Intelligence artificielle : Anthropic, Google, Mistral... qui pour détrôner OpenAI en 2024 ?

Grâce au départ canon de ChatGPT, OpenAI s'est imposé comme le leader de la révolution de l'intelligence artificielle générative. Mais la concurrence a en partie rattrapé son retard et montre les crocs. Anthropic, Google, le Français Mistral AI et une poignée d'autres challengers sont bien décidés à jouer pour la première place dans le déploiement de l'IA générative auprès des entreprises. La course promet d'être mouvementée en 2024. Revue de détail des chances de chacun.
François Manens
OpenAI n'est plus le seul nom qui résonne dans le monde de l'intelligence artificielle générative.
OpenAI n'est plus le seul nom qui résonne dans le monde de l'intelligence artificielle générative. (Crédits : DADO RUVIC)

En lançant son logiciel ChatGPT il y a plus d'un an, OpenAI a déclenché un engouement sans précédent pour l'intelligence artificielle. Le succès fulgurant de l'outil lui a donné une longueur d'avance sur une concurrence prise de vitesse, et fait exploser sa valorisation au-delà des 80 milliards de dollars. Première arrivée sur le marché grâce à ses liens privilégiés avec Microsoft et son cloud Azure, la startup a présenté en mars le modèle d'IA depuis considéré comme le plus puissant du marché, GPT-4. Résultat : les entreprises se sont ruées sur ses offres pour explorer les nouveaux usages de l'IA générative, et la grande majorité des premières fonctionnalités déployées à ce jour s'appuient sur les technologies d'OpenAI.

Mais OpenAI n'a pas tué le match, loin de là. La concurrence, composée d'une poignée d'entreprises, n'a pas chômé en 2023 et commence à combler son retard. Dans les starting blocks se trouve évidemment Google, grâce à son prestigieux laboratoire de recherche Google Deepmind. Mais aussi une poignée de startups extrêmement bien financées, qui ont levé en 2023 au moins un demi-milliard de dollars chacune. Parmi elles, Anthropic (soutenue par Amazon et Google), Cohere et Inflection AI font la course aux Etats-Unis, tandis que Mistral AI (France) et Aleph Alpha (Allemagne) tentent de percer en Europe.

Si 2023 était l'année de l'exploration de la technologie, 2024 pourrait être l'année de la course à la performance. Avec un problème de fond : aucune métrique et aucun benchmark [test standardisé, ndlr] ne suffit à attester, à ce jour, de la supériorité d'un modèle d'IA sur un autre.

Anthropic, la nemesis d'OpenAI soutenue par Amazon et Google

Difficile d'évoquer la concurrence d'OpenAI sans parler d'Anthropic, qui a tout du parfait rival. Ses fondateurs, les frère et sœur Dario et Daniela Amodei, sont d'anciens de la maison : ils faisaient partie d'une poignée de chercheurs opposés à la direction prise par OpenAI suite au premier investissement d'un milliard de dollars de Microsoft, en 2019. Anthropic était donc une réponse directe à OpenAI avec des ambitions similaires, mais avec un accent plus fort sur les précautions de sécurité dans le développement.

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Grâce au pedigree de ses dirigeants, l'entreprise a récolté 1,5 milliard de dollars d'investissements entre 2021 et 2023. Puis en septembre, tout s'est accéléré. Anthropic a reçu coup sur coup plus de six milliards de dollars de promesses de financement de la part d'Amazon (quatre milliards de dollars) puis Google (deux milliards de dollars). C'est, de très loin, le plus gros total derrière l'investissement de Microsoft dans OpenAI réalisé au début de l'année, estimé à dix milliards de dollars. Autrement dit, Anthropic est devenu le seul spécialiste de l'IA qui rivalise avec OpenAI dans la course aux moyens financiers.

