Electronique : Le Tribunal de commerce choisit le géant K&S pour reprendre SET

Les juges consulaires d'Annecy ont finalement opté pour une reprise du fabricant de machines outils pour l'électronique par le groupe américano-singapourien, au détriment du projet de scop défendu par les salariés et par l'Etat. Un choix qui soulève de lourdes questions sur la justice commerciale, selon Benoît Hamon. Le procureur a interjeté appel.
Benoît Hamon, ministre délégué à l'Economie sociale et solidaire (ESS), s'était rendu à Saint-Jeoire (Haute-Savoie), le 26 octobre dernier, pour soutenir publiquement les salariés de SET ©DR

L'avenir de SET s'écrira avec le géant K&S. Ainsi vient d'en décider le tribunal de commerce d'Annecy, en début de semaine (mardi 6 novembre), après trois renvois successifs en délibéré. Voilà en effet plus d'un mois que cette PME de 42 salariés, basée à Saint-Jeoire en Haute-Savoie, fait l'objet de toutes les attentions concernant l'identité de son repreneur. Le combat a, cette fois, nettement tourné en défaveur des 37 salariés constitués en société coopérative. Le jugement affirme ainsi que « sa capacité de financement apparaît minime et la rentabilité faible, d'autant que la vulnérabilité de ce secteur d'activité est conséquente [...]. Qu'en outre, le projet industriel en lui-même a pour seule vocation de continuer une activité de marchés de niche déjà précédemment exploitée sans évolution industrielle notable. Laquelle serait, en tout état de cause, compromise de par la faiblesse du financement ». Et le tribunal d'enfoncer le clou : « Le projet d'entreprise soutenu par la société K&S apparaît a contrario très solide du fait de la puissance financière et technologique de cette dernière, de l'implantation internationale et de la capacité d'innovation du groupe. » De quoi réjouir la direction de K&S (65 % des parts de marché mondiales des câbleuses par fil utilisées pour assembler des boîtiers de circuits intégrés) qui s'en est félicité dans un communiqué : « Disposant d'une solide trésorerie de plus de 440 millions de dollars, nous sommes prêts à investir des ressources significatives dans les technologies de SET. »

Captation de technologie

Un jugement « surprenant » pour Michel Rohart, directeur de l'Union régionale des Scop, qui accompagne les salariés. Même si, selon lui, « les multiples reports de procédure indiquaient bien que le tribunal voulait faire ce choix. » La polémique ne risque en tout cas pas de s'arrêter, le procureur d'Annecy ayant décidé d'interjeter appel. Car de nombreuses questions se posent. A commencer par celle de la captation de technologie. SET, alias Smart Equipment Technology, a en effet été classifiée « entreprise stratégique » dans le domaine de la Défense par la Direction générale de l'armement (DGA). « Or, la réglementation impose à une société étrangère souhaitant prendre le contrôle d'une société ainsi classifiée d'obtenir, au préalable, un agrément de la délégation générale du Trésor, rappelle Michel Rohart. Il semble que K&S ne l'ait toujours pas aujourd'hui, ce qui pose question. »
Ce constat est partagé par le cabinet de Benoît Hamon, ministre délégué à l'Economie sociale et solidaire (ESS), venu soutenir publiquement les salariés à Saint-Jeoire, le 26 octobre dernier : « Il y a eu, à plusieurs reprises, des errements de la justice commerciale dans ce dossier. Des pièces ont ainsi été omises, notamment celles concernant la classification stratégique de certaines des activités de SET. » Un oubli a priori pénalisant pour la scop soutenue par les salariés, car cette mention semblait plutôt de nature à faire pencher le dossier en faveur d'une reprise par des capitaux français. « Ensuite, comment expliquer que cela ait cloché, alors que la première offre des salariés était plus solide que celle de K&S d'un point de vue financier et avec un tour de table supérieur ? », s'interroge-t-on dans l'entourage du ministre.

Réformes en vue

De fait, SET avait réuni un tour de table financier, d'un montant total de 6,2 millions d'euros, incluant 1,6 million d'euros en fonds propres et 4,6 millions en prêts de court et moyen-terme et garanties. « Ce dossier a été étudié par dix comités d'engagement financier en France, dont Oséo, le Programme Investissement d'Avenir, deux banques privées ainsi que le fonds d'investissement de la Région Rhône-Alpes, précise Michel Rohart. Soit plus de 80 personnes qui ont étudié la stratégie et validé le plan de financement. Et on nous dit ce dossier n'est pas viable ? »
Au-delà de la question financière, se pose aussi celle du maintien de l'emploi en France. D'où l'empressement de Benoît Hamon à promouvoir la scop : « D'un point de vue capitalistique, ce modèle économique est intéressant puisqu'il privilégie l'emploi avant la rémunération du capital. Se rend-on bien compte aujourd'hui des décisions que l'on prend lorsque l'on connaît les difficultés à pérenniser l'emploi industriel sur le territoire français ? »
Deux projets sont ainsi dans les cartons. D'une part, une réforme qui visera à professionnaliser la justice commerciale, en lien avec Christiane Taubira, la Garde des Sceaux. D'autre part, Benoît Hamon présentera, au printemps 2013, une loi ESS dont l'un des chapitres cherchera à faciliter les possibilités de reprise d'entreprise par les salariés. D'ici là, le dossier SET devrait avoir été revu en appel. « Cela laisse des chances à une reprise en scop, pour peu que l'examen du dossier se fasse avec un spectre plus large », estiment les observateurs. Le feuilleton économico-judiciaire ne semble donc pas près de s'arrêter.

 

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