« On peine à imaginer qu’il y a déjà eu des Jeux à Colombes » (Michaël Delépine, historien du sport)

ENTRETIEN - Rénové pour accueillir le hockey sur gazon, le stade Yves-du-Manoir sera inauguré mardi. En 1924, le site était au cœur des JO.
Photo tirée des archives de la bibliothèque historique de la Ville de Paris. Arrivée du 200 mètres au stade Yves-du-Manoir, le 9 juillet 1924.
Photo tirée des archives de la bibliothèque historique de la Ville de Paris. Arrivée du 200 mètres au stade Yves-du-Manoir, le 9 juillet 1924. (Crédits : © LTD / BHVP/Roger-Viollet)

Il est le seul trait d'union entre Paris 1924 et Paris 2024. Rénové, livré fin 2023 et inauguré mardi, le stade Yves-du-Manoir accueillera les épreuves de hockey sur gazon, cent ans après avoir été le centre névralgique des JO. Un lieu de fascination pour Michaël Delépine, docteur en histoire contemporaine et chercheur associé à l'université de Bourgogne-Franche-Comté, qui y a consacré un livre, Le Bel Endormi - Histoire du stade de Colombes (Atlande).

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LA TRIBUNE DIMANCHE - Engager Colombes dans Paris 2024, c'était le moyen de créer une passerelle avec 1924 ?

MICHAËL DELÉPINE - Il y a eu une volonté de clin d'œil, car c'était le site majeur de ces premiers Jeux en France : cérémonies, football, rugby, athlétisme, tennis, départs d'épreuves cyclistes... Une piscine avait aussi été édifiée, mais elle n'a jamais été mise en eau. Au moment de la candidature de Paris 2024, le site a été présenté avec une carte postale en noir et blanc. C'était le seul. Colombes, c'est plus de cent quarante ans d'histoire : il y a d'abord eu un champ de courses puis un stade, repris par le journal Le Matin.

En quoi son histoire est-elle indissociable de celle du Racing ?

Le Racing est à l'origine de la « construction » du stade pour les Jeux alors qu'il n'en était que locataire. Il a proposé au comité olympique français de le transformer complètement, en se faisant rembourser à l'issue du tournoi - une bonne opération pour le comité, qui peinait à boucler son budget. Ensuite, le Racing a été copropriétaire, puis unique propriétaire jusqu'au début des années 2000 et la vente au département des Hauts-de-Seine. Au-delà du foncier, les deux ne font qu'un.

Dit-on stade Yves-du-Manoir ou stade de Colombes ?

Yves du Manoir, ancien capitaine du Racing mort dans un accident d'avion en 1928, c'est un nom qui claque, mais qui n'est pas toujours utilisé. Moi, je dis Colombes, par exemple. Parce que dans la presse sportive on parlait de Colombes. À la télé, les commentateurs ouvraient souvent par « ici Colombes ». C'est assez étrange, ce stade à plusieurs noms. Je ne crois pas que beaucoup d'enceintes portent le nom de leur ville. C'est d'autant plus particulier qu'elle n'en a jamais été propriétaire.

En passant devant, on a du mal à se dire que c'était le cœur de 1924 et un lieu légendaire du sport français par la suite...

Pour ceux qui sont nés après 1972, au moment où il a été remplacé par le Parc des Princes, c'est vrai que l'infrastructure paraît à peine plus grande qu'un stade municipal. Quand on le regarde depuis l'autopont de l'A86, on peine à imaginer qu'il y a eu des Jeux et que tous les Mbappé d'alors se retrouvaient sur ce stade. Et ce malgré les efforts de transmission et les travaux de rénovation.

Si vous deviez ressortir un événement marquant, quel serait-il ?

Dans les années 1950-1960, les gamins pouvaient croiser les plus grandes stars de leur époque dans les couloirs. Les footballeurs ou les rugbymen du Racing comme Michel Jazy. C'était un lieu surprenant : à la fois grand stade et plaine de jeu. Pelé a marqué trois buts à l'équipe de France à Colombes. Il est revenu en 1971 aussi avec un coup d'envoi donné par Brigitte Bardot. Tout le monde voulait se faire photographier à côté d'elle...

Après les Jeux, ce sera la maison du hockey sur gazon en France. Cela a-t-il du sens ?

Complètement, il y a eu du hockey sur gazon à Colombes il y a plusieurs décennies. Et puis le Racing est un club omnisport. Le rugby reste ici, le football aussi. Je trouve ça même très intéressant qu'un club comme le Racing, présent depuis les origines ou presque et qui a une réputation un peu élitiste, continue de s'ancrer à Colombes, dans une banlieue plutôt populaire.

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