Derrière ces investissements se cache un autre enjeu : Microsoft Azure, le numéro deux du marché du cloud, a frappé fort avec l'exclusivité des modèles d'OpenAI sur sa plateforme. Les numéros un (Amazon Web Services) et trois (Google Cloud) avaient eux aussi besoin d'une vitrine pour leur stratégie dans l'IA, et ils ont choisi Anthropic. En juillet, la startup a lancé Claude 2, la deuxième version de son concurrent de ChatGPT, et le seul modèle qu'elle commercialise. Mais elle a déjà annoncé qu'elle travaillait au développement de son successeur, sous le nom Claude-Next.

Google, le champion déchu à la recherche de son trône

Début décembre, après des mois de rumeurs et de spéculations, Google a enfin sorti Gemini, un modèle attendu comme le nouveau standard du secteur, capable de surpasser GPT-4 et faire passer un nouveau palier à l'IA générative. Mais le lancement ne s'est pas déroulé aussi bien que prévu. Certes, Gemini dispose de la même capacité à lire des images que le modèle d'OpenAI. Mais sa domination sur ce dernier n'est pas si évidente. Il faudra attendre les premiers cas d'usages : le modèle est disponible avec ses déclinaisons sur le cloud de Google depuis la mi-décembre.

Ensuite, il s'est avéré que l'impressionnante vidéo de démonstration de Gemini était inexacte. Plus exactement, elle n'était pas en temps réel, ce qui signifie que Google laisse apparaître une fluidité d'exécution qui ne correspond pas à la réalité. Cet épisode fait une fois de plus écho aux difficultés du géant de la tech dans sa bataille contre le duo OpenAI-Microsoft. Bien qu'il soit le seul à suivre le rythme de publication des modèles et des fonctionnalités de son concurrent, il semble à chaque fois subir la comparaison. Les débuts compliqués de Bard, son équivalent de ChatGPT, en sont un autre bon exemple.

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Mais Google est loin d'être dépassé. Référence sur l'intelligence artificielle depuis les années 2010, l'entreprise dispose avec Google DeepMind d'un des plus gros laboratoires d'IA au monde, issu de la fusion en avril de ses deux divisions de recherche de pointe. C'est d'ailleurs de Google que provient la découverte des « transformers », les architectures d'algorithmes qui ont permis l'émergence de l'IA générative. Le géant de la tech à les ressources humaines, les capacités de calcul et les moyens financiers de reprendre son trône. Dès 2024 ?

Mistral AI, le français aux grandes ambitions

Et si le pari des Français de Mistral AI fonctionnait ? Lancée en mai par trois des meilleurs chercheurs mondiaux, issus de Meta et de Google, avec 105 millions d'euros de financement, la startup tricolore affiche des ambitions mondiales. Et elle avance vite. Trois mois plus tard, elle a lancé son premier modèle Mistral-7b, puis un second, baptisé « Mixtral », début décembre. Ce dernier s'est accompagné d'une seconde levée de fonds, cette fois de 385 millions d'euros.

Plutôt que de s'atteler dès le départ à la création d'un modèle d'IA de très grande taille comme GPT-4 (OpenAI) ou Llama-2 (Meta), la jeune pousse commence à faire ses preuves sur des petits modèles, avec l'ambition d'en faire de plus en plus gros. Son objectif : montrer qu'elle peut faire mieux avec moins. « Notre but est de faire en sorte que les développeurs puissent s'emparer de la technologie, en faisant des modèles les plus petits et les moins onéreux possibles pour résoudre leurs problèmes », déclarait ainsi son CEO Arthur Mensch lors du forum Artificial Intelligence Marseille, organisé fin novembre par La Tribune.

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Autre particularité : les modèles de Mistral sont accessibles en open source. Autrement dit, leur code est accessible publiquement et les entreprises peuvent s'approprier les outils. En contrepartie, la startup compte s'appuyer sur l'écosystème des développeurs pour améliorer ses outils plus rapidement que ses concurrents.

Reste que ce modèle de distribution appelle également un modèle économique particulier. La startup a déjà noué des partenariats avec Microsoft et Google pour mettre ses modèles à disposition sur leurs clouds. En parallèle, elle n'exclut pas, à moyen de terme, de créer sa propre offre payante, avec des couches logicielles (sécurité, interface, etc...) autour de son modèle. Moins avancée que Anthropic, Google et OpenAI, la pépite française grignote son retard à pas de géant.

