les tests des clients mystères de l'Autorité bancaire européenne ?

OPINION. Voilà maintenant que les régulateurs envoient aussi des clients mystères auprès des banques, en agences mais aussi sur les canaux digitaux, pour vérifier le respect de la législation et la protection du consommateur. Mieux vaut le savoir... Par Jean-Jacques Quisquater, Université de Louvain, Charles Cuvelliez et Bruno Colman, Université de Bruxelles.

Depuis le 1 janvier 2020, l'Autorité bancaire européenne (ABE) a reçu de nouvelles compétences en termes de protection du consommateur. L'une d'elles assez surprenante est la coordination de missions de clients mystères.

Deux scénarios

L'un d'elles vient de s'achever et l'ABE a publié des résultats qui montrent qu'il vaut mieux avoir devant soi une personne en chair et en os. Deux scénarios ont été retenus pour cette campagne : le client mystère demandait, pour l'un d'entre eux, un prêt de 10.000 euros pour des travaux d'amélioration de sa maison ou 5.000 euros pour une dépense urgente, personnelle ou pour un voyage. Dans l'autre scénario, le client mystère souhaitait tout simplement ouvrir un compte de base.

Dans les deux cas, il s'agissait de vérifier que la banque prenait le temps de comprendre les besoins du client, lui faisait de bonnes recommandations et lui communiquait les frais qui en découlent de manière transparente et claire. L'ABE voulait aussi vérifier que le personnel était compétent, suffisamment expert et d'un bon niveau de professionnalisme.

Les scénarios ont été appliqués à tous les canaux de distribution: en agence et par les canaux digitaux (sites web, téléphone...). L'exercice a été limité à la phase précontractuelle puisqu'aller plus loin, c'eût été se dévoiler. Sur les quelques Etats membres où cet exercice a été mené, il y avait des différences d'approche mais imputable aux conditions de marchés locales (par exemple, l'obligation de souscrire à une assurance lorsqu'un emprunt est effectué). Les résultats ne sont pas si mauvais que cela : le reproche le plus grave fut l'inclusion des frais pour contracter l'emprunt au montant de l'emprunt sans demander le consentement du client. Mais l'information précontractuelle requise a bien été fournie presque toujours à la première visite. Si ce n'était pas le cas, le personnel qui recevait le client mystère donnait bien toute l'information nécessaire avec une explication au moins partielle des coûts qu'impliquaient l'emprunt.

C'est au niveau des canaux digitaux que le bât blessait : l'information était insuffisante, tant par téléphone, par mail ou via un chat en ligne. C'est toutefois par téléphone que la qualité et la quantité d'information était la meilleure. Parfois l'emprunt était assujetti à l'ouverture d'un compte en banque. Dans ce cas, bonne chose, le personnel n'a jamais proposé des services en plus comme une carte de crédit ou débit ou des produits additionnels. Quand une assurance était obligatoire, seul hic, le personnel proposait toujours une assurance interne sans préciser que l'assurance pouvait être prise ailleurs.

Ouverture d'un compte en banque

Quant au compte en banque, ce n'est que dans 11 % des cas que les institutions financières testées ont offert un compte de paiement avec juste ce qu'il faut (retirer du cash, pourvoir faire des transactions avec une carte de débit, y compris des paiements en ligne, un accès à la banque en ligne, déposer des fonds, exécuter des paiements). Les institutions de crédit ont toutefois une tendance à présenter plus de services que strictement requis.

Les clients mystères ont testé aussi l'attention portée aux risques de blanchiment d'argent : de fait, ils ont dû produire leur carte d'identité, nom, âge, et parfois des conditions spécifiques comme une fiche de salaire, un contrat de travail. Des questions sur le lieu de résidence et des détails fiscaux furent posés. Pas mal donc.

Sur la documentation légale à fournir dans la phase précontractuelle pour ouvrir un compte en banque, le bât blessait plus : 63 % des institutions financières et 69 % en cas de interaction en ligne ne l'ont pas fournie complètement.

L'EBA fait toutefois quelques recommandations; lorsque le client utilise un canal digital, il est important d'augmenter le niveau d'information fourni par rapport à une interaction en agence. Il faut aussi uniformiser l'information qui doit être la même et complète que ce soit sur place en agence ou en ligne. Et évidemment, ajouter à l'insu du client les frais de la demande d'emprunt dans l'emprunt, ce n'est pas tout à fait correct.

Les résultats sont donc bons ici mais l'ABE risque de ne pas s'arrêter là. L'ABE aurait pu compléter ses pré-achats mystères avec une enquête auprès des clients.Cela pourrait déménager.

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Pour en savoir plus : EBA Report on its mystery shopping exercise into personal loans and payment accounts.

EBA/REP/2023/30

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Commentaire 1
à écrit le 28/08/2023 à 10:21
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Est ce qu une publication des résultats détaillés de l ´enquête est prévue ?

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