Le pionnier de l’écorecyclage Itancia veut verdir les entreprises avec le reconditionné

Dix ans après avoir monté un premier atelier de « rebillage » dans la région de Grenoble, le groupe angevin Itancia investit dans une seconde unité en Anjou pour redonner vie aux cartes électroniques obsolètes ou défectueuses et offrir une alternative à la pénurie de composants. Pionnier du reconditionnement de matériel de communication sur le marché du BtoB, l’ETI angevine s’efforce de prouver, depuis le début des années 1990, que business et écologie ne sont pas incompatibles.
En 2021, Itancia a donné une seconde vie à 416.000 produits. Les activités de reconditionnement et de réparation ont permis d’économiser 14.200 tonnes de C02, comparativement à la fabrication du matériel neuf.
En 2021, Itancia a donné une seconde vie à 416.000 produits. Les activités de reconditionnement et de réparation ont permis d’économiser 14.200 tonnes de C02, comparativement à la fabrication du matériel neuf. (Crédits : Itancia)

Aléatoire jusqu'à la crise du composant, l'activité de « rebillage », consistant à remplacer des composants sur des cartes électroniques, connaît un regain d'intérêt auprès des industriels. Au point que le groupe Itancia qui avait investi dans cette activité il y a dix ans à Grenoble, s'apprête à monter une unité similaire à Valanjou, dans le Maine-et-Loire, sur l'un de ses sites de production. Un investissement de 500.000 euros qui pourrait générer jusqu'à 4 à 5 millions d'euros de chiffre d'affaires par an.

« Nous sommes deux ou trois acteurs en France à pourvoir répondre à cette demande. C'est un métier complexe qui impose d'avoir des machines spéciales, coûteuses, et un personnel technique spécifique, mais un métier qui devient opportun avec la crise du composant. C'est une niche, mais c'est dans l'air du temps », indique Yann Pineau, fondateur du groupe Itancia engagé dans l'écoresponsabilité depuis sa création, il y a trente ans.

Le neuf, le reconditionné et la réparation

« Depuis six à sept ans, la RSE fait partie des stratégies d'entreprise, mais, à l'époque, nous étions vraiment pionniers », se souvient le biologiste de formation, passionné de nature, diplômé en commerce, et CEO d'Itancia.

Yann Pineau est venu au reconditionnement un peu par hasard, en désossant les gros systèmes d'IBM, d'Alcatel ou de Cisco qui, dans les années 1990, avaient besoin de pérenniser leur matériel.

De fil en aiguille, l'entreprise, spécialisée dans les télécommunications, glisse vers la réparation, étend ses activités en reprenant des intégrateurs sur le marché français, et, sollicitée par les fabricants attirés par ce réseau, devient distributeur.

De là, est né Itancia, un groupe de 550 personnes, appuyé sur trois activités : Itancia Again, activité historique de reconditionnement pour prolonger la vie des produits et accompagner les entreprises vers la réduction de leur impact environnemental ; Itancia Factory, pour la réparation ; et Itancia Technology, pour la distribution de solutions de télécommunication écoresponsables.

Un triptyque qui a permis au groupe de trouver son équilibre sur un marché de la seconde main, très concurrencé, où opèrent Sofigroup, Econocom, AfB France...

« Depuis toujours, j'ai tenu à allier écologie et business. Car le but d'une entreprise, c'est avant tout d'être rentable», souligne Yann Pineau, qui, dès 1991, déposait le nom « écorecyclé ».

Étendre le modèle à l'international

Aujourd'hui, Itancia est devenu un groupe profitable, affichant un chiffre d'affaires de 220 millions d'euros en 2022 (160 millions d'euros réalisés par Itancia Technology, 40 millions d'euros par Itancia Again, et 20 millions par Itancia Factory), une croissance de 10% à 15% par an et un résultat net d'exploitation de 12 millions d'euros.

Devenu leader sur le marché du BtoB en France, l'entreprise a dupliqué son modèle en créant six filiales à l'international depuis une douzaine d'années. En Italie, d'abord, où elle a déployé ses trois activités, créé un entrepôt logistique de 4.000 m² à Milan il y a deux ans, et où elle réalise 25 millions de chiffres d'affaires. Ont suivi, l'Espagne, le Portugal, la Belgique et le Maroc pour rayonner sur l'Afrique du Nord, à travers les deux seules activités d'Itancia Again et Factory.

« Notre objectif est de consolider nos marchés en Europe du Sud et en Afrique pour devenir leader ou numéro deux dans chacune de nos activités », indique Yann Pineau, qui, faute d'avoir trouvé un écho favorable, a préféré fermer ses filiales en Allemagne, aux États-Unis, en Côte d'Ivoire et au Sénégal, et relocaliser l'activité de ces deux dernières sur la plateforme marocaine, et se caler sur les réseaux des constructeurs.

