Éolien en mer : le plan de l'Etat pour enfin accélérer

En déplacement jeudi au parc éolien en mer de Saint-Nazaire, Emmanuel Macron va présenter les grands axes du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, qui sera présenté lundi en Conseil des ministres. Dans une version provisoire qu’a consulté La Tribune, l’exécutif dégage plusieurs mesures fortes afin d’abréger les consultations avec le public et d'alléger certaines exigences environnementales, alors que la France accuse du retard sur ses objectifs de déploiement des parcs.
Marine Godelier
(Crédits : Reuters)

Sur la baie de Saint-Brieuc, dans les Côtes d'Armor, voilà dix ans que l'Etat a choisi le géant espagnol Iberdrola pour ériger une infrastructure d'un nouveau genre, déclenchant l'ire de pêcheurs et d'associations locales : une ferme éolienne vissée dans la Manche, située à une quinzaine de kilomètres des terres les plus proches. Pourtant, sur place, ni mâts ni pales ne se dégagent encore à l'horizon. Amorcé cette année après neuf ans de procédures judiciaires, le chantier ne devrait pas s'achever avant la fin 2023.

Comme un symbole du retard français dans le développement des énergies renouvelables. La France détient en effet un record : celui du délai le plus long entre le feu vert accordé à un projet éolien en mer... et sa mise en œuvre effective. En moyenne, dix longues années sont nécessaires avant qu'une installation ne voit le jour, soit environ deux fois plus qu'à l'étranger. Le seul parc quasiment terminé en France, celui de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) qu'inaugurera ce jeudi Emmanuel Macron, ne fait pas exception : attribué en 2012 à EDF dans le cadre du même appel d'offres que Saint-Brieuc, sa mise en service progressive date d'il il y a quelques semaines seulement.

De quoi faire grincer des dents le gouvernement, alors que la France manque cruellement d'électricité, et pourrait même subir des coupures inopinées durant les prochains hivers. D'autant que la stratégie dévoilée en février à Belfort par le chef de l'Etat donne une place de choix à l'éolien offshore, qui devra monter rapidement en puissance : au détriment de leurs homologues terrestres, la capacité de ces géantes à pales devrait s'élever à 40 gigawatts (GW) en 2050, avec 50 parcs en exploitation...contre 0,48 GW aujourd'hui.

Pour passer la seconde, l'exécutif prépare donc un plan d'envergure, dont les grands axes seront présentés par Emmanuel Macron ce jeudi. « Le cap posé à Belfort est plus urgent (encore) compte tenu de la situation que nous vivons sur les prix de l'énergie et la sécurité d'approvisionnement énergétique », a d'ailleurs souligné l'Elysée cette semaine. Concrètement, il sera question du projet de loi d'accélération des énergies renouvelables. Déjà annoncé cet été, il sera présenté lundi 26 septembre en Conseil des ministres avant d'être débattu au Parlement de fin octobre à début décembre.

Lire aussiL'éolien en mer suscite aussi l'opposition d'associations environnementales

Planification globale par façade

Dans un texte provisoire soumis début septembre au Conseil national de la transition écologique (CNTE) que s'est procuré La Tribune, le gouvernement énumère ainsi des mesures fortes - même si la version finale pourrait donner lieu à des ajustements.

D'abord, celui-ci compte raccourcir le temps consacré à la concertation avec le public : plutôt que d'accumuler les heures de réunions projet par projet, le débat se tiendra en premier à l'échelle de la façade (Méditerranée, Atlantique, Manche). « Cela permettra de constituer un socle afin de ne pas repartir de zéro dans les débats à chaque installation nouvelle », se félicite Michel Gioria, délégué général de France Energie Eolienne. De fait, « lors des séances de discussions avec la population, une grande partie des questions et commentaires concerne le bien-fondé de l'éolien en mer en général, son articulation avec le nucléaire dans le mix électrique national, etc », soufflait il y a quelques jours l'opérateur d'un parc offshore en construction à La Tribune.

Et de poursuivre : « Aujourd'hui, 90% des enjeux débattus s'avèrent ainsi communs à tous les parcs Il faut donc que ces questions soient discutées au global en amont, plutôt que d'être re-traitées à chaque nouveau projet, ce qui prend énormément de temps ».

Par ailleurs, pour tous les projets d'énergies renouvelables, les « formalités de préparation de la participation du public » auront lieu « en parallèle de la production des services instructeurs », plutôt que d'attendre la fin de l'une de ces tâches avant de pouvoir s'attaquer à l'autre, comme c'est le cas aujourd'hui. A Saint-Brieuc, Iberdrola n'avait ainsi pu obtenir une autorisation administrative pour réaliser son parc qu'en 2017, après des centaines d'heures de réunions publiques.

