Les retraites, faux débats et vrai problème

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, le faux débats et le vrai problème des retraites.
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La réforme des retraites, qui entre dans sa dernière phase de concertation, est d'abord une réforme systémique. Elle a vocation idéalement à fixer un cadre uniforme, basé sur un algorithme unique d'aquisition de droits à la retraite, allant des salariés du public et du privé, jusqu'aux indépendants. Le but est donc d'abord de mettre fin à la balkanisation des régimes. Et ce faisant, de rendre son pilotage financier à court terme, beaucoup plus simple et consensuel.

1/ De petites variations de paramètres (notamment de la valeur du point) produisent des effets beaucoup plus puissants lorsqu'ils sont appliqués à tous et...

2/ l'uniformité réduit la défiance associée à toute réforme, l'inquiétude récurrente que le jeu est biaisé au profit de certains... et donc la conflictualité des ajustements.

En théorie, on aimerait que la question de l'équilibre financier du système, soit dissociée de ce débat. Car au fil des réformes, le système a été paramétré, de sorte à assurer sa viabilité financière à long terme. Ce qui font remarquer que ce n'est pas l'enjeu prioritaire aujourd'hui ont raison. Les dernières projections, construites sur des hypothèses de croissance variant de 1% à 1,8% à long terme, montrent que la part des dépenses de retraites va au pire se stabiliser, au mieux décroître de 2 points de PIB. Et que le découvert global est sous contrôle et n'excédera pas un point de PIB à terme.... Ce qui veut dire que la viabilité financière du système est à la portée de réformes relativement douces.

Des économies sur le dos des futurs retraités

Mettre maintenant le focus sur l'âge de la retraite ou la durée de cotisation donne l'impression que la réforme, derrière sa simplicité et son uniformité revendiquées, est un écran de fumée, destinée à faire des économies sur le dos des futurs retraités. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, avait été postulé dès le début du processus, que l'âge de la retraite à 62 ans, ce seuil minimal où l'on peut partir avec un taux plein, dès lors que l'on a cotisé toutes ses annuités, demeurerait inchangé. Puis le message s'est brouillé, pour prendre toutes les allures d'une tartufferie : 62 ans, oui, mais avec une décote jusqu'à 64 ans. On peut certes minimiser la portée de la mesure. Le paramétrage actuel, avec à terme 43 ans de durée de cotisation, conduira de fait à un âge effectif de départ à la retraite à taux plein de 64 ans...

Et pourtant, non ce glissement n'est pas anodin. Alors que dans le système actuel, ceux qui ont commencé à travailler avant 19 ans, peuvent et pourront bénéficier à 62 ans d'une retraite à taux plein. Mettre une décote avant 64 ans, les obligerait  à travailler deux années de plus pour bénéficier de tous leurs droits... ce qui veut dire en gros, que les moins qualifiés seraient pénalisés, par rapport à ceux qui ont fait des études longues. Ce qui fait ressurgir la fracture si emblématique de la crise des gilets jaunes, entre la France déclassée et la France diplomée des métropoles. 

La réforme a pris soin de bétonner la situation des plus précaires : la retraite ne pourra pas être inférieure à 85 % du SMIC, contre 81% aujourd'hui et même 75 % pour les agriculteurs ; elle protège davantage des familles monoparentales ; elle est favorable aux carrières courtes et hâchées... Mais la portée symbolique de la réforme de l'âge, est suceptible de tout faire capoter. Surtout si l'on ajoute à cela le bataillon des fonctionnaires (notamment enseignants) qui pourraient perdre dans le nouveau système... On comprend qu'Emmanuel Macron ait rétropédalé.

La question de l'âge et de la durée de cotisation

Faut-il pour autant considérer que le débat sur l'âge et la durée de cotisation doit être sorti du périmètre de la réforme ? Non. Pour deux raisons : Premièrement, qu'on le veuille ou non, il s'agit bien d'un enjeu structurel qui engage l'équité du système. Or jusqu'ici, le non-dit des réformes successives, c'est que le maintien du niveau de vie relatif des retraités a été sacrifié sur l'hôtel de l'âge de départ. La solidité financière à long terme du système de répartition se bâtit sur une paupérisation relative des retraités par rapport aux actifs, compte tenu des règles d'indexation. Deuxièmement, la soutenabilité de long terme recouvre un long tunnel de déséquilibre qui atteint un demi-point de PIB en 2025, quel que soit le scénario, puis reste substantiel, entre 1 point et 0,3 point jusqu'en 2035. Il n'y a pas péril en la demeure financièrement parlant. Mais une vraie légitimité à se demander s'il ne vaudrait pas mieux affecter ce demi-point de PIB à des investissements d'avenir plutôt qu'à financer le découvert des retraites, même s'il n'est que transitoire.

