Tourisme : du pain et des jeux pour sauver une demi-saison

SERIE D'ETE. EPISODE 1/5. TOURISME EN PAYS DE LA LOIRE. Grâce à un territoire diversifié, la région des Pays de la Loire espère sauver une demi-campagne estivale. Privés d’une bonne partie de la clientèle étrangère et empêchés par la Loi Nôtre d’intervenir directement auprès des professionnels du tourisme, les collectivités territoriales ont choisi de favoriser les flux hexagonaux avec des jeux-concours et des investissements hors normes.
Le château de Saumur a été classé Monument historique en 1862. Au cœur du Val de Loire, classé en 2000 « Patrimoine mondial de l’humanité », il est situé sur la route historique de la Vallée des Rois,
Le château de Saumur a été classé Monument historique en 1862. Au cœur du Val de Loire, classé en 2000 « Patrimoine mondial de l’humanité », il est situé sur la route historique de la Vallée des Rois, (Crédits : ©A. Hellebuyck)

« Que la France soit passée au vert n'est pas suffisant. Après deux mois et demi de coma artificiel, Il faut des campagnes comme celle-ci pour espérer avoir un impact sur l'automne et l'hiver prochain. C'est une opération de sauvetage jamais vue... », commentait François Taillandier, président de l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (UMIH) des Pays de la Loire, au regard d'une opération de communication inédite lancée par la région des Pays de la Loire pour soutenir l'économie touristique régionale. Baptisée « Votre été dans les Pays de la Loire », cette campagne d'affichage, voulue pour capter une clientèle régionale et francilienne, déclinée dans la presse locale, par voie d'affichage dans la région et à Paris, sur le web et les réseaux sociaux aura mobilisé un budget avoisinant les 600.000 euros. «... du jamais vu », concède-t-on en coulisse où chaque année la région investirait quelques 200.000 euros dans ce type d'opération. Trois fois plus que d'habitude, c'est aussi près de quatre fois moins que la campagne menée dans la région SUD-Paca, où selon le magazine des communicants publics Brief, les dépenses atteignent 2,6 millions d'euros. Rien à voir. « Il faut sauver cette demi-saison », martelait de son côté Franck Louvrier, vice-président du conseil régional en charge du tourisme. « Nous avons la chance d'avoir un territoire diversifié, riche d'une offre littorale, rurale et de parcours urbains bien identifiés, faisons en sorte, par exemple, que les visiteurs s'adonnent au slowtourisme développé en Mayenne, consomment local chez nos producteurs... Il faut amener les gens à reprendre racine », explique-t-il. L'enjeu est loin d'être négligeable dans cette région où le tourisme a généré l'an dernier 6,9 milliards de dépenses, soit 6,3% du PIB régional.

Le repos des héros

Entre avril et septembre 2019, 20,3 millions de nuitées (+3,9%) ont été enregistrées dans les hébergements touristiques marchands des Pays de la Loire. Au cours des six dernières années, le nombre d'emplois créés dans le secteur du tourisme a augmenté de 14% en Pays de la Loire. Avec 44.300 emplois (et un pic à 65.000 en plein cœur de la saison), c'est la deuxième plus forte croissance des régions françaises. « À titre de comparaison, l'agroalimentaire représente 56.200 emplois, et la fabrication de matériel de transports, 28.200 emplois », note Paul Jeanneteau, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire, en charge de l'économie. « C'est dire comme cette filière touristique est importante dans notre écosystème.» D'où, aussi, le désarroi de certains élus départementaux et d'EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunal) empêchés par la Loi Nôtre d'intervenir directement auprès de structures économiques. « En silence et en back office », les échanges auraient été vifs entre certains présidents des conseils départementaux et les services de l'Etat pour assouplir cette contrainte. Faute de pouvoir soutenir en direct les entreprises, le département de Mayenne et la communauté de communes de Coevrons - et de nombreux autres territoires- ont donc opté pour une stratégie visant à favoriser les flux touristiques. « Le département a mis sur la table 100.000 euros pour mener l'opération « Le repos des Héros ». L'objectif était triple ; remercier le personnel soignant en première ligne pendant la crise en leur offrant 200 séjours à 500 euros en Mayenne, soutenir et flécher les prestations vers l'hôtellerie restauration et, enfin, communiquer sur la solidarité du territoire », explique Joël Balandraud, président de la Communauté de communes des Coevrons.

Lancées avant le zoom sur les clusters mayennais découverts cet été, ces propositions adressées à huit cents établissements hospitaliers français ont engendré 6.000 inscriptions, parmi lesquels 200 heureux élus ont été tirés au sort. Même principe à la communauté de communes où à travers sa campagne « Merci Coevrons », elle a financé 220 packs VIP à 500 euros pour des séjours packagés avec les prestataires hôteliers, comprenant nuits d'hôtel, paniers garnis, une balade à cheval ou une visite chez un artisan d'art et... une rose sur le lit. Une facture globale de 140.000 euros pour Coevrons. « Dès que le pack est réservé, la collectivité s'engage à régler le prestataire rapidement. Peu importe que le séjour ait lieu en 2021, même si l'opération est limitée au 1er avril prochain », précise Joël Balandraud. « L'idée, c'est aussi de dire aux restaurateurs, nous sommes derrière vous .»