Allégement des règles de protection de l'environnement

En outre, les études environnementales et techniques pourraient elles aussi se voir assouplies. A ce sujet, l'article 3 suscite des oppositions fortes de la part du CNTE, à tel point que la disposition pourrait disparaître dans la version définitive, selon plusieurs sources proches du dossier. En effet, cet article propose de « relever plus facilement les seuils de soumission à une évaluation environnementale systématique » compte tenu du contexte d'urgence énergétique. Autrement dit, les règles de protection de l'environnement pourraient être allégées afin de s'ajuster à celles en vigueur dans les autres pays européens. Mais pour les ONG, les collectivités territoriales et les syndicats membres du CNTE, cela constituerait une entorse « inacceptable » au principe de non-régression environnementale, selon lequel la protection de l'environnement ne peut que faire l'objet d'une amélioration constante.

« [Nous] n'acceptons pas qu'on attribue la lenteur du développement des renouvelables aux procédures environnementales et aux consultations et débats publics prévus par les lois en vigueur », précisaient début septembre les ONG de protection de la nature dans un communiqué.

De son côté, le patronat estime qu'il est important que les règles du jeu soient les mêmes en France que dans les autres pays européens, même s'il appelle à « ne pas remettre en cause le principe de non-régression ».

Accélérer les projets d'intérêt public majeur

Il n'y a pas que sur ce point que les débats font rage : l'Etat appelle en outre à reconnaître une « raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) » pour certains projets d'énergies renouvelables répondant à des « conditions techniques fixées par décret en Conseil d'Etat ». Cela signifie que les projets concernés bénéficieront d'un régime spécial censé les « sécuriser juridiquement » en cas de contentieux en ce qui concerne les dérogations à l'obligation de protection des espèces protégées. Ils pourront donc faire fi de l'évaluation environnementale, en vue de réduire le nombre de procédures judiciaires, « sources de retards et de difficultés ».

« Cela signifie que malgré les impacts constatés sur certaines de ces espèces, le parc ne sera pas remis en question, à condition que l'opérateur compense ces impacts. Par exemple, en contribuant au renouvellement de l'habitat de la faune concernée, ou en bridant le parc pendant leur reproduction », précise Michel Gioria.

Une disposition tantôt « dangereuse » selon les ONG, tantôt « justifiée au regard des enjeux », si l'on en croit d'autres membres du CNTE. Il faudra donc attendre le discours d'Emmanuel Macron ce jeudi et la présentation formelle du texte lundi en Conseil des ministres pour savoir à quel point ces avis auront été pris en compte.

Lire aussiEnergies renouvelables : parmi les pays « riches » l'Espagne fait le plus d'efforts, la France en retard

Marine Godelier

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Commentaires 24
à écrit le 22/09/2022 à 19:24
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Il y en qui doivent être payés ici pour faire la promo de l'éolien offshore. Si le seul argument c'est dire que ça fonctionne, j'ai envie de dire : encore heureux. Il ne manquerait plus que ce soit le contraire ! Le problème n'est pas là : il est env...

à écrit le 22/09/2022 à 18:45
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Deux remarques de fond sur cet article : 1- la France n'est pas en retard sur les renouvelables, tout du moins dans la production d'électricité. Au contraire elle est en avance sur la prise de conscience prochaine de nos voisins qu'éolien et solair...

le 23/09/2022 à 8:20
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oui aux eoliennes au large du touquet et sur les collines des environs tous a egalite si cela genne certaine personne il faudras quelle fasse avec

à écrit le 22/09/2022 à 14:32
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l éolien signe la fracture entre deux visions de l écologie ! un impact carbone en amont. nuisible par inconvénients divers. parfois sonore. mais financier pour le contribuable qui s appauvrit en finançant des revenus versés aux promoteurs industrie...

