Revaloriser le rôle des médecins généralistes

OPINION. Le grand plan d'investissement pour l'hôpital annoncé par Emmanuel Macron doit être l'occasion de revoir la place des médecins généralistes. Pour cela, il faut établir précisément les dysfonctionnements, préalables à la mise en place de solutions bénéficiaires à tous les acteurs de la Santé. Par Marine Crest, médecin, et Nicolas Bouzou, économiste.
(Crédits : Reuters)

Un grand nombre d'experts de la santé se penchent déjà sur ce que pourrait être le grand plan d'investissement pour l'hôpital annoncé par le Président de la République. C'est absolument nécessaire mais il serait dommage de continuer d'envisager le système de santé en silos. Notre magnifique hôpital a besoin pour bien fonctionner d'une médecine de ville qui, elle-même, soit libérée des dysfonctionnements qui pèsent sur son efficacité. Il y a 225.000 médecins généralistes en France qui travaillent en moyenne plus de 50 heures par semaine et aspirent à jouer un rôle encore plus important et mieux intégré dans le système. Ne pas prendre en compte les interactions entre les acteurs du soin, et en particulier entre médecine de ville et médecine hospitalière, revient à prolonger les erreurs du passé. Or malheureusement, force est de constater que l'on évoque insuffisamment le rôle majeur de la médecine de ville au sein de notre système de santé. A ce titre, la crise actuelle a révélé trois maux qui lui préexistaient et qu'il est urgent de régler.

Trois maux

En premier lieu, les médecins généralistes ne sont pas toujours utilisés et reconnus à hauteur de leurs formations et de leurs compétences de plus en plus multidisciplinaires, ce qui génère une moins-value économique et sociale. En effet, le médecin-traitant est le « gate keeper » du système de soins, c'est-à-dire le bouclier en première ligne. Cette position dans la chaîne du soin conduit, pour forcer le trait, à ce qu'il soit parfois considéré comme responsable d'une gare de triage. Pourtant, le médecin généraliste est formé pour effectuer un large spectre de taches : des suivis simples en pédiatrie et en gynécologie, de la médecine d'urgence et des « soins primaires » (il sait faire des sutures et des plâtres). En pratique, c'est l'hôpital qui, le plus souvent, prend ces gestes en charge car les patients ne savent même pas que le généraliste pourrait s'en occuper.

En deuxième lieu, les généralistes gaspillent une grande partie de leur temps de travail en charges administratives : arrêts de travail, déclaration des affections de longue durée prises en charge à 100%, établissement des bons de transports pour que le patient aille du médecin vers le spécialiste ou l'hôpital, établissement des certificats médicaux, recueil de documents d'identité et pièces administratives...

En troisième lieu, la communication entre la médecine de ville et l'hôpital fonctionne mal. Les passerelles entre les deux niveaux ne sont pas systématisées. Concrètement, quand un médecin veut entrer en contact avec un médecin hospitalier, et dans le cas classique où il ne dispose pas de son numéro de portable privé, il appelle son secrétariat qui transfère l'appel à un(e) infirmier(e) ou un externe, qui, éventuellement, finit par joindre l'interne puis le médecin, rarement disponible... Ces systèmes de flux d'informations complexes et lents ont peu évolué depuis 100 ans.

C'est en outre le médecin de ville qui doit lui-même s'informer sur la situation hospitalière, se renseignant sur les spécialistes accessibles et le nombre de lits disponibles. Ces constats traduisent les retards accumulés dans la transformation numérique de notre système de santé.

Revalorisation financière

Ces dysfonctionnements peuvent être corrigés par des mesures que nous souhaitons mettre en débat. Premièrement, il faut étudier une revalorisation financière de l'acte de consultation des médecins généralistes. A l'échelle du système de santé, cette revalorisation pourrait s'auto-financer si elle permet d'augmenter la productivité des actes des médecins, de décharger les hôpitaux et, globalement, d'éviter une surconsommation coûteuse des soins en aval du généraliste. Il ne faut pas se méprendre sur la notion de productivité. Elle ne signifie par « faire plus » mais « faire mieux » en apportant davantage de temps médical aux patients et moins d'actes inutiles dans le système de soins.

Deuxièmement, il faut mettre en place un choc de simplification pour réduire la bureaucratie médicale. Le numérique et l'intelligence artificielle devraient permettre d'avancer dans ce sens. Encore faut-il que les médecins eux-mêmes combattent les relents de technophobie que l'on observe parfois dans cette profession. Il est donc nécessaire d'avancer très rapidement vers la généralisation d'actions de formation initiale et continue pour les professionnels de ville.

Troisièmement, les pouvoirs publics pourraient envisager un partenariat public privé afin d'investir massivement dans les systèmes d'informations entre médecine de ville et hôpital pour simplifier, fluidifier et dématérialiser. On pourrait imaginer une plateforme interactive de partage d'informations qui rassemble les patients, les médecins (hospitaliers ou non), les pharmaciens et les paramédicaux. Les médecins généralistes doivent avoir une vision plus rapide et exhaustive sur le parcours de leurs patients, les résultats d'imagerie, les prises de rendez-vous avec des spécialistes, les disponibilités de capacité hospitalière. C'était l'esprit du dossier médical personnalisé lancé il y a une quinzaine d'années mais que de retards...

