« Trust together », Air France ne redécollera pas sans un nouveau contrat social

Air France-KLM est en danger. Le nouveau plan stratégique est essentiel pour sauver la compagnie, mais sa mise en oeuvre est évidemment problématique. Question de méthode... Par Vincent Saule, Directeur associé du groupe Alter&Go

« Trust together. » Avoir confiance, ensemble. Jean-Marc Janaillac, nouveau PDG d'Air France-KLM depuis l'été, n'a pas choisi le nom du plan stratégique qu'il a dévoilé hier au hasard. L'objectif est osé : mettre en oeuvre une réforme suffisamment ambitieuse pour permettre au groupe franco-néerlandais de sortir de la nasse, d'enrayer la baisse de chiffre d'affaire de la compagnie, qui a atteint -2,6% au premier semestre avec une perte de 114 millions d'euros, et de rejoindre ses concurrentes comme Lufthansa qui elles se portent bien ; et ce malgré un climat social ultra-sensible et une rupture entre la base et le sommet de l'entreprise incontestable. Pour y parvenir, ce plan ne doit pas être reçu comme un énième projet qui ne dessine rien, qui ne serve à rien. Le défi est de taille, et la volonté de créer une nouvelle marque mi-compagnie classique et mi-low cost ne va pas faciliter les choses, même si Transavia a d'ores et déjà montré la voie.

 La méthode aussi importante que la vision

L'intitulé même de ce plan interpelle. Grâce au choix de ces deux mots, trust et together, le nouveau président s'offre peut être l'opportunité de réussir là où ses prédécesseurs ont échoué : en recréant du lien social, en offrant à l'ensemble des collaborateurs du groupe la possibilité de s'approprier chacun de ces mots, de les inscrire sur le terrain en contributions, dans leur quotidien. La méthode sera aussi importante que la vision. Le nouveau président l'avait lui-même réaffirmé au début de l'automne : son groupe est confronté à des coûts élevés, des taxes et des charges aéroportuaires trop importantes, une structure trop complexe et une profonde crise de confiance en interne. Or, dans un marché à forte croissance attendue sur le long terme, son entreprise se trouve face à une double menace : l'explosion du low cost et la concurrence des compagnies du Golfe et du Moyen-Orient ; après avoir déjà subi l'impact du TGV sur la fréquentation des lignes intérieures. Double peine ou redécollage ? Ici se situe l'apport décisif du management, et Jean-Marc Janaillac, qui s'est donné six mois pour parvenir à un nouveau pacte social l'a bien compris.

Air France-KLM en danger

Air France-KLM est en danger, comme l'ont été d'autres mastodontes du transport aérien tels PanAm ou Sabena, aujourd'hui disparus. Dans ce contexte, il est primordial pour la nouvelle direction de décliner une stratégie et de recréer un mouvement de confiance parmi ses salariés. La voie est étroite. Il faut à la fois poser le problème dans toute sa dimension, mais aussi donner enfin une perspective à des milliers de collaborateurs qui ont le sentiment, légitime ou pas, d'avoir fait des efforts depuis des années sans savoir réellement où l'on voulait les emmener. Il faut donc se montrer visionnaire, donner envie et en même temps convaincre qu'il n'existe aucune fatalité à ne pas réformer Air France-KLM.

 La définition d'une stratégie reposera sur des éléments rationnels, construits et documentés. En revanche, l'adhésion des salariés reposera comme toujours sur une certaine forme d'irrationnel, et c'est là toute la difficulté de l'exercice : s'adresser en même temps au cerveau et au cœur de ses interlocuteurs. La méthode sera clé d'un succès, ou la cause d'un nouvel échec qui placera le groupe au bord du gouffre.

 Ne pas se contenter d'une perspective moyen terme

Comme la plupart des dirigeants de grandes entreprises, le nouveau Président d'Air France-KLM a sans aucun doute pleinement conscience des deux écueils à éviter : ne s'adresser qu'au top management et, ou, se contenter du tour de table habituel des partenaires sociaux. Les deux présentent un double risque : se laisser enfermer dans la défense des périmètres acquis, et surtout accentuer le sentiment « d'abandon » ressenti par des milliers de collaborateurs sur le terrain qui, une fois encore, ne se sentiront pas associés. Bien évidemment, il ne s'agit pas de court-circuiter l'un ou l'autre des deux interlocuteurs traditionnels, mais seulement d'aller plus loin dans un questionnement structuré de ce qui se passe, de ce qui se vit et des initiatives contributives qui peuvent émerger au jour le jour sur le terrain. Si les dirigeants n'intègrent pas cette nouvelle nécessité d'élargir la démarche classique de négociation stratégique et institutionnelle à la dimension humaine, tous métiers et tous niveaux hiérarchiques inclus, ils se heurteront immanquablement à une incompréhension, voire à une méfiance des collaborateurs.

