Relocalisation : un potentiel de 132.000 emplois durables en Bretagne ?

Quelles relocalisations et localisations envisager en Bretagne ? Réalisée pour le réseau Produit en Bretagne, l’étude Reloc’h du cabinet Goodwill Management, livre des pistes pour la relance d’ici à 2030. Le potentiel de développement économique représenterait 5,3 milliards d’euros et près de 132.000 emplois, dont 62.000 emplois au titre de la relocalisation industrielle. Sept secteurs porteurs sont identifiés dont l’aéronautique, la plasturgie et la filière des équipementiers agroalimentaires.
(Crédits : Produit en Bretagne)

« Le potentiel de relocalisation en Bretagne est important, on peut le mesurer quantitativement à condition de se mettre sur le sentier de la guerre ». C'est ainsi que Loïc Hénaff, patron du groupe familial éponyme basé à Pouldreuzic et président du réseau Produit en Bretagne (450 membres, 110 000 salariés) a introduit la présentation de l'étude « Reloc'h », jeudi 15 avril en visioconférence. Conduite par le cabinet Goodwill Management pour le compte de l'association et cofinancée avec le Crédit Mutuel Arkéa, le Medef Bretagne et la Région Bretagne, cette étude ouvre des pistes pour contribuer à l'élan économique de la région dans un avenir post-Covid. 582 secteurs économiques ont ainsi été étudiés, dont 188 plus en profondeur, dans une logique de création de valeur, de développement durable et de capital humain. Le potentiel évalué porte cependant sur le périmètre de la Bretagne historique à cinq départements, Loire-Atlantique comprise.

« La grande vague des délocalisations est terminée mais elle a fait perdre des pans entiers de compétences qu'il faut récupérer, notamment dans les secteurs industriels comme la mécanique » a rappelé le président de Goodwill Management Alan Fustec, en préambule.

 62.000 nouveaux emplois industriels, 20.000 dans le tourisme

L'étude estime qu'à horizon 2030, le potentiel de développement breton équivaudrait à plus de 5,3 milliards d'euros et à 131 648 emplois, soit l'équivalent de 6% de la population active actuelle. Sur ce total, le potentiel de relocalisation industrielle est estimé à 2,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires acheté par an et 2,5 milliards d'euros de valeur ajoutée cumulée. Cela représente 1,7% du PIB du territoire soit 61.848 emplois directs, indirects et induits.

Pour Goodwill Management, la relocalisation mérite d'être envisagée car les écarts de coûts de production se sont fortement réduits.

« Dans les années 2000, ils étaient de l'ordre de 80% entre la France et la Chine. Aujourd'hui, ils sont de 30%. Et si l'on ajoute les coûts de transport, de stock et les droits de douane, l'écart restant se situe entre 0 et 10% » calcule Alan Fustec.

Le potentiel de localisation, ou de développement, est également jugé important dans des secteurs comme l'énergie, les biomatériaux et composites, l'aquaculture et la recherche. « Il porte sur 1,7 milliard d'euros de chiffre d'affaires, 2 milliards d'euros de valeur ajoutée cumulée, soit 1,34% du PIB et 49.800 emplois » précise le dirigeant.

Goodwill Management table enfin sur une forte augmentation du tourisme (60 000 emplois par an) d'ici à 2030, « si le mouvement est accompagné ». Son évaluation, qui mise sur des étés de plus en plus chauds et un afflux de touristes, indique un chiffre d'affaires de 0,7 milliard d'euros, +0,8% de PIB et 20.000 emplois nouveaux. « Il faut d'ores et déjà former de nouveaux saisonniers, accroître les capacités d'hébergements et imaginer des activités nouvelles tournées vers le slow tourisme » anticipe Alan Fustec.

Soutien aux activités naissantes et au low-tech

Plus concrètement, sept secteurs porteurs ont été identifiés en matière de relocalisation, cinq en localisation et développement. Des dizaines de milliers d'emplois pourraient être créés dans des secteurs comme l'aéronautique avec l'avion du futur (8.148 emplois), la plasturgie et les emballages (6.700 emplois), les TIC ((2.250 emplois) ou encore la filière des équipementiers agroalimentaires, sur des segments comme la fabrication de machines agricoles, hors tracteurs, et les lignes de production (3.578 emplois).

Le « zéro export déchets » permettrait pour sa part de dégager près de 3.400 emplois tandis que la localisation dans le secteur des énergies renouvelables pourrait contribuer à la création de 30.000 emplois.

« Il y aussi un certain nombre d'activités naissantes, pour lesquelles il faut pousser le développement en Bretagne » assure Alan Fustec. « C'est le cas dans les domaines de l'énergie, des biomatériaux, de l'aquaculture et de la recherche. »

Selon lui, les entreprises doivent aussi s'intéresser au low-tech. « La couche culotte connectée au smartphone est-elle vraiment utile quand le meilleur signal d'alarme reste l'odeur ? Il faut sortir du tout techno et aller sur des innovations frugales en métaux rares. Il existe un potentiel d'emplois non négligeable dans ce domaine et la Bretagne est même plutôt en avance. »

Exemple de la Coop des masques ?

A l'aune de la crise sanitaire, le thème des relocalisations est aujourd'hui devenu central et sensibilise l'ensemble des acteurs économiques. Même si la Bretagne, dont 13% de l'économie dépend de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la pêche, a mieux résisté à la crise sanitaire et à son impact que d'autres, plus de 300 chefs d'entreprises ont participé à la restitution de l'étude « Reloc'h ».

