Qualité de l’air, transport, biodiversité… : comment les Régions peuvent contribuer à la transition écologique

Alors que les discours sur l’écologie se multiplient chez les candidats aux élections régionales, quelles sont les marges de manœuvre réelles des Régions en la matière, à l’échelle de leur territoire ? En plus du transport ou de la qualité de l’air, elles peuvent aussi agir sur la sauvegarde de la biodiversité ou encore la promotion de l’économie circulaire.
Marine Godelier
Pour s'assurer de la qualité de l'air sur leur territoire, les Régions sont chargées d'organiser la concertation avec les collectivités, l'échange de bonnes pratiques et l'harmonisation des évaluations.
Pour s'assurer de la qualité de l'air sur leur territoire, les Régions sont chargées d'organiser la concertation avec les collectivités, l'échange de bonnes pratiques et l'harmonisation des évaluations. (Crédits : Gonzalo Fuentes)

Si les grandes orientations pour le climat, l'air et l'énergie sont définies à l'échelle nationale, communautaire ou internationale, ce sont les collectivités locales qui se chargent de déployer les mesures prises en la matière directement sur le terrain. A cet égard, leur mission a été revalorisée dès 2015 par la loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe), puis par la loi Anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC) en 2020. Les Régions ont en effet vu leurs compétences s'étendre, pour porter, entre autres, la transition au plus près des territoires.

Une problématique qui revient aujourd'hui sur le devant de la scène avec l'examen du projet de loi Climat qui a débuté lundi au Sénat - les élus de la Chambre haute plaidant pour consacrer un rôle « majeur » des régions dans la lutte contre le changement climatique. Et que l'on retrouve dans les discours d'une bonne partie des candidats aux élections régionales, dont le premier tour se tiendra ce dimanche.

Mais quels sont réellement leurs moyens en la matière ? Globalement, les grandes lignes sont fixées par le plan climat-air-énergie territoriale (PCAET), obligatoire pour les plus grandes intercommunalités. Celui-ci décline et met en œuvre les ambitions définies pour la qualité de l'air, l'énergie et le climat sur les territoires, lesquelles définissent des objectifs et un programme d'actions concrets. Par ailleurs, chaque Région doit présenter un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) avec des objectifs en matière d'équilibre et d'égalité des territoires, de logement, de développement des transports mais aussi d'efficacité énergétique, de lutte contre le changement climatique et contre la pollution de l'air, etc.

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En-dehors de la transition énergétique, pour laquelle la Fabrique écologique pointant en mai dernier un manque de moyen, malgré leur pouvoir de planification en la matière, les Régions peuvent s'appuyer sur ce cadre commun pour agir dans plusieurs domaines.

  • Qualité de l'air

Depuis 2014, les Régions sont d'abord chefs de files de la qualité de l'air sur les territoires. Une mission majeure, alors que les standards européens ne sont pas encore respectés pour quatre polluants : les particules, les oxydes d'azote, l'ozone et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des constituants du charbon et du pétrole.

Pour y remédier, il est prévu que le préfet élabore un Plan de protection de l'atmosphère (PPA) dans les agglomérations de plus de 250.000 habitants, ou pour celles qui dépassent - ou sont en voie de dépasser - les valeurs limites réglementaires fixées. Et ce sont les Régions qui sont responsables de la mise en œuvre de certaines des actions de ce plan, pour lesquelles elles doivent présenter, chaque année, un bilan de suivi.

Afin d'anticiper les solutions possibles et éviter la pollution, les Régions s'appuient sur la remontée des acteurs de terrain : elles ont pleine capacité pour organiser la concertation avec les collectivités, l'échange de bonnes pratiques et l'harmonisation des évaluations. Les solutions s'adaptent ainsi aux enjeux locaux : alors qu'en Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, le territoire reste loin des valeurs préconisées par l'OMS pour les particules fines en suspension, la Région a signé une convention dotée d'un budget global de 45 millions d'euros afin de soutenir les projets de réduction des émissions. En Guadeloupe, ces sont les algues échouées sur les côtes qui font figure de priorité, celles-ci générant une pollution à l'hydrogène sulfuré et à l'ammoniac. Face à cette problématique, la Région a mis en place un réseau de surveillance de la qualité de l'air, afin d'évaluer l'exposition des habitants aux émanations, et lancer l'alerte en cas de dépassement du seuil réglementaire fixé.

