Santé économique des entreprises : de la nécessité de trouver le bon cap

OPINION. Depuis 2020, les entreprises sont exposées à une multitude de secousses. D'abord contraintes de ralentir drastiquement leur activité en raison d'une crise sanitaire sans précédent, elles sont aujourd'hui en proie à une inflation galopante et font face à un contexte géopolitique qui menace les équilibres économiques mondiaux. Par Baréma Bocoum, Associé, Head of Restructuring & Turnaround Transformation, KPMG France EMEA
(Crédits : DR)

Si nous sommes loin du niveau de 2019, année au cours de laquelle quelque 53 000 défaillances avaient eu lieu, la situation se dégrade néanmoins. Pour éviter une vague de grande ampleur dans les mois et les années à venir, les entreprises doivent prendre la situation à bras-le-corps et amorcer les changements indispensables dès à présent, tout en interrogeant la viabilité de leur stratégie et de leur trésorerie.

Gare à l'illusion de trésorerie

Dans une certaine mesure, l'inflation profite à quelques entreprises qui vendent leurs stocks à des prix plus élevés que prévu, ce qui ne manque pas d'améliorer leur rentabilité à court terme. Par ailleurs, elles ont davantage de cash, notamment si elles ont bénéficié du concours de l'État en réponse à la crise sanitaire, à l'instar des PGE ou remises d'impôts.

Pour autant, il ne faut pas s'y tromper. Ces dernières subissent - de manière directe ou indirecte - le phénomène d'inflation sur leur base de coûts et leurs achats futurs. De façon structurelle, le coût du financement va augmenter avec la montée des taux d'intérêt par la BCE ainsi que les effets de change avec le dollar, et les coûts de production et de fonctionnement risquent de continuer à s'apprécier à l'aune de l'inflation qui touche les matières premières et l'énergie. Cette tendance est si importante qu'elle risque a minima d'accélérer la désindustrialisation de notre économie et de mettre encore davantage de pression sur notre secteur agroalimentaire. Là où la crise des subprimes avait surgi de façon abrupte, nous nous installons insidieusement dans une crise durable.

Intégrer l'imprévisible dans la prise de décision

Dans ce contexte, beaucoup d'entreprises ont cru bon de reporter des changements indispensables à leur fonctionnement, au motif que le marché gagnerait en stabilité au cours des mois à venir. Longtemps nous avons évolué dans un monde plus prévisible, parce que plus stable. Ces trois dernières années sont la démonstration que le changement est devenu la norme et qu'il leur faut désormais intégrer l'imprévisibilité comme une donnée pérenne, d'où la nécessité de changer de paradigme. La situation ne gagnera pas nécessairement en visibilité dans les mois à venir, et c'est tout le mode de prise de décision avec une visibilité réduite qu'il faut désormais repenser.

Repenser dès maintenant le business model

S'il peut sembler excessif de parler de vague s'agissant des défaillances d'entreprises, l'image de l'inondation paraît, elle, plus appropriée.

Pour éviter que le cours de l'eau ne monte, les entreprises doivent conduire dès aujourd'hui une réflexion profonde sur leur business model. Cette réflexion fondamentale doit porter sur des sujets aussi variés que la question managériale, les partenariats que tissent les entreprises, leur structure de financement ou encore leur manière d'appréhender la durabilité et l'ESG dans leurs opérations. De façon générale, il faut avoir le courage de mener des adossements stratégiques lorsque nécessaire et d'affronter les décisions difficiles en matière de haut de bilan et de structure de coûts avec lucidité.

Trop d'entreprises attendent que des difficultés économiques surviennent pour se pencher sur les prévisions de trésorerie. Ces sociétés, qui ne disposent pas d'une culture du cash, se focalisent sur leurs marges. Or, elles doivent avoir à l'esprit que seul le cash pourra leur offrir l'agilité nécessaire pour se projeter dans différents scénarios. Car face aux crises, l'agilité doit rester le maître-mot. De même que l'optimisme doit rester de rigueur.

Ainsi, pas moins de 71% des dirigeants internationaux se sont déclarés confiants ou très confiants en l'avenir de la croissance mondiale. Bon nombre d'exemples vont dans ce sens, notamment AccorInvest, qui a affronté avec succès une situation difficile en engageant son énergie pour sécuriser du financement et en réalisant une restructuration efficace. Cette dernière a été menée de front avec une analyse poussée de l'ensemble de ses process et outils, pour aboutir sur un recentrage stratégique des activités sur l'excellence opérationnelle et l'asset management, les deux cœurs de métier de la société, ainsi qu'un rebond durable de sa croissance aujourd'hui pérennisée.

Si comparaison n'est pas raison, il peut être intéressant de voir ce qu'il en est chez nos voisins. À condition, bien entendu, de ne pas tomber dans l'autocritique : en l'occurrence, il apparaît que les pays frontaliers ne connaissent pas une situation plus favorable que la nôtre, et doivent eux aussi composer avec un contexte économique difficile et une incertitude persistante. Autant de défis que nos économies devront donc relever collectivement, en misant aussi sur les synergies qui font la force de la zone euro lorsque s'annoncent les tempêtes.

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Commentaire 1
à écrit le 08/11/2022 à 11:19
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Je voudrai modestement faire une remarque et une suggestion à l'auteur de l'article : pourquoi ne mentionne t-il pas le RSE , cette notion serait elle déjà obsolète ? Pour moi la pérennité des entreprise devrait reposer sur une meilleure répartitio...

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