Les bienfaits d'un conseiller extérieur

Lauréat i-Lab en 2018, Tom Shepherd a bénéficié des conseils de Franck Mouthon, PDG de Theranexus. Aujourd'hui, le co-fondateur de Neurophoenix épaule à son tour un grand prix 2019, Pierre Rocheteau, et son projet, Mapoli.
Pierre Rocheteau, porteur du projet MAPOLI.
Pierre Rocheteau, porteur du projet MAPOLI. (Crédits : DR)

« Je me suis proposé », dit simplement Tom Shepherd. Cet Ecossais, qui a lancé la med-tech Neurophoenix pour enrayer la progression des maladies dégénératives du cerveau ou de l'œil, lui-même grand prix l'année précédente, a voulu rendre cette année ce que son mentor, Franck Mouthon, PDG de Theranexus, lui avait apporté. En effet, il est proposé aux grands prix du concours d'innovation i-Lab d'être accompagnés par des mentors, qui leur apportent leur expérience et leurs connaissances entrepreneuriales.

Aussi, à l'issue de la remise des grands prix du concours i-Lab 2019, cet été, il a donc offert ses services, par la voie du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, à un nouveau lauréat, Pierre Rocheteau, pour le guider dans son projet de développement d'un médicament à base d'algues en vue de stimuler le système immunitaire chez des patients immunodéprimés, Mapoli - pour Marine polysaccharides for immunostimulation. « J'ai trouvé le mentorat de Franck Mouthon très intéressant, et il se trouve que je connais le sujet des antibiotiques et immunostimulants, pour avoir travaillé sur des nouvelles classes des molécules contre la résistance bactérienne en Californie, il y a quinze ans », explique-t-il. La recherche évolue vite, et Tom Shepherd en est conscient, mais il est persuadé qu'avec Pierre Rocheteau, le mentorat sera heureux et fructueux.

Une relation d'égal à égal

Les deux chercheurs/entrepreneurs ont déjà établi un calendrier de déjeuners et de rencontres, souvent par téléphone - et Pierre Rocheteau ne rate pas un appel ! - pour discuter à bâtons rompus non seulement recherche, mais aussi « astuces pratiques », comme dit Tom Shepherd. Des astuces sur le développement d'autres produits, l'approche commerciale à adopter et la gestion d'une jeune pousse en général. Le co-fondateur de Neurophoenix est confiant.

« L'approche de Pierre est vraiment nouvelle », dit-il. En outre, il voit son rôle de mentor auprès de Pierre Rocheteau comme une fonction d'égal à égal. « Dans le mentorat classique, le parrain est souvent un membre de l'équipe dirigeante de l'entreprise, ce qui peut créer une certaine forme de hiérarchie, moins porteuse que le système de conseiller extérieur adopté par le concours i-Lab », dit-il. A preuve, ajoute-t-il, « Franck Mouton n'était pas un patron - comme on dit chez les scientifiques - mais un vrai conseiller ».

La résilience avant tout

« Lorsqu'on lance une start-up, on nous dit toujours qu'il faut savoir s'entourer, constituer une équipe, bien choisir ses associés. C'est vrai, déclare de son côté Pierre Rocheteau, mais il ne faut pas oublier que le créateur est celui qui porte le projet ». Autrement dit, sa résilience est clé. « Et c'est là qu'un mentor est réellement utile. J'ai vraiment besoin qu'on m'épaule, poursuit Pierre Rocheteau. Et le fait que le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation choisisse des mentors hors de notre réseau d'origine est une vraie valeur ajoutée ». A l'occasion des deux premières heures de discussions avec Tom Shepherd, « j'ai déjà appris énormément. Son expérience et son parcours d'entrepreneur sont vraiment précieux. Après tout, si j'ai lancé une start-up, c'est pour que ça marche ! », s'exclame-t-il.

Biologiste, avec une thèse de doctorat de l'Institut Pasteur, le chercheur a de toute façon la « bosse du business », comme il le dit. Pour suivre sa passion, il a décroché un MBA. « Ce qui me motive, explique-t-il, c'est de faire sortir du labo ce qu'on découvre, afin d'avoir un réel impact sur le monde, sur mes concitoyens ». D'ailleurs, dès son post-doctorat, un premier projet avait déjà « débordé sur la création d'une start-up », se souvient-il.

Cela fait plus de 25 ans maintenant que le groupe industriel Olmix, dirigé par Mr Hervé Balusson, travaille à la R&D et la commercialisation de produits à base d'algues en Bretagne, notamment pour lutter contre l'antibiorésistance dans les élevages. La molécule responsable de cette propriété a été découverte conjointement par le groupe Olmix, l'Inserm et le CHU de Nantes, débouchant sur la création de la start-up Amadeite Pharmaceuticals en 2019, basée en Bretagne et à Paris. Son projet Mapoli vise à créer un nouveau médicament basé sur un extrait d'algues aux propriétés précliniques de stimulation du système immunitaire, permettant d'éviter les maladies nosocomiales comme la pneumonie, de diminuer l'utilisation d'antibiotiques et de réduire la durée moyenne de séjour à l'hôpital.

Des enjeux planétaires

« Alors que les médicaments viennent, pour au moins la moitié, de la mer, à peine 2 % des molécules marines sont connues. Or leur potentiel, pour la santé, est immense », souligne Pierre Rocheteau. « Le projet prend deux enjeux en compte, résume Tom Shepherd : l'apport de la nature et la santé publique ». Question santé publique, c'est Pierre Rocheteau qui enchaîne : « En raison de la résistance aux antibiotiques, quelque 700 000 personnes meurent chaque année dans le monde. Et en 2050, les estimations de décès s'élèvent à 10 millions ». Les applications, pour les patients atteints de cancer et traités par chimiothérapie, de même que ceux qui sont infectés par le VIH, sont très nombreuses. D'autant que des patients au système immunitaire déprimé par la maladie ou un accident sont évidemment plus sensibles aux risques de maladies nosocomiales dans les hôpitaux.

Les fonds fournis par le concours i-Lab vont permettre de lancer les premières expériences. « C'est un amorçage, qui, en nous offrant une belle crédibilité, ouvrira la voie à une levée de fonds », se félicite Pierre Rocheteau. Le mise sur le marché du produit développé par Mapoli ne se fera sans doute que dans six ans, estime-t-il. D'abord en Europe, puis aux Etats-Unis et ensuite dans le reste du monde. Puisque les besoins, selon les estimations, sont immenses. Le potentiel de Mapoli l'est aussi...

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