Début 2023, OpenAI ambitionnait de gagner un milliard de dollars sur l'année. La startup, qui n'avait jamais dégagé de revenus significatifs, souhaitait alors capitaliser sur le succès de ChatGPT. Un an plus tard, son pari s'avère réussi. D'après le très sérieux The Information, la coqueluche de l'intelligence artificielle a conclu son exercice avec un chiffre d'affaires annualisé excédant 1,6 milliard de dollars. Autrement dit, elle a dégagé plus de 130 millions de dollars de chiffre d'affaires par mois sur la fin de l'année, et projette de gagner au moins autant sur les douze prochains mois à venir.
En parallèle, sa valorisation a presque triplé depuis le dernier investissement de Microsoft en janvier 2023, et dépasse d'ores et déjà les 80 milliards de dollars. Ce nombre pourrait même franchir la barre des 100 milliards dans les prochains mois, à la faveur d'une nouvelle levée de fonds, selon Bloomberg. OpenAI serait ainsi valorisé à plus de 62 fois le montant de son chiffre d'affaires, un multiple exceptionnel, même dans les standards déjà très élevés de la tech. Quant à la rentabilité, elle reste bien lointaine : l'entraînement des intelligences artificielles est extrêmement onéreux, tandis que les services des meilleurs spécialistes s'arrachent à prix d'or.
Résultat, si en 2023, OpenAI a démontré qu'il pouvait générer des revenus significatifs en surfant sur la vague ChatGPT, il devrait démontrer en 2024 sa capacité à créer de nouveaux canaux de financements. Avec à long terme, l'objectif de justifier sa valorisation délirante.
Des canaux de revenus insuffisants
Aujourd'hui, OpenAI tire ses revenus de trois sources :
- Les abonnements à ChatGPT Plus, son offre premium à 20 dollars par mois, destinée au grand public.
- L'accès à ses modèles d'IA, facturé au volume de requêtes, un système plutôt utilisé par les entreprises.
- L'accès à ses modèles d'IA dans Azure, l'environnement cloud de Microsoft. Dans ce dernier cas, le géant de la tech reverse une partie de son chiffre d'affaires à OpenAI.
« Le modèle économique actuel d'OpenAI ne lui suffira pas à être rentable dans les cinq prochaines années », tranche Xiadong Bao, co-gérant du fonds Edmond de Rothschild Big Data, interrogé par La Tribune.
« En revanche, il ne faut pas sous-estimer sa capacité à innover et à créer de nouveaux produits », complète-t-il.
OpenAI s'est déjà engagé dans cette voie, à l'image de ses nouveautés présentées en septembre, lors de sa première journée des développeurs. La startup a déjà encaissé le coût de développement de son modèle GPT-4, dont elle peut désormais se servir de base pour créer de nouveaux outils qui, à l'instar de ChatGPT, permettraient de générer des revenus récurrents. On parle, par exemple, d'IA générative embarquée dans les smartphones et dans les ordinateurs, ce qui laisse la porte ouverte à toutes sortes de nouveaux outils.
Sam Altman, le cofondateur et dirigeant historique de l'entreprise, porte cette vision et le feuilleton autour de sa place dans l'entreprise au mois de novembre l'a finalement conforté dans son siège. Le tout, approuvé par Microsoft, son principal actionnaire et partenaire. « Suite à cet épisode, il est clair que OpenAI est une entreprise à but lucratif, qui va chercher la rentabilité, et donc des nouveaux canaux de monétisation », affirme Xiadong Bao. Quant aux canaux de revenus déjà en place, ils devraient rapporter bien plus dès cette année. « Le taux de pénétration des outils d'intelligence artificielle générative reste très faible », rappelle l'analyste.
OpenAI plus que jamais dépendant de Microsoft
Si le soutien financier de Microsoft a joué un rôle essentiel dans l'émergence d'OpenAI comme leader de l'intelligence artificielle générative, il génère aussi une dépendance au géant de la tech. Ce dernier dispose de l'exclusivité de la vente indirecte des modèles d'OpenAI, et vampirise une partie des clients qui pourraient aller en direct chez OpenAI (avec de plus hauts revenus à la clé). Le géant de la tech s'appuie aussi sur la technologie de son partenaire pour développer ses propres assistants d'IA, les Copilot, directement intégrés à ses logiciels comme PowerPoint et Excel. Il espère ainsi tirer 10 milliards de dollars de chiffre d'affaires supplémentaire dès cette année. Autrement dit, le succès d'OpenAI est étroitement lié à celui de Microsoft.
Cette dépendance à Microsoft va encore se renforcer dans les mois à venir. De fait, l'entreprise va siéger au nouveau conseil d'administration d'OpenAI, dont la composition complète reste à définir. Pire, elle pourrait encore s'accentuer. Courant 2023, Sam Altman expliquait que OpenAI aurait besoin de plus de 100 milliards de dollars de fonds [il en a levé une douzaine à ce jour, ndlr] pour atteindre son objectif de créer une intelligence artificielle dite « générale » - plus connue sous l'acronyme anglais AGI -, capable de raisonner comme un cerveau humain. Une somme qui ne pourra pas être atteinte sans que le géant de la tech ne remette la main à la poche. Mais avant cette étape lointaine, OpenAI devra faire ses preuves dans la deuxième année de commercialisation de ses produits.
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