Monsieur le président : la France a besoin d’une stratégie d’influence européenne

OPINION. Nous devons conduire une stratégie d'entrisme administratif et organisationnel pour positionner nos représentants aux endroits clés des différents niveaux de décision de l'Union européenne. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne, président de j c g a.
Jean-Christophe Gallien.
Jean-Christophe Gallien. (Crédits : DR)

Nous l'écrivions la semaine dernière dans ces colonnes, Bruxelles, la capitale de l'Union européenne, concurrence Washington DC pour le titre de la capitale mondiale du jeu de l'influence. Un jeu très sérieux et stratégique auquel trop peu de français participent réellement. Un jeu ouvert à tous, évidemment aux Européens, Britanniques, Allemands, Espagnols ... mais aussi aux Américains, aux Chinois. C'est sur ce terrain que la France doit se projeter avec détermination holistiquement et collectivement. La France a besoin d'une véritable stratégie d'influence européenne.

Nous l'écrivions la semaine dernière, la GRANDE PRIORITÉ du moment, est de commencer par le Parlement européen. Il faut y envoyer les plus aguerris aux processus et enjeux européens, les mieux armés linguistiquement et culturellement aussi, mais ça ne suffit pas, la France doit pousser plus loin et plus fort.

Occuper tous les autres endroits clés

Il faut s'installer massivement et agir, au quotidien, partout où se vit l'Union. Nous devons conduire une stratégie d'entrisme administratif et organisationnel pour positionner nos représentants aux endroits clés des différents niveaux de décision de l'Union. A la Commission, où un rééquilibrage des postes est en cours depuis 2014 au cœur de l'institution au profit des entrants de 2004, mais aussi dans toutes les institutions de l'Union - Conseil, Conseil de l'Union européenne, Comité des Régions, CES, BCE, BEI... Parallèlement, il faut renforcer systématiquement la  place de nos experts dans les espaces d'élaboration et de décision des processus de l'Union.

La France dans son ensemble doit s'engager

Représentants publics, organisations professionnelles privées... le mouvement impulsé par nos gouvernants doit tous nous mobiliser et nous projeter sans réserve dans cette bataille de l'influence et de la conquête au service de la France dans l'Europe et au-delà dans les zones dites de partenariat. Il faut ainsi se battre pour prendre toute sa place et si possible le contrôle au cœur des associations professionnelles, représentant presque toutes les industries. A défaut, il ne faut pas hésiter à créer la sienne propre. Il nous faut renforcer nos positions dans le débat d'idées européen. Plus de think tanks qui produisent et publient davantage en anglais. Notre audiovisuel extérieur doit remplir son rôle éminent de porte voix. Au-delà, c'est l'impact de l'ensemble de nos médias eux-mêmes qui doit être repensé collectivement et individuellement. La BBC, le FT et The Economist demeurent encore aujourd'hui les médias les plus consultés par l'ensemble des parties prenantes impliquées dans les affaires européennes !

L'atout du Français

La langue doit s'imposer comme un atout et non comme une faiblesse, et pas seulement au cœur des institutions qui favorisent trop souvent l'usage de l'anglais. Si l'intelligence culturelle oblige à se rapprocher de nos partenaires dans le sens le plus intime et donc dans la langue du territoire cible, la francophonie constitue, aussi en Europe, un formidable levier d'influence. Nous devons rendre plus lisible et surtout offensive l'approche francophonie, et lui donner les moyens de s'exprimer sur le terrain partout en Europe et à Bruxelles.

Restructurer notre approche administrative

Le ministère des Affaires dites européennes a davantage sa place directement auprès du Premier des ministres qu'auprès du Quai d'Orsay. Avec la progression continue des domaines de compétence de l'Union et l'extension corollaire de la norme européenne. Le caractère à la fois holistique et stratégique des matières couvertes exige une coordination interministérielle et une capacité d'arbitrage politique au plus haut niveau. Malgré une compétence et un travail exceptionnels, ni le secrétaire général aux affaires européennes malgré son rattachement au Premier ministre, ni notre ministre des Affaires européennes, ni notre représentation permanente à Bruxelles ne disposent, en fait, des pouvoirs, de l'autorité, voire même de l'influence pour arbitrer les divergences légitimes entre ministères et, au-delà, de l'ensemble des parties prenantes françaises ayant à défendre des intérêts particuliers auprès de l'Union.