Et leur rôle est aussi pédagogique : elles doivent participer à la démocratisation de la compréhension de la pollution atmosphérique auprès des populations, notamment par un soutien apporté aux Agences de surveillance de la qualité de l'air.

  • Transport

Etroitement liée aux enjeux de pollution, la gestion des transports est une autre mission majeure des Régions. Elle constitue même leur premier poste budgétaire, puisqu'elles sont l'autorité organisatrice du transport collectif d'intérêt régional, avec des compétences qui s'étendent du rail à la route.

Concrètement, à travers les Contrats de plan Etat-Régions (CPER), elles financent de nombreux projets de modernisation de réseau. Dans le ferroviaire, d'abord : elles sont en charge de l'organisation et du financement des services ferroviaires régionaux, et peuvent fixer leurs tarifs, dans le respect du système national de la SNCF. Pour inciter les habitants à prendre le train, Jean Rottner, candidat LR dans le Grand-Est, propose par exemple des réouvertures de lignes et une baisse de prix pour les usagers, avec la création d'une carte demi-tarif - dans un contexte d'ouverture prochaine à la concurrence des TER. En Bourgogne Franche-Comté, Marie-Guite Dufay (PS) plaide elle pour la fin du diesel pour les TER.

En-dehors du ferroviaire, les Régions sont les autorités organisatrices des transports interurbains, et gèrent l'intermodalité et la complémentarité entre les modes de transport, dans le cadre du SRADDET. D'où le thème de la gratuité qui revient sur le devant de la scène à l'occasion des nouvelles élections, retrouvé dans les programmes d'Audrey Pulvar (PS) en Île-de-France ou d'Aurélie Filippeti dans le Grand-Est, par exemple - justifié par des motifs écologiques mais aussi sociaux. Dans cette dernière région, Brigitte Klinkert mise quant à elle sur la promesse d'une « révolution des transports », pour « se déplacer rapidement, facilement et au prix le plus faible possible ».

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Car alors que l'arrêt des moteurs à énergie fossile est prévue pour 2040, le rôle des Régions est primordial, pour le déploiement d'infrastructures adaptées, et nécessite d'anticiper les comportements futurs - par le financement de transports en commun, mais aussi de bornes de recharge électrique ou de stations à hydrogène, par exemple.

Et le vélo n'y échappe pas : en Île-de-France, sur les 680 kilomètres de pistes cyclables, la moitié a été cofinancée par la Région. Un sujet important dans la campagne en cours : tandis que Valérie Pécresse assure vouloir installer une série de voies cyclables afin de créer un « RER Vélo », Julien Bayou répète son souhait de mettre en place un grand réseau de 1.700 km de voies cyclables protégées, isolées du trafic routier.

  • Economie circulaire

Les Régions font aussi figure d'acteurs essentiels pour le développement de modèles plus circulaires, notamment depuis la loi Anti-gaspillage et économie circulaire de 2020 (AGEC). Celle-ci élargit leurs compétences dans l' « animation et la coordination de l'économie circulaire » , afin de favoriser l' « éco-mobilisation ». Concrètement, elles doivent se placer dans une logique de ressources plutôt que de déchets, par le réemploi et la réutilisation, via la structuration du tissu d'entreprises et divers outils d'incitation. De fait, les Régions ont toutes participé au mouvement : en 2020, chacune d'entre elles s'est mobilisée pour déployer un label, en partenariat avec l'Ademe, de manière à identifier les projets à accélérer en la matière. Certaines restent plus avancées que d'autres : les Pays de la Loire, par exemple, vont désormais jusqu'à appliquer des mesures d'éco-conditionnalité des achats, notamment via la commande publique.