Ils ont inventé un autre système...

Dans ce département où le tourisme représente quelques 100.000 nuits d'hôtels (6% du PIB départemental) dont 70% liés au tourisme d'affaires, contre 1 million de nuitées à La Baule, le conseil départemental de Mayenne a trouvé une autre astuce pour allier tourisme et restauration. « Un moyen d'éviter l'effet marasme, absorbable à l'échelle départementale, mais qui peut se révéler catastrophique pour un restaurateur », souligne Joël Balandraud. Cette fois, l'intervention départementale a atteint 300.000 euros. Chaque visiteur d'un musée ou d'un site patrimonial ou culturel qui aura effectué sa réservation en ligne reçoit lors de sa venue un bon d'achat pour un déjeuner ou un diner d'une valeur de 20 euros. « Là encore, on espère que les dépenses seront plus importantes », indique le président de la communauté de communes de Coevrons qui mène une campagne similaire avec les commerçants de son territoire. Des bons d'achat adaptés, selon le type d'activité, afin qu'ils constituent un véritable levier sans être totalement suffisant pour un seul achat. « Ce n'est pas que les départements avaient envie d'inventer des jeux, mais ils n'avaient aucune marge de manœuvre légale, donc ils ont inventé un autre système. En créant des jeux concours pour faire de la promotion de marque, de destination. On est dans un petit artifice », reconnait Joël Balandraud. Un petit artifice largement utilisé, de la Charente-Maritime à la Manche.

Cinq ou six fois sur TF1

Dans le Maine et Loire, l'opération menée par Destination Angers, bras armé du tourisme de l'agglomération angevine, est prise très au sérieux. « Notre budget de 250.000 euros a été multiplié par cinq par rapport aux années précédentes », affirme Thierry Gintrand, directeur de Destination Angers pour qui l'impact de la Covid-19 est difficile à chiffrer. « Ce qui est sûr, c'est que nous avons eu 103 évènements ou salons impactés, reportés ou carrément annulés pour 35 d'entre-eux. »

Selon le baromètre de fréquentation de l'Office de tourisme qui comptabilisait 195.000 visiteurs en 2019, l'afflux de touristes était, début juillet 2020, cinq fois moins importants. « Mais on constate un sursaut », espérait encore Thierry Gintrand, à l'origine des opérations de séduction « Angers 1001 nuits » et « 101 expériences » qui visent à relancer le tourisme sur Angers, ville verte, à taille humaine, reconnue pour sa gastronomie, sa richesse culturelle, etc. La première action, à destination du tourisme d'agrément, offre une nuit d'hôtel pour une nuit achetée pour tout séjour de 2 nuits minimum. La seconde cible, elle, le tourisme d'affaires et l'évènementiel fortement perturbés par la crise sanitaire. A travers des podcats diffusés sous forme d'interviews sur les réseaux sociaux, les professionnels du tourisme (directeur d'hôtels, restaurateurs, organisateur de salons...) veulent sauver les meubles. A l'instar de la restauratrice Mathilde Favre d'Anne ou de Thierry Browaeys Président du Bureau Horticole Régional et Président du Salon du Végétal dont la manifestation en présentiel, devenue une référence pour la profession horticole et plus largement tous les acteurs du bio, des productions locales et éco-responsables, a dû être annulée et reportée les 14 et 15 septembre dans une version totalement digitale. Une première autant qu'un pari. Celle-ci devrait réunir 350 à 400 exposants, en attendant un nouveau rendez-vous physique au printemps 2021. « Il y a une envie de se retrouver, d'échanger, de monter qu'on existe ! », souligne Thierry Browaeys. Alimenter le bruit de fond, c'est le parti pris de Jean-Jacques Micoud, directeur général de la SPL Saumur Val de Loire Tourisme. « Nous avons fait des jeux concours, rouverts les offices de tourisme dès le 18 mai avec un dispositif sanitaire, organisé un drive des OT pour s'échanger des docs entre professionnels, musclé nos relations presse... appelé régulièrement les prestataires de tourisme pour maintenir le lien social... Tout cela pour être prêt quand ça redémarre. Et déjà, nous avons eu cinq ou six reportages sur TF1 alors qu'en trois ans, on les avait vu une fois ! »

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Commentaires 4
à écrit le 05/08/2020 à 6:54
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Il serait de bon aloi de dire quellles sont les entreprises chargees de cette communication.

à écrit le 04/08/2020 à 23:01
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En L.A. et à Nantes ou La baule, les agences de tourisme affiche "destination Bretagne", la très technocratique PDL n´attire pas les touristes. PDL devrait jouer sur l´image très porteuse du Val-de-loire pour focaliser les voyageurs sur l ´ anjou. La...

à écrit le 04/08/2020 à 16:29
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La Mayenne risque de jeter un froid dans cette organisation, bon c'est la moins touristique, la moîtié de pas grand-chose, à moins de s'intéresser aux chevaliers de la table ronde ou il se passe beaucoup de choses c'est le fief du roi ban de bénoic, ...

à écrit le 04/08/2020 à 9:42
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"empêchés par la Loi Nôtre d’intervenir directement auprès des professionnels du tourisme" Quand on voit comme la mafia s'est appropriée toutes les activités touristiques du littoral méditerranéen et océanique ce serait pas mal quand même de déco...

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