 La partie ne peut être gagnée que si chacun, sur le terrain, management intermédiaire compris, entend la volonté du patron de construire une œuvre collective, croit en sa capacité d'écoute, de construction et d'accompagnement, et pour preuve, ait en retour entre les mains une feuille de route écrite en commun, ponctuée de chantiers à mettre en œuvre à trois, six, neuf mois. Avec 3 maitres-mots : faire-faire, connecter les alliés, communiquer. Puis recommencer. En élargissant sans cesse le cercle viral vertueux. Air France-KLM est la parfaite illustration de cette nécessaire appréhension du court terme, et du fait que se contenter d'une perspective à moyen terme ne peut qu'ajouter au climat anxiogène.

 Dépasser le dialogue social traditionnel

Le pari de Jean-Marc Janaillac est d'ouvrir le débat et de le porter sur le terrain, afin de rétablir une répartition des rôles à leur juste place, mais aussi d'aller chercher des alliés au-delà des rouages du dialogue social tel qu'il a été pratiqué jusqu'ici, pour que tous les salariés se sentent enfin pris en compte. Jouer en quelque sorte une partition offensive, « en extension ». Cette co-construction de solutions simples à mettre en place, à assumer, pourrait former une addition de « quick wins », autant de « petites victoires » susceptibles de matérialiser des avancées tangibles. Cela suffirait déjà à changer le climat au sein d'Air France-KLM. Recréer du lien et de la confiance, carburants du changement.

 Recoudre la chemise et le blason déchirés, d'Air France, telle pourrait être également l'une des heureuses conséquences du plan « Trust together ». Sa réussite serait on ne peut plus bénéfique pour adoucir l'image écornée du management à la française. Air France reste un symbole de notre économie, bien au-delà du secteur aérien. Elle peut retrouver, dans le sillage de « Trust together », sa valeur d'exemple auprès de l'ensemble des acteurs économiques du pays. On ne peut que l'espérer.

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Commentaires 7
à écrit le 16/11/2016 à 8:45
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Tout a été dit sur le sujet. Maintenant attendons tranquillement la suite...au prochain et dernier épisode .

à écrit le 16/11/2016 à 8:41
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Article dans lequel on oubli volontairement que la première chose que le nouveau directoire fait, est de baisser son froc devant le snpl en TRAHISSANT: - les engagement précédents de la direction sur le fait que les PNT devaient terminer le plan tra...

le 20/11/2016 à 17:22
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Merci pour votre commentaire. C'est hélas la vérité. Les pnt qui plombent les comptes gardent leurs privilèges, les autres qui font gagner de l'argent doivent faire encore et toujours plus d'efforts. Les conditions de travail pour les PS sont...

à écrit le 16/11/2016 à 8:23
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La solution consiste à financer les charges sociales par une participation de la consommation d'énergie. Une taxe sur l'énergie pour financer les charges sociales. Qui le comprendra?

à écrit le 16/11/2016 à 3:35
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Air France est fichue. Les personnels sont totalement deconnectes des realites de la concurence. Pour sauver cette compagnie, il faudrait tout refondre, ce qui est impossible vu les mentalites, des # corps constitues, les pilotes avec leurs avantages...

le 16/11/2016 à 9:22
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Mettez les pilotes d'Air France aux conditions de KLM, c'est simple non ? Le problème c'est que les différences ne sont pas dans le sens que l'on croit...la retraite à 56 ou 57 ans par exemple à KLM. 65 à Air France.

à écrit le 15/11/2016 à 16:38
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Cela fait un moment qu'Air France est en danger et qu'elle s'approche de plus en plus du précipice. La seule solution pour les actionnaires de cette compagnie, dont nous les contribuables Francaus, c'est de la mettre en vente rapidement et de prendre...

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