Pas de transition écologique sans une mobilité repensée de fond en comble

OPINION. Crise sanitaire, pollution, trafic... jamais l'opinion publique n'a autant interrogé son rapport à la mobilité et son impact environnemental que dans ce contexte d'épidémie du Covid. Mais, pour promouvoir une mobilité durable et accessible, encore faut-il que le gouvernement établisse une doctrine claire et volontariste. Par Bruno Morizur, DG d’Athlon France.
Bruno Morizur, DG d’Athlon France
Bruno Morizur, DG d’Athlon France (Crédits : Athlon France)

La Semaine Européenne de la Mobilité 2020 vient à peine de se terminer que nous nous interrogeons encore sur ses résultats : comment voulez-vous réellement « inciter le plus grand nombre [...] à adopter une démarche écocitoyenne pérenne en privilégiant les déplacements doux et alternatifs à la voiture particulière », comme le prône l'Ademe, alors que 70% à 80% de nos concitoyens (selon les estimations : Ipsos, Insee, etc.) utilisent un véhicule pour aller au travail chaque jour ? Les incitations ne fonctionnent qu'auprès de ceux qui ont le choix !

Pourtant, nous devons tous optimiser nos déplacements afin de contribuer à la transition écologique. La réduction de l'impact environnemental du véhicule individuel est incontournable à ce titre. Nous y arriverons en multipliant les incitations, les investissements dans les infrastructures ET en optimisant l'existant.

À l'inverse, si nous persistons à imaginer que tous les modes de transport sont substituables sans contraintes, pour tous et partout, nous demanderons l'impossible aux Français et manquerons nos objectifs.

L'usage du véhicule individuel doit être réinventé

Nous pouvons tirer un usage plus écologique du véhicule individuel, à condition de lever les obstacles à la massification des motorisations moins polluantes. Le véhicule électrique sera incontournable, mais, comme le rappelle Séverine Jouanneau, « il n'y aura pas un, mais des véhicules électriques ».

La Directrice du Département de l'Électricité et de l'Hydrogène pour les Transports au CEA-LITEN indique que 80% des automobilistes parcourent une soixantaine de kilomètres par jour en moyenne : c'est pour ces millions de conducteurs quotidiens, ruraux et périurbains, que nous avons besoin au plus vite d'un réseau de bornes de recharge digne de ce nom !

Ceux qui utilisent plus intensément leur véhicule (véhicules d'entreprises, de livraison, vacances, etc.) auront quant à eux recours aux motorisations hybrides, partiellement électrifiées. Dans les deux cas, la Semaine Européenne de la Mobilité a été l'occasion de rappeler qu'il nous faut investir rapidement et massivement dans nos infrastructures de recharge : selon Xavier Mosquet, du BCG, la première vague d'électrification massive des véhicules particuliers commencera dès 2022, pour un véhicule électrifié devenu majoritaire vers 2030.

Pour des mobilités urbaines plus efficaces et choisies selon les usages

Dans les grandes villes, les modes de déplacement sont plus éclatés : bus, métro, vélo, autopartage, etc. La transition écologique passe par l'optimisation de chacun d'entre eux, via des investissements massifs dans les infrastructures et l'information des usagers.

Côté infrastructures, prenons l'exemple du vélo. Selon Olivier Schneider, Président de la Fédération Française des Usagers de la Bicyclette (FUB), « il nous manque un système vélo » : nous pourrions ambitionner une part modale du vélo de 25% en France mais le manque de voie adaptées la plafonne. En effet, combien de pistes cyclables ne sont que des lignes blanches, décourageant les potentiels cyclistes (légitimement) inquiets pour leur sécurité ? Combien de pistes mènent vers des gares sans parking sécurisé pour les vélos ni trains qui les acceptent à leur bord ? Les mêmes manques, d'infrastructures et d'intermodalité, sont criants pour l'autopartage, le covoiturage, etc.

Outre les infrastructures adaptées, l'usager urbain manque aussi d'information pour se repérer dans la jungle de solutions disponibles. Ainsi, Île-de-France Mobilité investit plus de 40 M€ pour intégrer dans une seule plateforme toutes les données disponibles en temps réel sur les déplacements dans la région : c'est à ce prix qu'un Francilien pourra choisir, à un instant "t", le mode de transport le plus efficace et renoncer à sa voiture. La même logique serait à répliquer dans toutes les agglomérations françaises afin qu'en ville, l'usage du véhicule individuel devienne plus raisonné.

Profitons de la Semaine Européenne de la Mobilité pour repenser nos déplacements comme un tout, à partir des usages et avec des moyens conséquents sur la table. La relance économique est déjà demandée par tous : la transition écologique gagnera autant que la croissance à ce que des fonds soient alloués à l'optimisation de (tous) nos modes de transport.

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Commentaires 9
à écrit le 03/10/2020 à 20:41
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Pourquoi personne ne parle de la moto ou du scooter ? ... Moindre consommation, moindre impact spatial, fluidification du trafic... Pour des trajets compatibles avec la vraie vie des vrais gens, pas des bobos semi-retraités qui sortent de chez eux e...

le 04/10/2020 à 16:49
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La moto consomme autant qu'une voiture de petite cylindrée. Sauf les 125, bien sûr.

à écrit le 03/10/2020 à 11:28
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Pendant des décennies, on nous a prôné la mobilité de carrière, on nous a érigé des cités dortoir en banlieue (ils sont contents les banlieusards, de ne pas avoir de centre ville digne de ce nom, et de brûler une part de leurs revenus plusieurs heure...

à écrit le 03/10/2020 à 10:04
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Nous nous déplaçons là où il y a du travail ; un concept que les bobo- écolos casque aux oreilles , lunette anti lumière bleue sur les yeux attablés sur leur bureau de GAMER , avec trois heures de télétravail , et le reste des heures sous la couette ...

à écrit le 02/10/2020 à 19:34
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"La relance économique est déjà demandée par tous : la transition écologique gagnera autant que la croissance", quand on ne comprend pas le problème, il est en effet rare que l'on en propose une solution. Prendre soin de notre écosystème a un coût éc...

à écrit le 02/10/2020 à 18:14
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I have a dream : des transports en commun fiables, à l'heure, en nombre suffisant y compris hors heures de pointe, rapides et propres ...

à écrit le 02/10/2020 à 17:51
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L’Europe , la société font fausse route , car tous ces projets écologiques et économiques sont articulés autour du matérialisme , l’universalité des droits fondamentaux de l’humain sont complètement mis de côté . Tant que ces sociétés en dérives ,...

à écrit le 02/10/2020 à 17:44
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Par delà les décennies il existe une réalité imposante récurrente voulant que les gens adorent le train mais bon pas les politiciens visiblement et encore moins les hommes d'affaires, dommage.

à écrit le 02/10/2020 à 16:35
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Transporter un vélo dans un train suisse ça semble poser problème (faut démonter une roue, le mettre dans un sac, sais plus quoi encore) ou coûter deux places niveau tarifaire = décourageant. Quand je commençais à 7h et partait à 19h je prenais ma v...

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