L'intelligence énergétique au service de la production industrielle

Lancée en 2013 par Arnaud Legrand, Energiency, une startup rennaise, s'appuie sur les données des industries pour leur proposer des plans d'économies d’énergie. Les enjeux sont énormes. L'ADEME apporte également sa contribution.
Arnaud Legrand, CEO d'Energiency.
Arnaud Legrand, CEO d'Energiency. (Crédits : DR)

Le temps où Arnaud Legrand, jeune ingénieur, spécialisé dans la data science, effectuait des audits sur les émissions de carbone des industriels pour le compte de son employeur de l'époque, le cabinet EY, est bien loin. Mais il s'en souvient encore ! « C'était dans les années 2000, avant l'essor de l'intelligence artificielle et du cloud, dit-il. Je lisais les compteurs installés dans les usines de mes clients, et reportais tout à la main sur des tableaux pour les aider à calculer leurs consommations d'énergie par machine. Cela prenait parfois six mois pour obtenir une vision fiable... ». Sa frustration est à son comble lorsqu'un client, dans le secteur automobile, réduit l'activité de certaines unités de production suite à la crise de 2008. « A peine livrées, toutes nos conclusions ont dû être revues », soupire-t-il.

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Mais alors que les capteurs font leur apparition dans les usines, le jeune ingénieur, également détenteur d'un MBA, en vient progressivement à imaginer un nouveau service. Pourquoi, en effet, ne pas profiter de ces données pour fournir - en temps réel - ces informations précieuses pour les directeurs d'usine, sur un écran indiquant exactement où en sont les dépenses d'énergie ? « Nous avons profité de la double transition, numérique et énergétique, qui participait à l'émergence de l'Industrie 4.0, pour lancer Energiency en 2013 », résume-t-il. « Alors que le secteur industriel représente 22,5% de la consommation finale d'énergie en France, précise Sylvie Padilla, responsable du service Industrie à la direction Entreprises et Transitions Industrielles de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME), il y a deux éléments à prendre en compte. D'une part, la réduction de la dépendance à une ressource rare et non renouvelable, et de l'autre, la lutte contre le réchauffement climatique, dû à l'usage d'énergies carbonées ».

Former des référents en économies d'énergie

Si la conscientisation fait son chemin, en particulier en ce qui concerne la crise climatique, il n'en reste pas moins que « les priorités des entreprises sont soumises à des contraintes, notamment financières et d'emploi. Et il y a dissymétrie entre acteurs techniques et direction dans les décisions d'investissement », explique-t-elle. L'ADEME a d'ailleurs favorisé l'émergence de Prorefei, un programme de formation gratuite de référents énergie dans les sites industriels piloté par l'ATEE, ainsi que son équivalent INVEEST, piloté par GREENFLEX, pour les intervenants internes ou externes de la sphère financière (DAF, acteurs bancaires,...) dans le domaine industriel. Autant de solutions qui accompagnent les entreprises vers plus de performance énergétique et environnementale. « La transition énergétique et écologique représente, pour les entreprises, une double opportunité : elles améliorent leur compétitivité via une meilleure gestion de leurs ressources énergétiques et matières et elles mettent sur le marché des équipements et des solutions innovantes plus performantes, et à l'impact environnemental réduit », insiste Sylvie Padilla, pour conclure : « L'enjeu est donc aujourd'hui de trouver des leviers accélérant la prise en compte de ces ambitions ».

Energiency réduit la facture d'énergie jusqu'à 15 %

Energiency fournit l'un de ces leviers. La start-up, basée à Rennes et à Lyon, exploite toutes les informations disponibles - électricité, eau, gaz, vapeur... facturées par les fournisseurs d'énergie, pour collecter ces données, puis, grâce à des algorithmes, proposer des solutions afin de réduire la demande en énergie. Pour les producteurs d'acier - et Energiency compte ArcelorMittal parmi ses clients - mais aussi les grands acteurs de la chimie, du papier, de l'automobile... tous très gourmands en énergie, l'enjeu est de taille, puisque grâce aux outils développés par Energiency, leur facture d'énergie peut diminuer jusqu'à 15 %. Des économies en plus, et des émissions de CO2 en moins, pour le bien-être de la planète et de ses habitants. Même chose, d'ailleurs, pour les ETI qui font, comme le fabricant de pâtés Henaff, autre client d'Energiency, usage des écrans et des conseils fournis par la jeune pousse rennaise. « Les chefs d'atelier et les directeurs d'usine sont très fiers de pouvoir dire qu'ils font des produits moins énergivores », se félicite Arnaud Legrand. Et « en offrant une analyse de données en temps réel, nous oeuvrons pour la transparence et servons de tiers de confiance technologique », explique l'entrepreneur rennais.

Demain, un impact encore plus grand

Et demain, Energiency, qui compte une vingtaine de salariés, aura encore plus d'impact. « Nous le doublons tous les ans », assure d'ailleurs Arnaud Legrand. En effet, en convaincant des multinationales comme ArcelorMittal, la jeune pousse bretonne, qui fait partie des rares start-up à proposer ce genre d'outils dans le monde, peut s'étendre bien au-delà de l'Hexagone, puisqu'elle profite des implantations internationales de ses clients. En outre, en ciblant notamment des industries très consommatrices d'énergie, comme la métallurgie et la chimie, son impact n'en est que plus fort.

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D'autant que le public l'exige désormais. « Mais les consommateurs ne savent pas forcément quelle est la consommation d'énergie nécessaire pour produire, en amont, l'acier dont est fait leur vélo », argumente Sylvie Padilla, qui milite également pour un signal prix de la part des autorités. Autrement dit, les crédits carbones, que les industriels peuvent échanger sur le marché européen, doivent être à un niveau encourageant les investissements en vue de réduire la consommation d'énergies carbonées. Malgré les efforts de l'Europe, ce n'est pas encore le cas... A la fin de l'an dernier, le prix d'une tonne de carbone se situait autour de 25 euros, alors que les experts internationaux estiment qu'il devrait être au moins à 75 pour produire l'effet escompté...

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