Et si l'Inde utilisait des drones comme moyen de lutte contre les viols ?

Les drones pourraient permettre la mise en place d'un réseau d'urgence grâce aux touristes, selon un membre du Forum économique mondial. De là à offrir un moyen de lutte efficace contre la hausse considérable du nombre de viols rapportés chaque année dans le pays ?
Laszlo Perelstein
Des femmes de l'All India Democratic Women's Association (AIDWA) manifestent après le meurtre de deux jeunes filles à New Delhi en mai 2014.
Des femmes de l'All India Democratic Women's Association (AIDWA) manifestent après le meurtre de deux jeunes filles à New Delhi en mai 2014. (Crédits : REUTERS/Adnan Abidi.)

Longtemps l'apanage des forces militaires, les drones ont vu leurs usages se multiplier au cours des dernières années. Dangereux pour l'aviation civile qui les qualifie de "menace réelle et croissante", ces aéronefs miniatures conduits à distance offrent des perspectives intéressantes pour l'e-commerce, le secours aux personnes victimes d'accidents, notamment cardiaques, mais aussi logiquement pour la sécurisation des lieux. Les drones pourraient ainsi protéger les femmes en Inde contre les viols, estime Vijay Rajun, membre du Forum économique mondial (World Economic Forum ou WEF) dans une tribune publiée sur le site du WEF.

Selon lui, il est possible de créer un écosystème entier basé sur les drones pliables et transportables, comme Nixie qui se fixe au poignet. Chaque porteur serait ainsi relié via son smartphone à un réseau,  permettant de joindre un centre d'appels multilingue. Ce dernier offrirait un sentiment de sécurité virtuelle et répartirait les demandes, se chargeant d'alerter les secours, prévenir les forces de police ou servir de guide touristique.

Pour les touristes, le coût de cette infrastructure serait de 100 dollars par personne, prévoit Vijay Rajun, estimant qu'il ne serait nécessaire de proposer le service qu'à 5% des plus de 8 millions de personnes qui visitent l'Inde pour financer les 40 millions de dollars que coûteraient un tel projet. Pour les femmes et enfants indiens, ainsi que les touristes domestiques, le coût de l'infrastructure serait assumée par un éventuel partenariat public-privé.

Beaucoup de viols mais peu de policiers

En faisant abstraction des difficultés techniques et légales, la mise en place d'un tel dispositif offrirait à l'Inde un remède -temporaire du moins- à son manque important de forces policières. Le pays aux plus de 1,33 milliard d'habitants ne dispose en effet que de 123 policiers pour 100.000 habitants selon les chiffres officiels. À titre de comparaison, la France compte près de trois fois plus d'effectifs, avec environ 356 policiers pour 100.000 habitants.

Ce sous-effectif ne permet pas de prévenir les crimes, ni de mener correctement des enquêtes. Après des cas de viols en bande qui ont fait les gros titres des journaux du monde entier, l'Inde est considérée désormais comme le "pays du viol" par les médias occidentaux, comme l'écrivait l'an passé Les Inrocks. Le nombre de viols y a plus que doublé entre 2003 et 2015 avec 34.600 cas reportés l'an passé, selon le "National crime records bureau" (l'agence gouvernementale indienne responsable des statistiques judiciaires). Les grandes villes ne font malheureusement pas figure d'exception : près de six viols par jour ont ainsi été reportés à New Delhi en 2015, un triste record depuis la création du registre en 2001. Aussi terrifiants que sont ces chiffres, ils ne prennent en compte que les crimes qui ont été signalés, la vaste majorité des viols échappant ainsi à l'œil de la justice.

Un problème sociétal

L'une des explications de cet important nombre de viols vient du ratio homme/femmes en Inde, biaisé par des années de pratiques d'avortement sur des femmes enceintes d'une petite fille ou de bébés tués parce que nées d'un sexe considéré comme "faible", comme le soulignait le Daily Beast dans un long article consacré au sujet. Dans ce pays où les personnes de sexe masculin sont nettement mieux traitées que celles de sexe féminin, on dénombre en moyenne 943 femmes pour 1.000 hommes (recensement 2011). Le problème est encore pire pour les dernières générations : le ration est de 919 nouvelles-nées pour 1.000 nouveaux-nés, contre 927 pour 1.000 en 2001. Dans certains États, il descend jusqu'à 834 pour 1.000.

À cela, s'ajoute également la façon misérable dont sont considérées les femmes dans les écritures religieuses indiennes, explique le Daily Beast. Dans un reportage diffusé l'an passé, Arte racontait ainsi à travers le regard de quatre femmes la dure réalité d'un pays à la mentalité qui malheureusement évolue peu. Il faudra plus que des drones pour y remédier.

Laszlo Perelstein

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