Axelle Tessandier, l’affranchie

Ancienne Marcheuse (elle a été déléguée nationale de la campagne d’Emmanuel Macron), entrepreneure (elle a fondé son agence AXL Agency), auteure (elle a publié un ouvrage chez Albin Michel), Axelle Tessandier se lance dans un nouveau projet : la rédaction en chef de WondHer, média nouvelle génération créé avec Golden Network. Histoire peu ordinaire d’une jeune femme pour le moins singulière.
Valérie Abrial
(Crédits : Gregory CHRIS/TEVA)

Elle l'avoue elle-même, en tous les cas, elle ne s'en cache pas, ses débuts professionnels n'ont pas vraiment été exaltants. Pire, de véritables échecs ! Et pourtant. De ses propres mots, Axelle Tessandier a grandi « du bon côté de la barrière ». Mais voilà, malgré de brillantes études (bac + 5 à Assas et l'UCL de Londres) la jeune femme démarre les années 2000 pas vraiment au beau fixe. Il faut dire que tout ce qu'elle entreprend alors pourrait être la célébration de magnifiques fiascos. Facile d'en sourire des années plus tard, surtout quand les déboires ont été surmontés brillamment. Mais à l'instant T, il faut bien le dire : c'était de vraies galères. D'autant plus que yogi et vegan avant l'heure, la jeune geek de l'époque peine à trouver sa place dans le monde professionnel et à libérer ses énergies créatives à bon escient, ou plutôt au service d'un engagement. Bref, Axelle se cherche, se devine parfois ; accepte des jobs tellement loin de sa nature (jobs dont elle se fait virer la plupart du temps) qu'elle finit par se perdre en cours de route et à douter très sérieusement de ses capacités. Quant à son talent, elle n'imagine même pas qu'elle puisse en avoir. Du coup, elle accepte des boulots en décalage complet avec son potentiel. Résultats ? Rien ne marche ! Rien n'accroche. Tout glisse vers la non réussite de soi.

Seulement... s'il n'y avait pas eu tout ça, il n'y aurait pas eu la suite. Car il arrive un moment où, de guerre lasse, Axelle se lance dans un projet inattendu en répondant à une annonce passée sur Twitter. On est en 2009, autant dire aux balbutiements des réseaux sociaux et elle n'hésite pas à postuler à une annonce pour le moins sibylline : Palomar 5, initié à Berlin par Deutsch Télécom et Google, recherche des jeunes gens pour travailler sur le futur du travail. Ça tombe bien ! Après tous ses déboires, Axelle a beaucoup à dire sur le sujet et surtout, est convaincue que son problème en devenant une réflexion allait devenir une solution. Cela dit, au moment de partir, la jeune femme n'en mène pas large. D'autant plus que la vie en communauté, ce n'est pas vraiment son genre, elle qui aime à se ressourcer seule ; elle qui, tout sourire, vous avoue à quel point elle est introvertie et que si elle adore travailler en équipe, ses moments d'échappée, c'est en solitaire qu'elle les vit. Drôle d'idée alors de partir tout azimut dans une ancienne fabrique de bière en Allemagne où elle allait partager le quotidien de 27 autres jeunes et dormir dans une chambre, sorte de cabane en bois de 7m2. La peur au ventre, Axelle se lance, persuadée que c'est là-bas qu'il se passera quelque chose. Car elle est comme ça Axelle : instinctive. Intuitive aussi. Et c'est effectivement à partir de là que tout a changé.

