FIP, FCPI : une collecte 2010 à hauts risques

Les épargnants vont-ils continuer à investir dans des FCPI, dont les performances vont du meilleur au pire, ou dans des FIP ? C'est tout l'enjeu de la nouvelle période de commercialisation qui s'achèvera en fin d'année.

L'attrait du capital- risque auprès des particuliers serait-il en train de s'étioler ? Un sondage en tout cas est inquiétant pour les promoteurs des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et des fonds d'investissement de proximité (FIP). Selon une étude menée cet été par Sigma Gestion auprès de 200 conseillers financiers indépendants, seul un client sur cinq souscrit à l'un de ces fonds alors qu'une majorité est soumise à l'impôt sur le revenu.

Ces produits sont jugés trop risqués, trop peu liquides et décevants en termes de performances. « Si les performances avaient été meilleures, nous aurions moins de souci », admet Brice Lionnet, directeur associé de BNP Paribas Private Equity. Selon les chiffres que nous présentons ci-contre, une vingtaine de FCPI ont été liquidés à ce jour, les FIP étant encore trop jeunes pour que leurs performances soient analysées. Bilan : les différences de performances d'un fonds à l'autre sont immenses. Si certains gestionnaires de FCPI investis avant le krach de 2000 sont parvenus à liquider leurs fonds avec des performances totales d'environ 35 % (les meilleurs investis après le krach gagnent 44 à 51 %), d'autres ont bu la tasse. C'est le cas d'Innoven, dont trois FCPI ont perdu 95 % de leur valeur, en raison des difficultés d'une participation, Rockwell Petroleum.

C'est le cas également de la Société Générale (dont les FCPI sont désormais gérés par Amundi). Ses premiers FCPI devraient être liquidés depuis plus d'un an, mais ils ont profité d'une « position » de l'Autorité des marchés financiers leur permettant de subsister au-delà de leur durée légale dans l'intérêt des porteurs. Il faut dire que, si la liquidation avait été réalisée il y a quelques mois, les pertes auraient dépassé les 75 %.

Alors que Bercy vient de proposer la prorogation du régime des FIP-FCPI pour deux ans, la collecte qui s'ouvre sera-t-elle au rendez-vous ? La concurrence des holdings permettant une défiscalisation de l'impôt sur le revenu, qui font leur apparition cette année, pourrait laisser des traces. Les promoteurs des FCPI tentent de mettre en avant l'expérience de certaines équipes de gestion. « C'est un produit qui a fait ses preuves et qui a fait émerger des équipes de gestion désormais expérimentées », tient ainsi à rappeler Laurent Foata, directeur chez Axa Private Equity.

Les défenseurs des FIP soulignent le profil théoriquement moins risqué du capital-développement, qui investit dans des sociétés plus matures. Un argument qui semble faire mouche puisqu'en 2009 les FIP ont collecté 427 millions d'euros quand les FCPI en levaient 471 millions. Nombre d'acteurs, surtout parmi les sociétés indépendantes, ont en tout cas décidé d'innover pour séduire : un FCPI investira ainsi en partenariat avec Microsoft, plusieurs FIP seront investis en obligations convertibles, limitant le risque de perte. Un FIP propose qu'une partie des commissions et des frais de gestion soit versée à une association de microcrédit, l'Adie.

1. Des frais élevés qui ont du mal à baisser

Le capital-investissement est-il trop cher ? En mettant en lumière début 2010 le niveau de frais élevé pesant sur les véhicules de capital-investissement (estimé à 5,5 % par an), l'Inspection générale des finances a lancé un pavé dans la mare.

Depuis, la profession vit dans l'attente d'un décret sur le sujet. Sont visées, en premier lieu, les rétrocessions faites au réseau de distribution qui peuvent capter jusqu'à un tiers des frais. « Il ne faut pas oublier que la souscription moyenne est faible, autour de 6.000 euros pour les véhicules IR, martèle Olivier Goy, directeur général de 123Venture. En baissant les rétrocessions, il deviendrait difficile d'intéresser des réseaux tiers. » Une réforme des rétrocessions pénaliserait surtout les sociétés de gestion ne disposant pas d'un réseau captif. Banquiers et assureurs n'ont pas ce problème. « Nous proposons des frais de gestion de 2,9 % par an sur Antin 9 notre nouveau FCPI », rappelle ainsi Brice Lionnet, directeur associé de BNP Paribas Private Equity. Pour limiter les frais prélevés sur ces clients, cette structure a également choisi de débuter le remboursement au souscripteur dès la sixième année pour ces deux premiers FCPI. « Nous ne nous asseyons pas sur nos frais de gestion », lance Brice Lionnet. En effet, les frais étant proportionnels à l'actif total, plus le remboursement du fonds commence tard, plus la société de gestion perçoit d'argent. Un quasi-conflit d'intérêts !

2. Des délais plus courts qui soulèvent des questions

Les gestionnaires de FCPI et de FIP ont désormais 16 mois et non plus 30 mois pour investir leur quota (60 %) dans des PME. Un premier palier, de 30 %, devra être atteint huit mois après la fin de la période de souscription. Ce raccourcissement, imposé dans une volonté d'accélérer le soutien aux entreprises, a fait vivement réagir la profession. « Il est très facile d'investir rapidement, rappelle un capital-investisseur. Mais si c'est, à l'arrivée, pour offrir de la sous-performance aux épargnants... » Le point de vue n'est toutefois pas partagé de tous. Certains jugent que ces délais raccourcis peuvent avoir un effet vertueux en poussant les investisseurs à aller plus vite sans négliger la qualité des cibles. « Cela nous oblige à travailler les dossiers en amont, explique ainsi Olivier Goy, PDG de 123 Venture. Mais c'est une bonne chose pour le souscripteur car son argent travaillera plus vite. » Le raccourcissement des délais ne prend pas tout le monde de court : les holdings ISF passives sont déjà soumises à une obligation d'investir en totalité leurs fonds au 15 juin et leurs gérants ont ainsi acquis la capacité de présigner les opérations plusieurs mois avant. Reste l'expérience des FCPI lancés avant 2000 : à l'époque, le délai pour investir le quota était de 18 mois. « Nous investissions avec un revolver sur la tempe, car si vous ne remplissez pas le quota à temps, l'avantage fiscal est perdu », explique François Lombard, président de Turenne Capital.