La question est indissociable de celle de la gestion des déchets, dont la plupart se sont saisies, par l'adoption de 12 plans régionaux entre 2019 et 2020. La Bourgogne Franche-Comté, par exemple, l'a voté il y a deux ans afin d' « accélérer le tri, le réemploi des déchets, la réduction de la mise en décharge et de l'incinération ». Et, depuis début 2018, les porteurs de projet de la Région peuvent candidater à un appel à projets Economie Circulaire s'ils souhaitent obtenir des moyens supplémentaires - pour favoriser l'écoconception, promouvoir l'aménagement de recycleries ou encore accélérer les travaux sur le vrac. Objectif : « produire mieux, en réduisant les déchets et le gaspillage ».

Là encore, les Régions jouent un rôle pédagogique. Par exemple, l'Île-de-France a organisé en 2019 la première journée régionale sur la lutte contre les dépôts sauvages, dans le cadre du dispositif « Île-de-France propre ». Le Fonds propretés a reçu 7,6 millions d'euros de soutien de la part de la Région entre 2016 et 2019, avec 120 projets de lutte et de résorption des dépôts sauvages.

  • Eau, littoral et biodiversité

Restauration des milieux aquatique, gestion des inondations, préservation de la qualité de l'eau, ou encore développement économique lié à l'eau : les Régions sont également compétentes en matière de politique de l'eau. Quatre d'entre elles sont particulièrement en pointe sur le sujet, et se sont vues attribuer la « mission d'animation et de concertation dans le domaine de l'eau » - une compétence transférée par l'Etat - : la Bretagne, le Grand-Est, les Pays de la Loire et la Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Un « Plan breton pour l'Eau » a par exemple été mis en place, lieu de partage d'informations sur les problématiques liées à cette ressource. Et dans le Grand-Est, c'est une mission « eau » qui a vu le jour en septembre 2019, dont le rôle est de faire de la Région un modèle de gestion pour devenir « un territoire résilient au changement climatique ».

Enfin, leur rôle s'est accentué en matière de lutte pour la préservation de la faune et la flore. En 2020, pas moins de sept agences régionales de la biodiversité (ARB) ont été créées, dans le but de généraliser les bonnes pratiques de préservation des écosystèmes. Cette année-là a également été marquée par la mise en œuvre du programme Territoires engagés pour la nature (TEN) par 15 Régions volontaires, en partenariat avec l'Office français de la biodiversité.

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Car la région, responsable de la mise en œuvre de la stratégie régionale de la biodiversité et du SRADDET qui intègre les enjeux de biodiversité, est devenue cheffe de file en la matière. Et agit en quantifiant le potentiel de l'emploi dans ce domaine, en recensant les acteurs qui travaillent sur le sujet ou encore en travaillant sur la structuration de filières pour mettre en valeur les ressources du territoire.

Mais dans ce cadre commun, toutes n'avancent pas à la même vitesse : depuis quelques années, une partie des Régions mènent de plus en plus d'actions de financement auprès des collectivités, entreprises et citoyens pour promouvoir l'écologie. Certaines ont même ouvert les travaux pour appliquer une méthode de budget vert, et classer leurs dépenses selon leur impact sur l'environnement. Notamment l'Occitanie, première région d'Europe à avoir présenté son « pacte vert » en novembre dernier - une mesure qui fait partie, entre autres, du programme du candidat EELV en Île-de-France, Julien Bayou, ou encore de celui de Mélanie Boulanger (PS, Verts), tête de liste en Normandie.

Marine Godelier

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Commentaire 1
à écrit le 18/06/2021 à 14:49
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La question est de savoir pourquoi la régionalisation serait plus efficace que la Nation surtout si le coté financier est centralisé a Bruxelles?

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