Nouvelle vie

« En fait, Palomar 5 a changé ma vie » annonce l'intéressée elle-même. Et n'imaginez pas qu'il s'agisse d'une formule toute faite. En poussant plus loin la conversation, on comprend effectivement comment les choses de la vie, de façon bien hasardeuse, vous mènent là où vous souhaitiez aller sans trop vraiment le savoir. Quoique hasardeuse ne soit peut-être pas l'adjectif adéquat. Car Axelle Tessandier fait partie de ces gens qui ne croient pas au hasard et encore moins aux coïncidences. « Il n'y a pas de hasards, il n'y a que des rendez-vous. Mon intuition m'a sauvée de 1000 choses. Je suis fascinée par les décisions que l'on prend et qui, a posteriori, s'avèrent être celles qui ont été d'une importance capitale sur votre route ». Donc, et pour revenir à Berlin, c'est grâce à Palomar 5 qu'Axelle est envoyée à San Francisco pour y travailler trois mois. En fait, elle y restera cinq ans. « Aux USA, j'ai découvert que ma singularité était ma force alors qu'en France je la vivais comme une faiblesse. J'ai vécu une vraie renaissance à SF, j'ai repris confiance en moi. En France, si on n'a pas le bon diplôme ou le bon réseau, on fait quoi de son talent ? Aux USA, si tu as le bon discours et la niaque, ça fonctionne. Et puis, l'échec y est perçu comme un badge d'honneur. Du coup, on n'a pas peur de se lancer et encore moins d'essayer. A SF, j'ai enfin pu assumer ma singularité. D'ailleurs cela m'a amusée que François Hollande fasse toute sa campagne sur la normalité. Je trouvais ça fou. Je venais d'arriver dans un pays où être singulier est ultra valorisé, et j'en quittais un où la normalité était le but à atteindre. De toute façon, chaque fois que j'ai essayé de suivre la normalité, ça n'a pas marché », conclue-t-elle en riant.

Pas étonnant que ce soit à San Francisco qu'Axelle créé son agence AXL Agency et qu'elle développe enfin son talent de lanceuse de projets. Pour autant, la jeune femme ne s'est jamais laissé aveugler par le mythe américain. « J'étais consciente des limites de la Silicon Valley. Là-bas, ils n'ont pas la même définition du mot social ; et j'étais effrayée par le fait que quelque part ils avaient le monopole de l'avenir ». Sans doute une des raisons pour lesquelles Axelle envisage son retour à Paris. Et puis, après avoir lancé Kickstarter en France en 2015, après quelques allers-retours entre les continents, après le choc des attentats, la jeune femme éprouve un manque pour l'Europe. Son intuition lui dit qu'il est temps de revenir.

Audace et engagement

Et Axelle rentra. « En janvier 2016. Pas vraiment sereine, car je laissais beaucoup de bonheurs à San Francisco, raconte-t-elle. Je n'avais pas de projet. La seule chose que je savais c'est qu'il était temps pour moi de m'engager. Je ne savais pas encore comment, avec qui et pour quoi. J'ai créé AXL Agency à Paris en avril 2016 même si je sentais bien que je n'étais pas rentrée pour cela. Là aussi, il y a une intuition : je savais que j'étais rentrée pour 2017 ». Bingo ! Un des jeunes avec Macron, qui la suit sur les réseaux sociaux, l'appelle pour leur lancement et l'animation d'un débat avec Jean-Marie Daniel, Pascal Terrasse et Mounir Mahjoubi. (Re)Bingo ! L'équipe de Macron voit le débat en ligne et Ismaël Emelien (l'un des plus proches conseillers du futur président) l'appelle à son tour. « A ce moment là, j'avais tous les signes. Mon retour en France faisait sens», résume Axelle l'intuitive. Et de se remémorer : « Pourtant, j'ai failli annuler le débat une heure avant car je ne me sentais pas prête ! Je ne l'ai pas fait. En fait, l'échec me fait moins peur que de passer à côté de mon existence ; de créer une vie qui ne soit pas la mienne. Quand on a peur et que l'on n'ose pas, quand on reste dans sa zone de confort, c'est à ce moment que l'on passe à côté de sa vie. Or, mon obsession c'est de ne pas avoir de regret ». Ne pas avoir peur de la peur en quelque sorte. « Quelqu'un m'a dit un jour que j'avais deux fils rouges dans ma vie : l'engagement et l'audace. J'ajouterai la liberté. Les gens me pensent souvent comme une intellectuelle du web mais en fait je suis foncièrement une instinctive et une émotionnelle. Je ne cache pas grand chose de qui je suis. C'est comme cela que j'ai envie d'être connectée avec les autres ».

