Filt ou l’improbable renaissance du filet à provisions

Domiciliée à Mondeville dans la banlieue de Caen, la manufacture Filt 1860 remet au goût du jour le filet à provisions de nos grands-mères. Autrefois accessoire « prolo », il s’offre une seconde jeunesse dans le luxe.
Plébiscité par la génération Greta, l'ancien filet de mémé accède au rang d'accessoire iconique.
Plébiscité par la "génération Greta", l'ancien filet de mémé accède au rang d'accessoire iconique. (Crédits : Longchamp)

L'histoire est aussi jolie qu'improbable. Elle remonte à 2010. Ébranlée par l'accident de Fukushima, qui l'a privée d'une partie de ses débouchés étrangers, et au bord du dépôt de bilan, la manufacture Filt 1860, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant, a l'idée relancer la fabrication du cabas à provisions qu'elle avait été la première à produire dans les années 1920. Mais elle se heurte à un écueil. La maison a beau être spécialisée depuis plus d'un siècle et demi dans le tressage, le tricotage et la confection de filets et de cordons, ce savoir-faire spécifique s'est éteint.

« Il a fallu rappeler une ouvrière à la retraite pour retrouver le tour de main », se souvient Jean-Philippe Cousin qui co-dirige la PME avec son épouse.

Dix ans plus tard, le couple peut se vanter d'avoir eu le nez fin.

Des ventes à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires

Biberonnée au zéro déchet, la "génération Greta" plébiscite ce sac increvable et extensible tissé dans une vingtaine de coloris ; et à chaque fois, signé du prénom de la couturière qui a réalisé les finitions. Exclusivement commercialisé dans de petites enseignes (600 au total), le cabas se vend aujourd'hui à raison de plusieurs centaines de milliers d'exemplaires de New York à Tokyo en passant par Tel Aviv et Paris.

« Le comble, c'est qu'à l'origine, ce filet de mémé était un accessoire de prolo. Parce que nous n'avons pas cédé aux appels du pied de la grande distribution, il est devenu le symbole d'une certaine french touch», observe Catherine Cousin.

En version luxe, ce cabas fait un tabac

Ce succès inattendu finit par attirer l'attention d'une autre "Entreprise du Patrimoine Vivant", la maison Longchamp. En 2020, le groupe français cherche à donner une seconde jeunesse au sac Pliage qui a fait sa réputation. Ce sera le filet caennais, nanti d'une seconde bandoulière et d'un empiècement en cuir. « C'est la rencontre de deux savoir-faire », résume Sophie Delafontaine, directrice artistique de la maroquinerie. À Filt, le travail du coton et la couture, à Longchamp, celui de la peau et des surpiqures.

Vendu au prix de 85 euros, le cabas fait un tabac. Il accède au rang de « it bag » dans les magazines féminins qui lui tressent des lauriers. Du pain béni pour la manufacture.

« Même Longchamp a été surpris de l'engouement, raconte Jean-Philippe Cousin. Nous étions partis sur une seule collection, nous en sommes à la cinquième. »

Pour faire bonne mesure, le Pliage, version 2021, sera bientôt rejoint par un petit cousin en cours d'assemblage dans les ateliers caennais : un porte-téléphone lui aussi siglé du maroquinier français. Entretemps, Chanel en a commandé quelques milliers d'exemplaires en noir et blanc pour envelopper une édition spéciale centenaire de son N°5.

Plus d'un tour dans son sac

Remise à flot grâce à ce cabas revampé qui représente désormais la moitié de son chiffre d'affaires (1,5 million d'euros en 2020, 3,1 millions en 2021), la manufacture, qui emploie 35 personnes, garde plus d'un tour dans son sac. Exportés pour moitié, ses filets tous terrains sont aujourd'hui utilisés dans un nombre impressionnant de secteurs : l'agro-alimentaire pour emmailloter des saucissons ou conditionner des légumes, la filtration, la culture des moules, l'automobile, la décoration, le textile avec des filets porte-bébé et des hamacs, ou encore la parfumerie d'intérieur : elle fournit, par exemple, les mèches des Lampes Berger. Un catalogue suffisamment épais pour se garder des aléas de telle ou telle branche.

Seule ombre au tableau, le manque de main-d'oeuvre

Seule source d'inquiétude pour son couple de patrons : le manque de main-d'œuvre devenue endémique. « Nous refusons des commandes faute de bras » se désolent-il. En réponse, ils planchent sur la création, dans l'enceinte de leur nouvelle usine inaugurée en 2019, d'une École de production en coopération avec d'autres industriels locaux. Objectif : former des décrocheurs scolaires aux métiers du textile. L'État et la Région, qui soutiennent ce modèle d'établissement à mi-chemin entre l'école et l'entreprise, pourraient venir en appui.

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Commentaires 2
à écrit le 15/01/2022 à 2:12
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Un bon gros sac en papier craft, pas de gaspillage et surtout de prise de tete.

à écrit le 14/01/2022 à 18:28
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Une bonne idée mais il faut que les grandes surfaces arrêtent de vendre leurs gros sacs que les parisiens achètent puis jettent juste après leurs courses.

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