Alors que le palier des 100.000 points de recharge a été atteint en mai 2023 (avec près d'un an et demi de retard par rapport à l'objectif initial), le Gouvernement s'est fixé une nouvelle cible qui pose la question du dimensionnement des stations de recharge et de la capacité du réseau électrique à y répondre : 400.000 points de recharge ouverts au public d'ici 2030, dont au moins 50. 000 en recharge rapide (d'une puissance supérieure à 150 kW).
Objectif : 80.000 véhicules électriques lourds sur les routes en 2030
Au total, avec environ 15 millions de véhicules électriques légers en circulation, le réseau devra fournir l'équivalent de 7% de la consommation finale d'électricité en France en 2030. Certes, RTE est raisonnablement optimiste dans son bilan prévisionnel 2023-2035, tablant notamment sur la capacité à engranger des gains d'économie d'énergie dans d'autres domaines (grâce à l'isolation des logements). Et ce même en intégrant le défi du transport routier de marchandises, particulièrement énergivore et qui ne pourra lui non plus faire l'impasse sur l'électrification : la Première ministre vise d'ailleurs 80.000 véhicules électriques lourds sur les routes en 2030, exigeant des bornes à près de 1 MW de puissance !
Le chantier industriel qui se dessine est considérable, notamment sur les grands axes routiers : ENEDIS et RTE considèrent (dans une étude publiée en juillet 2021) que pour répondre aux besoins de recharge des véhicules légers sur autoroutes en 2035, de 20 à 60 bornes en moyenne devront être disponibles par aire. En gardant à l'esprit que les performances de recharge des véhicules pourraient évoluer, ce qui suppose d'installer des bornes capables de s'adapter au fil de ces évolutions et prévoir les raccordements en conséquence. Des solutions dites « dynamiques » pour les camions sont par ailleurs en cours d'expérimentation et devront faire l'objet d'un approvisionnement massif en électricité propre si elles sont concluantes : des « routes électriques » à induction ou par caténaires qui permettent de recharger les poids lourds en roulant.
L'impératif est donc d'anticiper les infrastructures bien en amont du développement des véhicules rechargeables, mais aussi d'être capable de gérer la forte sollicitation du réseau pendant les périodes de pointe, notamment au moment des grandes migrations estivales : d'ici 2035, sur l'aire de Valence (qui est à la confluence de plusieurs autoroutes), il faudra avoir déployé une puissance équivalente à celle de l'aéroport d'Orly, et cela pour couvrir un besoin assez ponctuel dans l'année.
Le gouvernement semble avoir pris la mesure de l'enjeu
Un schéma national de raccordement haute puissance des stations de recharge a été annoncé conjointement par la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher et le ministre des Transports, Clément Beaune d'ici la fin de l'année. Le document répertoriera les sites de raccordement des bornes de recharge des véhicules légers et des véhicules lourds pour faciliter la mobilité en itinérance ou les sites privés... En ligne avec les recommandations de RTE qui plaide pour une mise à l'échelle « d'emblée » des infrastructures, en particulier celles spécifiques à la recharge des poids lourds.
Il est impératif d'être au rendez-vous, car, dès lors que le Gouvernement a la volonté de rendre largement accessible la mobilité électrique via son modèle de leasing à 100 euros par mois, la « granularité » du réseau de recharge est la condition absolue de la réussite. Et, par ailleurs, la situation de la France sur la carte de l'Europe crée comme obligation d'accueillir le fret routier électrifié.
En somme : planifier !
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