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Commentaires 15
à écrit le 23/09/2019 à 10:42
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Le véritable encadrement des retraites porte en effet sur le pourcentage du PIB et sur l’évolution de la retraite moyenne distribuée rapportée à l’évolution du PIB par habitant. Si on pose l’idée toute simple qu’on souhaite maintenir sans l’augmenter...

à écrit le 17/09/2019 à 16:43
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Pour moi comme pour tout autres citoyens, la réforme des retraite n'est pas "systèmique" comme vous l'écrivez mais systématique à tout les quinquennats. A chaque fois le même discours et le même constat "se sera la dernière fois" et "vous y aurez dro...

à écrit le 16/09/2019 à 22:03
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- La promesse de M. Delevoye d'assurer à tout retraité un revenu minimum de l'ordre de 850 euros, est louable. Mais s'il s'agit d'assurer ce minimum en versant une somme complémentaire, sous condition de ressources, alors ce sera une grande injustice...

à écrit le 16/09/2019 à 21:10
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Et si nous laissions la parole à de vrais spécialistes de l'assurance vie? La "table de mortalité" ne connaît ni le sexe, ni la maladie, ni la profession; elle est aussi aveugle que la justice: les actuaires valent mieux que les énarques, fussent-ils...

à écrit le 16/09/2019 à 18:24
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- Les faux débats vont persister et se multiplier car cette réforme prétendument "systémique" conserve en fait l'essentiel de la source des problèmes : l’ambiguïté du statut des cotisations. - En effet, dans ce système dit "Par répartition", les cot...

à écrit le 16/09/2019 à 17:31
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Quand vont il mettre en route une TVA sociale pour budgétiser les versements sociaux? L'UE de Bruxelles ne veut pas!? Elle ne veut que rabaisser notre niveau de vie!? Çà.. on l'avais compris!

le 18/09/2019 à 21:44
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l'UE n'a strictement rien contre la TVA sociale appliquée dans de nombreux états membres dont l'Allemagne (les 3 points ajoutés à l'arrivée de Merkel. Il n'y a pas de TVA sociale en France uniquement parce que Hollande, dont le seul programme était d...

à écrit le 16/09/2019 à 13:00
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Derrière cette nouvelle "nécessité" comptable de travailler toujours plus longtemps, il y a plusieurs refus de voir la réalité du travail et donc d'injustices : - plus les métiers sont spécialisés, plus il est difficile de se retrouver un emploi, su...

le 16/09/2019 à 13:41
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En 1947 la retraite était fixée à 65 ans pour une espérance de vie de 67 ans. Les guillemets autour de "nécessité" sont donc de trop.

le 16/09/2019 à 17:01
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Saut que lorsque l on atteint 65 ans l'espérance de vie est largement supérieure à deux ans

à écrit le 16/09/2019 à 11:16
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Il n'y a pas de problème de financement des retraites dans sa forme actuelle, le problème c'est le taux de chômage... C'est bizarre, on ne parle pas beaucoup du problème de l'emploi depuis quelques temps, ce qui me laisse penser que le gouvernement n...

le 16/09/2019 à 18:31
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Il n'y a qu'en URSS que le gouvernement créait des emplois.

le 16/09/2019 à 18:56
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Réponse à Tototiti: Les Marcheurs n'ont pas dit qu'ils allaient créer des emplois, mais ils ont dit qu'ils allaient réduire le chômage 😁... Tirez en la conclusion que vous voulez.

le 18/09/2019 à 21:38
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@Tototiti : des "emplois" en URSS : les soviétiques faisaient surtout semblant de travailler et l'état faisait semblant de les payer...

à écrit le 16/09/2019 à 10:25
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Ce qui est marrant, n'est pas tant dans la "balkanisation" quoi que le mot actuellement peut avoir un double sens, que d'avoir conscience que par la suite le moins disant est par définition ce qui permet de parler de viabilité, mais dont en fait perm...

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