3. Un statut reconduit pour deux ans... mais en sursis

Le projet de Loi de Finances 2011 dévoilé récemment présente à la fois de bonnes et de mauvaises nouvelles. D'un côté, le régime des FIP/FCPI devrait être prolongé de deux ans. De l'autre côté, certaines évolutions de la fiscalité inquiètent. Ainsi, le niveau de réductions d'impôts passerait de 25 % à 22 %, soit de 3.000 à 2.640 euros pour un célibataire. Ce coup de rabot de 10 % rendrait probablement moins attractif ces véhicules. Mais il y a plus inquiétant : « L'assiette ne serait plus le montant total des souscriptions, mais ce montant déduction faite des commissions et frais », souligne Antoine Colboc, responsable des fonds de capital-risque du Crédit Agricolegricole Private Equity. Ces frais pouvant représenter au bout de huit à dix ans jusqu'à un tiers des montants investis, autant dire que la réduction d'impôts serait sévèrement amputée. Enfin, la réglementation européenne serait appliquée aux FIP et FCPI IR, comme elle l'est déjà pour les FIP et FCPI ISF, limitant l'investissement maximum à 1,5 million d'euros par entreprise par an. Un niveau difficilement compatible avec la réalité des tours de table dans le capital-risque, où les besoins en fonds propres tournent autour de 5 millions d'euros. Toutefois, ce point devrait évoluer, Bercy entendant profiter de cette occasion pour demander à la Commission européenne une dérogation qui permettrait d'adapter les règles IR aux véhicules ISF et non le contraire.

4. Un investissement qui conserve tout son attrait pour l'ISF

L'investissement non-coté dans le cadre de l'ISF échappe au coup de rabot sur les niches fiscales. Telle est la première conclusion du projet de loi de finances 2011. Mais tout n'est pas rose pour autant. Constatant un détournement de l'esprit de la loi, Bercy entend rendre impossibles les investissements dans certains secteurs ou dans des coquilles vides (immobilier pur, location financière) pour réorienter les investissements vers les PME. La limitation du nombre de souscripteurs à 50 est maintenue, confirmant la fin d'un grand nombre de holdings. Du coup, les mandats de gestion, qui donnent pouvoir à un gestionnaire pour investir dans une ou quelques PME présélectionnées, et les holdings hyperspécialisés (par secteur notamment) devraient avoir la part belle lors de la prochaine collecte, avec un avantage fiscal de 75 %. Les FIP et FCPI, structures pourtant plus réglementées, souffrent d'un avantage fiscal moindre : un point sur lequel certains capital-investisseurs se battent. « Avec 75 % de discount à l'entrée, on peut faire n'importe quoi et investir presque à n'importe quel prix », s'emporte l'un d'entre eux. De plus, ces modes d'investissement ne donnent aucune possibilité de suivi pour les PME d'une année sur l'autre, alors que la plupart ont souvent besoin de réinvestissement. Enfin, Le mandat de gestion occulte l'importance de la diversification du portefeuille.

Interview : Antoine Colboc, responsable des fonds de capital-risque du Crédit Agricole Private Equity

Vous venez de réaliser une étude portant sur les FCPI (*). Quel bilan en tirez-vous en matière de performance ?

En moyenne, la performance nette globale (après frais et commissions, mais hors avantage fiscal) d'environ 2,5 % est en ligne avec la performance du capital-risque sur la même période, quelle que soit la nature du fonds (aidé fiscalement ou non aidé). C'est une performance modeste qui, significativement augmentée par l'avantage fiscal à la souscription (25 % minimum), justifie l'intérêt pour un épargnant d'investir dans un FCPI. Autre conclusion de notre étude : il n'y a pas réellement d'effet millésime. Si vous enlevez 1999 et 2000, qui ont été des années difficiles en raison de l'éclatement de la bulle Internet, la performance moyenne est à peu près similaire d'une année sur l'autre. Mais la volatilité est considérable, avec des performances pouvant varier pour un même millésime de -60 % à + 60 %, notamment pour les FCPI jusqu'en 2003. Depuis, il y a un peu moins d'écart, mais il reste tout de même très important.

Votre étude porte pour l'essentiel sur des fonds non liquidés. Est-ce réellement pertinent ?

En effet, tant qu'un fonds n'est pas liquidé complètement ou en grande partie, tout peut arriver. Les cartes peuvent être totalement rebattues et la valeur liquidative peut tout d'un coup s'effondrer ou s'envoler.

La sortie est quelquefois plus compliquée qu'on ne le croit...

Oui, toujours ! De plus, en fin de vie du fonds, s'il reste quelques lignes, c'est en général parce que ces sociétés mettent plus de temps à trouver une sortie. Du coup, certaines sociétés de gestion reportent, comme elles en ont le droit, d'un à deux ans la liquidation définitive du fonds en espérant pouvoir céder ces lignes au mieux. D'autres cèdent ces lignes à des fonds secondaires, avec une décote.

(* )Étude réalisée pour des besoins internes par les équipes de Crédit Agricolegricole Private Equity, portant sur 150 FCPI depuis dix ans.

 

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