L'inspiration positive

Une connexion qui lui réussit plutôt bien. Et on peut ajouter sans flatterie que c'est cette singularité qui l'a amenée à diriger la campagne d'Emmanuel Macron. « J'ai adoré cette campagne car il n'y avait pas d'éléphant avec un parti de 70 ans. C'était des pages blanches. Et je n'aime que les projets pages blanches. Sur ce point, je fonctionne comme une artiste. Les artistes sont d'ailleurs les personnes qui m'inspirent le plus ; ils sentent le monde et font du personnel de l'universel. C'est de cette façon que l'on change les lignes en fait. La campagne, je l'ai vécue comme une performance. J'ai ressenti la même adrénaline que lorsque je suis rentrée dans la Silicon Valley où les startups sont dans un garage et finissent avec le plus grand immeuble de la rue. J'aime les lancements et les projets car ils permettent d'être hyper créatif ». Une créativité qui a payé avec une fin de campagne réussie. « Je crois que la force de cette campagne, c'est qu'elle correspondait à notre époque. Elle était agile. Menée par une équipe positive et optimiste, celle des Yes We Can qui m'avait bercée pendant cinq ans. Autant dire que j'étais complètement à ma place. J'étais heureuse de ne pas entrer dans un schéma dénonciateur ou anxiogène qui pour moi ne fonctionne que pour le camp de la peur, les populistes et les nationalistes. Cela ne marche jamais avec les progressistes ». Alors pourquoi avoir refusé un poste au gouvernement, le numérique entre autre? « Je n'ai jamais voulu faire une carrière politique. Et je ne suis pas une geek passionnée par la modernisation de l'administration. Je n'aurais pas été à ma place au gouvernement. J'avais envie de nouveaux projets ». Déraisonnable ou pas, Axelle suit son instinct et bien lui en a pris, car quelques semaines plus tard, Mickaël Palvin, éditeur chez Albin Michel, lui propose d'écrire son histoire. Voilà qui tombe à pic, Axelle a déjà commencé. Rappelez-vous, il n'y a pas de hasards... « Ce livre a été une aventure incroyable. L'écriture, en solitaire, tout l'été 2017, m'a pleinement ressourcée. Je n'aurais jamais pu faire ce livre si j'avais été ministre ». Toujours ce fameux sens de l'histoire...

WondHer, média engagé

Et puis fin 2017, il y a l'appel d'un ancien compagnon de stage des jeunes années. Tom Rouyres, aujourd'hui directeur média de Golden Network (Groupe M6), peu avare de projets lui aussi. Ensemble, ils imaginent la création d'un nouveau média. Ce sera WondHer dont la mise en ligne devrait démarrer en décembre. Un média pour les femmes ? Un média féministe ? « Pour moi féminisme, cela veut dire égalité. Donc le féminisme rend service à toute la société, aux femmes et aux hommes. En cela WondHer est un média engagé. Ses formats seront mis en ligne sur Instagram à raison de trois à quatre posts par jour à la façon d'une amie qui vous tape sur l'épaule et qui vous fait du bien. J'assume de dire, en tant que rédactrice en chef, que je créé un média qui n'existe pas ; un média dont j'ai besoin. Un média positif, optimiste, qui éveille une curiosité, qui vous fait découvrir des choses, des infos que vous ne trouvez pas ailleurs, qui vous donne de la force, qui vous met en lien avec d'autres personnes que vous n'auriez jamais rencontrées sans cette communauté. En fait, j'ai envie de transmettre que rien n'est impossible ». L'histoire nous le dira !

Valérie Abrial

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