Cela implique une mutation culturelle des individus et des organisations.

Le maître mot est l'anticipation, éviter de devoir livrer bataille - sauf si on l'a presque gagnée. Il faut en particulier associer tous les acteurs du processus de décision européen pour préparer ensemble et très en amont les positions officielles de la France. C'est une dynamique positive, une vision claire, une stratégie ambitieuse, des moyens et des hommes. L'effort doit être continental, dans les capitales aussi, qu'elles soient nationales ou régionales, à la mesure d'une mutation liée à l'élargissement.

Emmanuel Macron a raison, il s'agit de relever le défi du monde tel qu'il est pour qu'il nous réussisse dans un objectif de conquête. C'est ce positionnement, cette affirmation européenne du mythe français dans un monde en équilibre instable qui les transformera en autant d'atouts contemporains, en autant de leviers de croissance.

Pour y parvenir, Emmanuel Macron et la France doivent engager une vraie stratégie d'influence européenne pour la France. Et commencer, pour ce qui est du président, par faire de sa liste LREM un exemple d'ambition et de conquête, à l'opposé de la longue tradition française que certains partis politiques continuent de célébrer.

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Par Jean-Christophe Gallien
Politologue et communicant
Président de j c g a
Enseignant à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaires 8
à écrit le 13/03/2019 à 14:25
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La France est certainement la championne de l'entrisme administratif : la majorité de ses représentants politiques sont d'anciens fonctionnaires, y compris le président. Pour que l'Europe existe en géostratégie, l'idée d'un centre de décision comme l...

à écrit le 12/03/2019 à 12:04
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Quand j'ai trouvé le docteur ben, j'avais désespérément besoin de ramener mon ex-amoureux. Il m'a quitté pour une autre femme. C'est arrivé si vite et je n'ai eu aucun mot à dire dans la situation. Il vient de me larguer après 3 ans sans aucune expli...

à écrit le 11/03/2019 à 19:17
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Question : L’influence est sur un autre terrain ? C’est fini «  le terrain ici »? Maintenant le «  jeu des grands se jouent sur le terrain de l’UE »... Ça je viens de le comprendre et je commence à comprendre les futurs «  verrous internes »... Touj...

à écrit le 11/03/2019 à 17:37
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Faire ce que l'on critique aux autres de faire! Poussez au nationalisme pour s'autodétruire! Se fondre dans la masse pour se sentir souverain en étant plus rien! Un "miracle" de propagande!

à écrit le 11/03/2019 à 17:32
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P.S: "Près de 5.000 banquiers dans l'UE gagnent au moins 1 million d'euros par an" https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KBN1QS1XJ/pres-de-5-000-banquiers-dans-l-ue-gagnent-au-moins-1-million-d-euros-par-an.html

à écrit le 11/03/2019 à 17:16
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Pas de légitimité citoyenne européenne pas d'Europe, je pense que la façon dont le traité constitutionnel européen est passé, en force donc, les blessures que ce putsch a occasionné sont encore profondes et vives, ne pourra jamais donner une quelconq...

à écrit le 11/03/2019 à 17:07
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Alors que plus aucun pays dans l'Europe n 'aura la langue anglaise comme seule langue officielle, il est temps de remettre à l'honneur le français qui a toute légitimité pour rester la seule langue officielle de l'espace européen.

le 12/03/2019 à 5:02
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A Eugene. Depuis la 1ere guerre mondiale, l'influence francaise a disparue. On parlait en effet francais dans toutes les ambassades et dans de nombreuses familles aisees etrangeres a la culture francaise, c'etait le must. Aujourd'hui, l'anglais e...

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