Politique de la ville : il faut mettre la data au service des quartiers

OPINION. La définition et la mise en œuvre de la politique de la ville reposent depuis plus de 40 ans sur la mobilisation de nombreuses données. L'action de l'Etat, des collectivités territoriales, des bailleurs sociaux et parfois d'entreprises au service des quartiers dépend en premier lieu des règles de définition de la géographie prioritaire. Ainsi, en 2003, dans le sillage de la loi Borloo, 65 indicateurs ont été mis en place pour suivre l'évolution de 751 zones urbaines sensibles. En 2014, la loi Lamy a instauré une échelle de zonage plus fine qui permet de concentrer les aides dans 1 296 quartiers. Par Jacques Priol, Président de l'Observatoire Data Publica, Président du cabinet CIVITEO et Nathalie Gosselin, Présidente de Résovilles, maire-adjointe à la politique de la ville de La Roche-sur-Yon.
(Crédits : DR)

Les contrats de ville de 2014 ont été prorogés jusqu'en 2023. Une commission nationale a été chargée d'une réflexion sur les prochains contrats de ville. Son rapport, rendu public au printemps 2022, évoque très largement la question de l'usage des données pour le pilotage de ces futurs contrats. Et pour cause, les collectivités locales, les bailleurs, les organismes sociaux sont de plus nombreux à utiliser massivement des données et des outils nouveaux (algorithmes et parfois même intelligence artificielle) pour leur gestion quotidienne. Mais force est de constater que ces outils sont principalement utilisés pour des projets de centre-ville, notamment dans des programmes de smart city ou de ville intelligente, et trop peu en direction des territoires les plus fragiles.

C'est sur ce constat qu'est né le programme expérimental « Data & Quartiers » déployé durant trois ans en Bretagne et Pays de la Loire à l'échelle de 32 communes et 78 quartiers. En mobilisant des données inédites fournies par des acteurs publics et privés, cette expérimentation a montré qu'il était possible d'observer et de comprendre de façon réactive et détaillée la vie des habitants des quartiers. En utilisant des outils facilitant l'exploitation des données dans différents domaines (santé, mobilité, emploi) et tout en respectant strictement les règles juridiques de protection de la vie privée, le programme « Data & Quartiers » a aussi confirmé un constat connu des acteurs de terrain : si les quartiers sont classés à grand renfort de data tous les 8 ou 10 ans, l'État, les collectivités locales et leurs partenaires sont ensuite aveugles sur la réalité de ces territoires. La grande majorité des politiques publiques n'est pas suivie à l'échelle des quartiers, et, par voie de conséquence, trop peu de statistiques ciblées peuvent être produites.

Pourtant de nombreuses données existent afin de « lever le voile d'ignorance » qui pèse sur la connaissance des quartiers, selon les termes mêmes de la commission nationale précitée. Plusieurs pistes d'actions concrètes pourraient être envisagées.

La première concerne les futurs contrats de ville et l'obligation d'une « clause data » : de la même manière que dans les contrats de consortium de « ville intelligente », les partenaires publics et privés des contrats de ville doivent prendre des engagements sur la mise à disposition et l'utilisation encadrée des données. La seconde concerne la diffusion à l'échelle nationale de l'expérience "Data & Quartiers" conduite dans l'ouest de la France. En publiant un livre blanc qui détaille les succès comme les difficultés des prototypes pilotés depuis 3 ans, nous avons mis à disposition une base documentaire à l'attention de l'État, des collectivités et des centres ressources du pays. La troisième proposition concerne la Bretagne et les Pays de la Loire : dès lors qu'il est établi que les prototypes fonctionnent, il faut désormais généraliser ces outils.

Au cours des prochains mois, il pourrait être ainsi possible d'analyser de façon fine et en temps réel les consommations énergétiques des habitants des quartiers pour venir en appui des bailleurs sociaux au pied du mur sur ces sujets et disposer d'outils nouveaux pour cibler des aides individuelles auprès des habitants lorsque les boucliers énergétiques nationaux seront amenés à réduire la voilure. En cela, la gestion publique de la donnée peut constituer un formidable levier au service de la justice sociale. Il convient de généraliser son usage en particulier dans les quartiers qui concentrent les populations les plus vulnérables, afin que ces territoires ne soient pas les grands oubliés de la "ville intelligente".

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Commentaire 1
à écrit le 08/12/2022 à 8:29
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Data est du latin, Datum au singulier, Data au pluriel, Il faut ecrire "les Data",

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