Entraîneurs de haut niveau : où sont les femmes ?

Pour la première fois de l’histoire des JO, l’égalité entre les femmes et les hommes sera de mise chez les athlètes. Mais c’est encore loin d’être le cas chez les coachs. Explications.
Aux JO de Tokyo en 2021, le Comité international olympique (CIO) a comptabilisé 13 % de femmes, toutes nationalités confondues, parmi les entraîneurs présents.
Aux JO de Tokyo en 2021, le Comité international olympique (CIO) a comptabilisé 13 % de femmes, toutes nationalités confondues, parmi les entraîneurs présents. (Crédits : © PHILIPPE MILLEREAU/DPPI via AFP)

« 1900-2024 : un long chemin vers la parité. » C'est écrit en gros sur le site officiel, ces Jeux olympiques accueilleront un nombre égal de champions et de championnes. « Une première historique », certes, mais derrière une parité élogieuse se cache un plafond de verre : celui des entraîneurs de haut niveau. Combien de femmes se rendront à Paris en tant que coachs ? Aux JO de Tokyo en 2021, le Comité international olympique (CIO) a comptabilisé 13 % de femmes, toutes nationalités confondues, parmi les entraîneurs présents - soit 2 points de mieux qu'à Rio. Au Japon, la France ne comptait, par exemple, aucune entraîneuse en natation ou en escrime, une seule en judo et une pour huit équipes de sports collectifs. Pour en trouver davantage, il fallait chercher du côté de la gymnastique (trois) ou de la natation artistique (deux).

Disparité dès les échelons amateurs

« Plus on se rapproche du terrain, plus l'espace est valorisant, moins on y trouve de femmes », pose la sociologue du sport Béatrice Barbusse, en s'appuyant sur les travaux de l'ancienne gymnaste Caroline Chimot, spécialiste en organisation, recrutement et gestion des staffs. À l'origine, la profession porte une dimension technique et tactique. « Or, rappelle Béatrice Barbusse, dans tous les métiers techniques, ingénieur par exemple, les femmes sont moins nombreuses. » Mais le fait que le management prenne aujourd'hui davantage d'importance devrait favoriser la féminisation de la corporation.

La disparité est prégnante dès les échelons amateurs. « C'est un monde où il n'y a que des hommes, déplore l'entraîneuse de natation Magali Merino. Dans le recrutement ou les réunions, il n'y a pas de place faite aux femmes. » Cette spécialiste de la nage en eau libre, qui coache le médaillé mondial Axel Reymond, décrit sa carrière comme « un parcours du combattant ». Elle raconte un accueil « catastrophique » dans le staff des Bleus il y a douze ans et la difficulté à évoluer. « On ne trouve pas de poste, regrette-t-elle. On est bloquées dans nos clubs. »

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La trajectoire de l'ancienne judokate Séverine Vandenhende est assez révélatrice. Il aura fallu quatorze ans à la championne olympique de Sydney pour passer d'entraîneuse nationale des cadettes à celle des élites féminines, en 2017. Un chemin bien plus lent que celui de ses homologues masculins.

« En 2003, un poste était vacant chez les juniors filles, rembobine-t-elle sur un ton dépité. Le responsable du haut niveau m'avait alors dit que j'étais trop jeune pour l'obtenir. C'est finalement un collègue, ancien sportif de haut niveau, qui l'a eu. On a un jour d'écart ! On demande aux femmes de faire leurs preuves avant même de leur proposer quelque chose. Il faut un palmarès et une légitimité qui ne sont pas attendus des hommes. »

À l'Insep, les femmes représentent 20 % d'une promotion

Elle fait remarquer que toutes les entraîneuses nationales de sa discipline sont médaillées olympiques, à l'inverse des hommes. Elle se réjouit néanmoins de voir aujourd'hui les portes s'ouvrir et les parcours s'accélérer.

Il faut un palmarès et une légitimité qui ne sont pas attendus des hommes

Séverine Vandenhende, entraîneuse de l'équipe de France féminine de judo

À l'Insep, où est dispensée une formation préparant les futurs entraîneurs de haut niveau (le Desjeps « performance sportive »), les femmes représentent en moyenne 20 % d'une promotion. Elles étaient moins de 10 % il y a dix ans. Pour le responsable de ce cursus, Frédéric Sadys, cette faible représentativité n'est « pas liée à un problème d'accès au diplôme ». « Sur quatre-vingts dossiers, explique-t-il, je reçois en moyenne huit à dix candidatures féminines pour trente places. Je les sélectionne quasiment toutes en priorité, sauf si le dossier est trop faible. » Mais avec de rares exemples visibles, difficile de susciter des vocations.

« Il faut que les femmes aient des modèles, abonde Magali Magail, manageuse générale de l'équipe de volleyball féminine de Mulhouse Alsace et ex-entraîneuse des Bleues. Quand une joueuse souhaite devenir coach, on doit la former en interne, lui permettre d'aller sur le terrain. Les fédérations doivent montrer que le chemin est possible. » Autre piste avancée : créer des réseaux « pour permettre aux entraîneuses de monter en compétences », confie Maryse Éwanjé-Épée. Quatrième aux JO de Los Angeles au saut en hauteur et présidente d'un club d'athlétisme francilien, cette dernière réfléchit à lancer une association de femmes entraîneuses sportives.

Jeune maman et entraîneuse d'une équipe masculine de basket de troisième division, Lauriane Dolt estime faire « le plus beau métier du monde ». Mais elle pointe les contraintes inhérentes à la profession sur lesquelles les clubs pourraient jouer afin d'améliorer la mixité. « Nos familles en pâtissent, prolonge-t-elle. Ça serait bien de leur permettre de nous rejoindre lors de déplacements, par exemple. Ce sont des petites actions qui paraissent anodines mais qui sont tellement importantes. » Une proposition qui bénéficierait autant aux femmes qu'aux hommes.

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