à écrit le 22/09/2022 à 11:44
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Un parc éolien n'empêchera pas les coupures cet hiver. Il apporte de l'énergie annuelle mais pas de la puissance quand on n'en a le plus besoin. Par ailleurs discuter par façade n'a aucun sens. Je pense que si l'on discute de la façade Méditerranéen...

le 22/09/2022 à 14:00
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Les belges, les hollandais, les allemands, les anglais, et les danois en sont hypersatisfaits. Demandez leur. Ou faites des recherches sur internet. Les eoliennes offshores produisent un maximum en hiver quand on en a le plus besoin

à écrit le 22/09/2022 à 11:43
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L'éolien en mer, c'est bon pour les Bretons : ils n'ont pas centrales nucléaires, les pôvres !

le 22/09/2022 à 14:01
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La bretagne ne represente meme pas 200 000 habitants

à écrit le 22/09/2022 à 10:18
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Faut-il rabâcher que les ENR exigent un adossement à de puissantes centrales pilotables.. quelles sont elles ???? En outre une éolienne commence sa production pour environ un vent de 12km/h et se met en pleine puissance entre 50 et 90km/h... Ce n'est...

le 22/09/2022 à 14:27
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tentez de vous renseigner sur internet. on y trouve tout.Les nouvelles eoliennes ont une disponibilite superieur a une centrale nucleaire. Au lieu d adosser le nuke aux barrages hydroelectriques, pourquoi ne pas adosser l eolien et le photovoltaique ...

le 22/09/2022 à 18:56
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Pendant ce temps...Merci de donner des chiffres..

à écrit le 22/09/2022 à 9:28
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Compte tenu du littoral français, seul l'eolien flottant est un compromis acceptable. Planter des poteaux dans des fonds marins profonds d'ailleurs n'a pas un bon bilan carbone vu la consommation démesuré de beton....

à écrit le 22/09/2022 à 8:34
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si c'est encore plus engraisser les fonds de retraite Américain !!!!!!et augmenter le prix du KW !!!! il vaut mettre des fonds sur la recherche nucleaire

à écrit le 22/09/2022 à 7:19
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250 Tw d'électricité produits en 1990 500 Tw produits en 2020 750 Tw prévus produits en 2040 Sobriété ? Nous pourrons couvrir toute la France dans ses moindres recoins d'objets destructeurs, mais tant que nous soutenons les orthodoxes de la crois...

à écrit le 22/09/2022 à 2:58
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« Une brute qui marche va plus loins qu’un intellectuel assis ». Où l’on se rend compte que la démarche intellectuelle concernant l’écologie, l’amour du perpétuel débat et des procédures judiciaires se révèlent être des ennemis implacables de la lutt...

le 22/09/2022 à 8:57
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Qu'on explique comment ces énergies renouvelables se prétendent écologiques? Elles ont besoin de métaux rares, d'électronique, de métal, de minerai pour fonctionner. On implante un gros bloc de béton dans la terre pour monter une éolienne qui ne fonc...

le 22/09/2022 à 9:45
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Bonjour, Vous êtes surement un doux rêveur. Mais en matière d'énergie il faut avoir les pieds sur terre. L'énergie du vent coute très cher, est aléatoire, non pilotable. Le raccordement au réseau terrestre coute aussi cher que le projet lui même, m...

le 22/09/2022 à 12:59
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Le débat ne porte pas vraiment sur l’opportunité du déploiement ou non d’éoliennes. Ce sujet technique me dépasse. Je ne suis pas contre leur déploiement dans l’absolu, mais ce n’est pas mon propos. Le sujet porte sur le rythme de déploiement et sur...

à écrit le 21/09/2022 à 21:08
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À force d'accélérer il va falloir créer quelques commissions ou comité Théodule pour les faire ralentir et atterir.

à écrit le 21/09/2022 à 20:07
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Le terme "enfin" est de trop ! Ce qui m'intéresse serait plutôt de savoir quand nous serons débarrassés de ces maudites éoliennes.

le 22/09/2022 à 6:29
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"enfin" ???? Peut-être faudrait-il enfin, cette fois-ci, instruire sur la base des faits. Imaginez que la loi de programmation énergétique ait été respectée... Imaginez que nous serions à la veille d'avoir fermé (définitivement pour 2025) les qu...

le 22/09/2022 à 14:40
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c est pour cela qu on a plante plus de 6000 eoliennes offshores en Europe. L UE prevoit 500 Gw (500 centrales nucleaires en disponibilite et puissance) en mer du Nord en 2050. Les USA prevoient 30 GW d offshore en 2030. Le Bresil prevoit de 120 GW a ...

le 22/09/2022 à 18:54
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Le problème "réponse de réponse" c'est que vous confondez puissance et énergie. La puissance ne sert à rien quand on ne l'a pas quand on veut. Pire, elle renchérit le coût de l'électricité quand elle se surajoute à la capacité pilotable et contribu...

le 23/09/2022 à 9:09
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Tous les pays cités disposent de centrales pilotables, soit nucléaires soit hydrauliques pour assurer le complément (ou backup) de l'éolien quand le vent est absent. Les études de stabiltié de réseau montrent d'autre part qu'on ne peut mettre en moye...

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