Un temps venu sur le marché du smartphone reconditionné grand public, l'entreprise va également abandonner cette activité jugée non rentable, comme en témoigne le placement en redressement judiciaire de la société Oxygen Phone (ex-Remade), des nombreux rachats d'entreprises spécialisées du secteur, ou du cours de Bourse de Largo, introduit à 13,35 euros et, aujourd'hui, tombé à 2,34 euros.

« C'est un marché aux marges extrêmement faibles qui repose à 90% sur des achats à l'étranger où il n' y a pas de place pour un acteur qui gagne de l'argent », estime Yann Pineau, qui a préféré jeter l'éponge pour se concentrer sur son cœur de métier.

Itancia reconditionné

Un certificat d'économie carbone

Itancia se recentre sur la distribution aux entreprises où le reconditionné et le recyclé sont devenus « tendance » et encadrés par la législation.

Avec l'entrée en vigueur en mars 2021 de la Loi Agec, administrations et grands groupes sont désormais contraints d'inclure 20% de produits reconditionnés dans leurs appels d'offres.

« Il y a un vrai appel d'air sur les PC, les smartphones, les produits pro, les logiciels, les solutions de cybersécurité... et ce sont des marchés généralement conclus pour cinq ans, qui se comptent en millions d'euros... C'est un moyen pour les entreprises de répondre à leur RSE et de limiter leur impact carbone », indique le fournisseur de la centrale d'achats UGAP (Union des groupements d'achats publics).

Certifié par l'Ademe, le groupe angevin est un des rares, aujourd'hui, à être capable de fournir l'économie carbone réalisée pour l'achat d'un matériel reconditionné, à travers son indicateur CO2-Saving. Certificat à l'appui, même pour un simple PC.

« Et c'est devenu un vrai argument de vente !», assure le Pdg d'Itancia.

Un site de e-commerce en BtoB cet été

Engagé dans un process de digitalisation et d'automatisation à 100%, le groupe Itancia, qui vient d'investir 4 millions d'euros dans un nouvel ERP, lancera l'été prochain un site de e-commerce en BtoB.

Celui-ci permettra de commander directement en ligne l'ensemble des produits neufs et reconditionnés de son catalogue. Itancia ambitionne de réaliser un chiffre d'affaires de 350 millions d'euros à l'horizon 2025.

« Mais ce dont je suis le plus fier, c'est la façon dont on le fait », souligne le CEO d'Itancia, engagé de front, depuis trois décennies, dans une profonde politique de développement durable construite, elle aussi, autour de trois piliers environnementaux, sociaux et économiques.

Certifiée ISO 9001, 14001, 45001, 26000, 50001, Qualiopi pour la qualité des process de son centre de formation, et prétendant à la norme ISO 27000 pour son système informatique, l'entreprise a, dès 2009, fait réaliser son bilan carbone pour mesurer ses progrès en matière de réduction de son impact environnemental.

Itancia photovoltaïque

Plus de 11.000 allers-retours Paris-New York en avion économisés

À périmètre Iso constant, en remplaçant son éclairage par des LED et en changeant son mode de chauffage, l'entreprise a diminué de 69% ses consommations énergétiques depuis 2007. Plus de 80% des emballages sont recyclés et recyclables à 95%.

Visé pour 2025, le « zéro plastique » dans les emballages devrait encore permettre d'économiser 26 tonnes de CO2.

« On consacre en moyenne 1 million d'euros à la transition écologique par an et 300.000 à 500.000 euros au fonds de dotation que nous avons créé en 2011 pour soutenir une douzaine de projets environnementaux, choisis avec la LPO », dit-il, relativement épargné par le choc de la crise de l'énergie grâce aux panneaux photovoltaïques et aux deux ombrières (4.700 m²) déployés, depuis plusieurs années dans le Maine-et-Loire et à la flotte de cinquante véhicules électriques mise en place pour les commerciaux.

« Nous en sommes à la deuxième génération de Tesla. Ce sont des investissements lourds, amortissables sur huit à dix ans. Le passage à l'électrique est plus complexe pour le travail des commerciaux, mais on essaie de montrer l'exemple De ne pas être le "gougnafier" de la planète. Et de la laisser habitable pour nos enfants », conclut-il.

En 2021, les solutions de reconditionnement déployées par Itancia ont permis d'économiser 11.240 tonnes de CO2, soit 11.240 aller-retours Paris-New York en avion.

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