Oléron  : peut-on maintenir un parc éolien offshore dans une zone de protection des oiseaux  ?

A l'heure de l'inauguration présidentielle du premier parc éolien offshore français (au large de Saint-Nazaire), la lutte contre le dérèglement climatique et la transition énergétique conduisent à accélérer les projets d'implantation de parcs éoliens. Mais les pays maritimes européens doivent faire preuve de discernement en évitant les aires marines protégées, dont la préservation est également un enjeu majeur de notre planète. Par Laurent Bordereaux, juriste, professeur à l'université de La Rochelle.
La localisation géographique de cette grande centrale éolienne (en mode « posé ») n'est certes plus la même, étant désormais prévue -dans la décision gouvernementale- à plus de 35 km des côtes, en zone économique exclusive (en bordure extérieure du parc naturel et de la zone « Natura 2000 » pour la protection des habitats).
La localisation géographique de cette grande centrale éolienne (en mode « posé ») n'est certes plus la même, étant désormais prévue -dans la décision gouvernementale- à plus de 35 km des côtes, en zone économique exclusive (en bordure extérieure du parc naturel et de la zone « Natura 2000 » pour la protection des habitats). (Crédits : Reuters)

La ministre de la Transition énergétique a confirmé, dans une décision publiée le 29 juillet 2022* la volonté du gouvernement français d'implanter un parc éolien marin de 1000 MW en zone dite « Sud-Atlantique », précisément au large de l'île d'Oléron (une extension de même puissance est également prévue).

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Cette décision, on s'en souvient, fait suite à un débat public particulièrement critique quant aux conséquences environnementales d'un tel projet, initialement envisagé au cœur de deux zones de protection du réseau écologique européen « Natura 2000 » et d'un parc naturel marin (parc naturel de l'estuaire de la Gironde et des Pertuis charentais). La localisation géographique de cette grande centrale éolienne (en mode « posé ») n'est certes plus la même, étant désormais prévue -dans la décision gouvernementale- à plus de 35 km des côtes, en zone économique exclusive (en bordure extérieure du parc naturel et de la zone « Natura 2000 » pour la protection des habitats). Mais les communicants n'ont pas toujours pris soin de préciser qu'elle demeurait toujours au sein d'une zone « Natura 2000 » pour la protection des oiseaux (zone de protection spéciale « Pertuis charentais - Rochebonne »), ce dont on ne saurait se satisfaire.

Le projet éolien offshore au large de Dunkerque déjà validé

Nombre d'associations (dont la Ligue de Protection des Oiseaux) ont vivement réagi au lendemain de cette annonce, déposant un recours gracieux auprès de la ministre et laissant planer la perspective d'un recours contentieux devant le juge administratif. L'affaire est d'autant plus préoccupante qu'elle n'est pas isolée : on sait que le gouvernement a déjà validé un projet éolien offshore au large de Dunkerque en zone « Natura 2000 », dont la localisation est par ailleurs contestée par la Belgique... En Méditerranée, les éoliennes flottantes du projet « Provence Grande Large » sont également situées en secteur protégé « Natura 2000 ».

A l'heure où toutes les Nations doivent faire des choix structurants difficiles en matière d'énergie, dans un contexte international extrêmement tendu, la tentation pourrait être forte de reléguer au second plan la préservation des aires marines protégées, qui constitue pourtant un enjeu tout aussi impérieux. La France n'est pas la seule en cause ; des inquiétudes concernant les impacts des éoliennes offshore sur la biodiversité marine se font jour, entre autres, dans les eaux californiennes et espagnoles. La Belgique n'échappe pas non plus à cette problématique majeure pour la mer du Nord également.

Les Etats membres de l'Union européenne et la Commission doivent prendre au sérieux les exigences afférentes à la législation protégeant les sites « Natura 2000 », lesquels n'ont jamais été institués pour accueillir des grandes centrales éoliennes. Rappelons qu'en vertu des directives « Oiseaux » et « Habitats », transposées dans les droits nationaux, les projets susceptibles d'avoir des effets préjudiciables sur les sites « Natura 2000 » ne sauraient être autorisés, sauf en l'absence de solutions alternatives, dès lors que des mesures compensatoires suffisantes sont prises et qu'il existe une raison impérative d'intérêt public majeur (voir l'article L. 414-4 VII du code français de l'environnement).

Mesures compensatoires

Cette dernière condition semble devoir être présumée dans les textes juridiques à venir, sachant qu'elle l'était déjà dans les esprits... La question des mesures compensatoires s'avère plus délicate, comme l'a bien montré le Conseil national de la protection de la nature dans un avis de juillet 2021 : en mer, en quoi pourront consister des mesures dignes de ce nom ? Des mini-sanctuaires en échange de l'acceptation de l'éolien offshore tout autour ? L'accélération de l'anthropisation de la mer à des fins de production d'électricité devra faire l'objet d'une réflexion globale. Quoi qu'il en soit, les maîtres d'ouvrage ne pourront certainement pas se contenter de financer des programmes de recherche sur la biodiversité marine.

Enfin, la condition des « solutions alternatives » est fondamentale : elle devrait plaider aujourd'hui pour le passage à l'éolien « flottant » (déjà moins impactant pour les fonds marins), dans l'optique d'un réel évitement des zones protégées, sans se focaliser sur les seules questions financières. N'oublions pas que dans la séquence « Eviter / Réduire / Compenser », bien connue des bureaux d'études, l'évitement vient en premier ! La jurisprudence des juridictions nationales et de la Cour de justice de l'Union européenne conduira-t-elle les Etats de l'UE à un plus grand respect des enjeux écologiques dans le choix des sites éoliens ? L'implantation en zone « Natura 2000 » n'est certainement pas une option devant être banalisée, malgré la crise énergétique et les progrès de l'ingénierie écologique.

Au regard du fort vent de contestation (d'Oléron et d'ailleurs) qui souffle en faveur du respect des aires marines protégées, il ne paraît pas improbable que la justice des Etats membres (et européenne) soit appelée à leur chevet...

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* Décision du 27 juillet 2022 consécutive au débat public portant sur le projet de parcs éoliens en mer en Sud-Atlantique et son raccordement (publiée au Journal Officiel de la République Française du 29 juillet 2022).

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Commentaires 3
à écrit le 26/09/2022 à 13:12
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Les couloirs de migration des oiseaux, normalement, devraient(doivent) être épargnés. On imagine qu'il y a pas mal de place pour pouvoir implanter ces engins, sauf contraintes techniques diverses (quid des hydroliennes, éolienne sous l'eau :-) Peut-ê...

le 27/09/2022 à 13:10
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il faut une petition total des citoyens francais pour implanter des eoliennes au touquet l'un des ces resident doit montrer l'exemple dans le cas contraire il faut tout demonter

à écrit le 25/09/2022 à 12:58
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Je suis pour le respect total des zones classées Natura 2000, notamment terrestres, mais pas pour le classement de zones maritimes au surplus éloignées du continent (pas ou peu d’oiseaux..). Et les mesures compensatoires sont une excuse, non valable...

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