« L'objectif est de faire en sorte que le plus grand nombre de décideurs bretons intègrent ces résultats dans leur stratégie de développement à l'horizon 2030 » a conclu Loïc Hénaff. « Cette étude est un outil d'aide à la décision. Elle nous indique quelles sont les activités locomotives qui doivent concentrer nos efforts. Il doit nourrir l'actualisation des politiques publiques. C'est une démarche dynamisante pour un avenir durable dans nos territoires. »

En Bretagne, cette vision de l'avenir trouve un écho. Elle s'est d'ailleurs récemment exprimée dans une démarche collective de relocalisation. Durant le premier confinement, la pénurie de masques a poussé un projet de réimplantation d'une production de masques. Créée l'an passé près de Guingamp, pas loin des ruines de l'ancienne usine de Plaintel fermée par l'Américain Honeywell en 2018, La Coop des masques relance une production locale à destination des mutuelles, des hôpitaux, des entreprises. Cette société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) d'une vingtaine de salariés (40 fin 2021), dans laquelle la Région Bretagne et le département des Côtes d'Armor sont entrés au capital, affiche à terme un objectif de 30 à 45 millions de masques produits par an et de 10 à 15 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Réindustrialisation des sites automobile : la Fonderie de Bretagne à la croisée des chemins

Pour autant, l'étude « Reloc'h » précise que, selon les secteurs, les possibilités de développement sont diverses. Ainsi, si l'aéronautique peut connaître une croissance sur le territoire, les possibilités sont plus minces pour le secteur automobile.

Ce diagnostic est conforté par la politique de réindustrialisation menée à Rennes sur le pôle d'excellence industrielle de La Janais. Située sur une partie non-utilisée par l'usine de production automobile PSA, cette zone s'emploie à devenir une vitrine de la transition écologique, des mobilités décarbonées et de la construction durable. Le site de 53 hectares, sur lequel sont déjà implantées les entreprises B3 Ecodesign (maisons modulaires), Schneider (SEBT) et le technicentre SNCF, accueillera prochainement l'entreprise rennaise Euro-Shelter (235 salariés, 3 sites en France, 5 millions d'euros de chiffre d'affaires). L'entreprise fabrique des unités et des abris mobiles à usage militaire. D'autres implantations devraient être favorisées par la commercialisation prochaine de bâtiments neufs sur une zone d'activité industrielle de 40 000 m2.

La question d'une réindustrialisation et d'une réorientation des compétences vers d'autres domaines que l'automobile touchera sans doute demain le site de la Fonderie de Bretagne (350 salariés). L'avenir industriel de cette usine de Caudan (Morbihan,) que le groupe Renault a finalement décidé de vendre pour délocaliser, reste très incertain. Le dossier est chaud et prend un tour politique.

Depuis un an, les syndicats et les élus s'emploient à trouver des solutions possibles de maintien du site en synergie avec le groupe Renault et demandent qu'elles soient toutes étudiées. Le 13 avril, Fabrice Loher, maire de Lorient et président de Lorient Agglomération, Fabrice Vély, maire de Caudan, Jean-Michel Jacques, député du Morbihan et Loïg Chesnais-Girard, le président de la Région Bretagne, ont défendu auprès d'Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie le « caractère stratégique » de la fonderie, dont la modernisation a été accompagné par les collectivités à hauteur de 8,2 millions d'euros. Ils ont insisté sur « la nécessité d'investir à la fois pour conforter l'activité de production de pièces en fonte et pour s'inscrire dans le processus de conversion de l'automobile vers l'électrique. »

Leur projet de relance entend aussi démontrer que les compétences de l'usine peuvent être utilisées pour autre chose, sur d'autres chantiers voire dans d'autres secteurs comme le naval, les EMR ou la fibre.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 10
à écrit le 02/06/2021 à 18:57
Signaler
Il faut y croire !

à écrit le 20/04/2021 à 15:50
Signaler
Les syndicats ont manifesté ce 19 avril devant le siège d’IBM, à Bruxelles, pour dénoncer le licenciement de 196 personnes en Belgique. Le front commun syndical a mené une action lundi matin devant le siège de l’entreprise IBM, à Bruxelles, pour déno...

à écrit le 20/04/2021 à 11:01
Signaler
Avec la relocalisation, il faut aussi tenir compte de l'importation de main d'oeuvre étrangère qui va avec. Les dignitaires de dictatures et leurs familles voient aussi la France comme un refuge ou ils sont bien accueillis du fait de leur patrimoine ...

à écrit le 20/04/2021 à 10:10
Signaler
Lorsque je regarde des films français des années 80 je constate que la majorité des bagnoles étaient françaises, ils ont cassé le joujou et se demandent comment faire marche arrière.. Qu'ils imposent la décarbonation de nos importations..

à écrit le 20/04/2021 à 9:03
Signaler
quand je faisais des soutenances d'etudiants, certains arrivaient avec des business plans ou ils etaient rentables en 1 an, ils passaient d'un cattc de 10.000 euros la premiere annnee a 40 millions puis 4 milliards en 3 ans, etc........... bon, au p...

à écrit le 19/04/2021 à 18:01
Signaler
Amusant ces chiffres tous avec un ego surdimensionné, mais une fois que es entreprises auront relocalisé ces employés dont vous parlez n'auront plus de travail, une fois la machine installé inutile de les conserver...

à écrit le 19/04/2021 à 17:35
Signaler
Une relocalisation ne peut être durable, c'est un attrape nigaud !

le 19/04/2021 à 19:14
Signaler
Il est préférable que nous restions les larbins de la Chine.

le 20/04/2021 à 12:15
Signaler
Nous serons toujours le larbin de quelqu'un si l'on réfléchit de cette manière!

à écrit le 19/04/2021 à 16:52
Signaler
Et avec cette arrivée massive de parisiens ya pas un risque avec l'immobilier ou bien dormir dans sa bagnole quand on bosse va devenir une routine ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.