Passeport numérique des produits : comment convaincre les entreprises d’investir ?

Encourager l'économie circulaire, lutter contre l'obsolescence programmée et informer sur les possibilités de réparation ou de recyclage : tels sont les objectifs du « passeport numérique des produits » (ou en anglais « Digital Product Passport », DPP), présenté au printemps 2022 par la Commission européenne. Par Joël Hazan (BCG), Pierre-Nicolas Hurstel & Frédéric Montagnon (Arianee)*
(Crédits : DR)

Destiné dans un premier temps aux produits textiles, aux appareils électroniques et aux batteries de voitures, le DPP doit permettre, pour chaque produit, de fournir aux consommateurs des informations transparentes et détaillées sur la traçabilité, la durabilité et les matériaux employés. Il doit aussi servir aux recycleurs, en donnant toutes les informations nécessaires sur les composants, et permettre aux autorités publiques de vérifier les informations produit, ce qui contribuera à garantir le respect des normes européennes.

Convaincre les marques d'investir

On ne peut que se féliciter d'une telle ambition. En revanche, le chemin pour y parvenir laisse pensif. Comment convaincre les marques d'investir dans un projet d'une telle ampleur si elles ne voient pas ce que le passeport numérique peut leur apporter, au-delà de répondre à une nouvelle contrainte réglementaire ?

La réponse tient en deux chantiers. Tout d'abord, il faudra aligner tous les acteurs sur une définition ambitieuse d'un passeport numérique, en associant enjeux réglementaires et opportunités commerciales. Le passeport ne doit pas se limiter à un simple réceptacle d'informations, sous peine de subir le même sort que les étiquettes, coupées avant même d'être lues. Pour assurer son utilisation, il faudra développer ses fonctionnalités.

Et les possibilités sont nombreuses. Le passeport numérique peut être un certificat d'authenticité et de propriété, permettant de réduire les risques de contrefaçon et de simplifier la vente en seconde main. Il peut également servir à la gestion du cycle de vie du produit, en fournissant des informations fiables de la conception au recyclage, en passant par ses réparations, à la manière d'un carnet d'entretien. Il peut aussi devenir un canal privilégié de communication entre les marques et les clients en donnant accès à des invitations, des promotions sans intermédiaire et en protégeant les données personnelles. On peut même imaginer qu'il soit utilisé dans les mondes virtuels faisant le lien entre un objet physique et sa représentation numérique.

Choix technologiques

Le second chantier, tout aussi important, concerne les choix technologiques. Pour l'heure, l'Europe n'a pas donné de consignes sur les technologies à adopter. Les entreprises devront donc décider du moyen de lier produit physique et passeport numérique (QR code, étiquette sans contact, etc.), puis de la bonne architecture de stockage et d'accès au passeport. C'est ce dernier point qui décidera de son succès. L'ajout d'un jeton (« token ») de type NFT pour chaque passeport au sein d'une blockchain publique semble débloquer les possibilités d'un passeport numérique ambitieux.

En effet, les attributs natifs de la blockchain publique (transparence, décentralisation des données, immuabilité...) permettent de garantir l'intégrité et la sécurité du passeport numérique. Cet exemple et d'autres expérimentations en cours ont démontré la possibilité de dépasser la contrainte règlementaire du Passeport Numérique des Produits en faisant une opportunité business. Transformer l'essai passera par une meilleure compréhension du sujet de la part des marques, ainsi que par des améliorations technologiques (interopérabilité, facilité d'interaction avec la blockchain...). A l'arrivée, cela permettra de créer, en Europe, un écosystème technologique fort autour de la traçabilité, de l'information des consommateurs et de l'économie circulaire.

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* Par Joël Hazan est Managing Director & Partner au Boston Consulting Group

Pierre-Nicolas Hurstel est CEO d'Arianee

Frédéric Montagnon est président du conseil d'administration d'Arianee

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Commentaire 1
à écrit le 24/02/2023 à 10:51
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Vu les brillants résultats de l'industrie informatique française dans le passé CII , Bull j'ai de gros doutes quant à la présence de la France dans la compétition, et une improbable éventuelle pépite française sera vite contrainte de se vendre à un c...

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