Le temps du bilan de la crise venu, il ne faudra surtout pas opposer les uns aux autres mais, au contraire, penser une gouvernance du système de santé qui améliorera la coordination de toutes les professions au service d'une amélioration effective de la qualité de la prise en charge du patient.

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Commentaires 17
à écrit le 24/05/2020 à 9:12
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La revalorisation financière est grotesque, que l'on en parle pour le gars qui porte et découpe des pierres pour le smic oui, pour des gars qui gagnent 10000 balles par mois n'a aucun sens, par contre leur garantir une vie meilleur avec un temps de t...

à écrit le 23/05/2020 à 23:05
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Chose importante à savoir. Si les médecins cherchent à être mieux rémunérés, ce n'ai nullement pour s'enrichir mais tout simplement pour à salaire égal exercer dans de meilleurs conditions et mieux vous soigner. Actuellement la durée moyenne national...

à écrit le 23/05/2020 à 22:36
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Ravi de voir à quel point nous sommes appréciés ! Un coiffeur vous annonce bien 70euros pour une coloration, le plombier vous fait bien facturer une centaine d'euros rien que le déplacement? La raison est qu'il existe des charges représentant parfoi...

à écrit le 23/05/2020 à 21:54
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Une consultation de généraliste coûte 25 euro sans limitation de durée. Un jardinier salarié par de multiples employeurs coûte 75 euros de l'heure charges sociales comprises.

le 24/05/2020 à 7:52
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Enfin à nuancer: les 25 euros c'est souvent pour 5 min dans le cabinet. Désolé de voir la vérité en face. Certes il y a des médecins plus rigoureux mais ils sont largement minoritaires et souvent complet au niveau de la patientèle.

le 24/05/2020 à 10:50
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@Boule a écrit le 23/05/2020 à 21:54 Citation "Un jardinier salarié par de multiples employeurs coûte 75 euros de l'heure charges sociales comprises." Quelles sont vos sources fiables pour écrire cela ? Cordialement

à écrit le 23/05/2020 à 20:53
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comment se fait il que mes commentaires ne soient jamais mis en ligne ??

à écrit le 23/05/2020 à 17:50
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Le problème des médecins libéraux qui s'installent n'est pas celui de la rémunération. A l'inverse de leurs prédécesseurs, ils n'ont pas non plus de problème de clientèle, le numerus clausus de 2019 est le même que celui de 1972. Ce qui a changé ...

à écrit le 23/05/2020 à 14:36
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dissoudre l ars et virer le ministre de la santé 70s apres sa mise sur le marché de la nocivité soit disant du produits. la c'est de la jalousie pure et n'a rien a voir avec la medecine

à écrit le 23/05/2020 à 11:17
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Il faut supprimer les généralistes qui ne servent à rien. Ils coutent les yeux de la tête car ils sont surreprésentés à l’assemblée qui leur accorde des augmentation sans rien leur demande en contrepartie.. soit les patients sont atteints de maladie ...

à écrit le 23/05/2020 à 10:43
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Comme d'autres dans cette rubrique, les médecins généralistes ne me font pas pleurer. Je ne comprends pas que cette profession en soit restée à des pratiques de la médecine dignes du 19ième siècle: dans beaucoup de pays, le généraliste fait des ECG, ...

à écrit le 23/05/2020 à 10:35
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Il ne manquait plus que cela, beaucoup de médecins sont incompétents, certains sont devenus de véritables calculatrices. Désolé, mais tous ne sont pas à la hauteur. A l'heure actuelle, les revendications de salaires ne sont pas de mise, ils sont en t...

à écrit le 23/05/2020 à 9:26
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Attention , je vais écrire un propos totalement , "politiquement incorrect" : Les médecins généralistes , comme les spécialistes sont en France trés grassement rémunérées ; les 1ers multiplient les consultations dans leurs cabinets ,(la plupart dur...

à écrit le 23/05/2020 à 8:40
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Déjà oublié ? 2019: Les médecins vont se partager 282 millions d’euros de primes. Ils sont récompensés pour leurs bonnes pratiques. Dans le cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp), plus de 61.000 praticiens se verront...

à écrit le 22/05/2020 à 21:15
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Le fiasco est bien là. L' ignorance totale de l' hôpital vis à vis du privé et du libéral. Ce ménage a 3 a complétement dérapé. Trop de travail chez les uns, pas assez chez les autres. Les libéraux se reposaient sur l' état pour recevoir les masques...

le 23/05/2020 à 14:14
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Sauf que je vous rappelle que les autorité des santé ont commencé par réquisitionner tous les masques disponibles dans le commerce et les stocks divers et elles ont rationné l'accès via les pharmacies. Ce qui a entrainé une pénurie chez les soign...

le 23/05/2020 à 18:08
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" Les libéraux se reposaient sur l' état pour recevoir les masques et les surblouses alors que cela relève de leur propre initiative". Les mêmes d’ailleurs qui ne voulaient pas de la carte vitale. Vingt ans après l'arrivée de la carte Vitale, de...

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