Au point d'être au niveau de ses concurrents dès 2024 ? Arthur Mensch affirmait à La Tribune dès septembre disposer des moyens techniques pour construire des modèles aussi puissants que GPT-3.5, l'avant dernière version du modèle phare d'OpenAI.

Meta, le beau rôle dans la course à l'intelligence artificielle

Meta était aux côtés de Google l'autre géant de l'intelligence artificielle, grâce à ses laboratoires de recherche baptisés Fair. Mais plutôt que de s'engager dans la course à l'armement contre OpenAI, la maison-mère de Facebook a fait le choix de publier son modèle phare, Llama-2, en open source, avec une licence très permissive pour les usages commerciaux. Ce modèle très performant et gratuit d'accès a eu l'effet d'une véritable révolution dans le secteur, puisqu'il a mis l'IA générative dans les mains de nombreux développeurs qui n'y avaient pas accès. Parallèlement, Meta se sert de Llama-2 et de ses déclinaisons pour inonder ses réseaux sociaux, à commencer par Instagram, en nouvelles fonctionnalités.

En revanche, elle ne présente, pour l'instant, aucun modèle d'affaires direct pour les intelligences artificielles qu'elle développe. Publiquement, elle n'affiche pas l'ambition de créer les meilleurs modèles, mais plutôt celle d'alimenter l'écosystème naissant de l'IA générative en outils. L'entreprise redore ainsi sa réputation, dégradée par des années de scandales autour de sa gestion des données et par son virage technologique raté vers le métavers.

Sans participer aux premiers rôles de la course à la performance, Meta fait donc office de voiture balai : impossible pour une entreprise de présenter des outils moins performants que les siens, au risque de n'être d'aucune utilité. Avec son rôle à part, nul doute que le géant de la tech restera central dans les discussions autour de l'IA générative en 2024, notamment par la voix très écoutée du français Yann Le Cun, son directeur de l'intelligence artificielle.

OpenAI, turbulent numéro 1

Même si la pression s'accentue, OpenAI garde un temps d'avance sur la concurrence. En novembre, lors de sa première conférence des développeurs, l'entreprise a présenté une flopée d'outils autour de ses modèles d'IA, en plus de révéler GPT-4 Turbo, une nouvelle itération plus puissante de son meilleur modèle, et de confirmer qu'elle travaillait d'ores et déjà sur GPT-5. Mais à peine une semaine plus tard, un véritable feuilleton hollywoodien menait en l'espace de quatre jours à l'exclusion puis au retour en force de son emblématique dirigeant et cofondateur Sam Altman. Ce dernier se retrouve ainsi conforté dans sa vision tournée vers la course à l'innovation, parfois critiquée comme trop précipitée aux dépens de mesures de précaution nécessaires.

Quoiqu'il en soit, le marché de l'IA générative semble éviter la situation de monopole que craignaient les chercheurs. « Il n'y a pas un outil magique qui résout tous les problèmes », expliquait à La Tribune Stephan Hadinger, directeur de la technologie d'AWS France. Un avis repris en écho parmi ses homologues. C'est pourquoi tous les pourvoyeurs de cloud ont opté pour une approche ouverte : libre au client de se servir parmi différents modèles d'IA présents sur leur plateforme. Même Microsoft ne se limite plus à l'offre d'OpenAI, et propose d'autres modèles, comme ceux de Mistral AI. Autrement dit : que le meilleur gagne.

François Manens

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Commentaires 2
à écrit le 23/12/2023 à 10:02
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C'est étonnant la publicité que l'on fait autour de l'Intelligence Artificielle comme si l'on était à ce point stupide pour "l'acheter" ! ;-)

à écrit le 23/12/2023 à 8:28
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Et surtout dans quelle mesure internet est déjà infecté ? Et la vitesse de propagation du truc. Parce que leur deep learning c'est comme un iceberg il y a la face visible et celle immergée bien plus importante. Les services de renseignements du monde...

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