La relance économique passera par le numérique. C'est le message martelé par le gouvernement ce jeudi lors de la présentation du plan de relance de 100 milliards d'euros. Quatre fois plus importante que celle du plan de relance de 2008, cette enveloppe prévoit au minimum 7,1 milliards d'euros directement engagés pour le numérique. Ce montant est en réalité certainement minoré, selon Cédric O, secrétaire d'Etat en charge de la Transition numérique et des Communications électroniques, car il ne prend pas en compte l'ensemble des déclinaisons numériques des mesures sectorielles. "Il y a probablement des centaines de millions d'euros en plus de projets numériques, notamment dans la baisse des impôts de production ou encore les mesures pour la formation, la culture ou l'éducation, que nous n'avons pas encore identifiés", ajoute-t-il.
Ce plan de 7,1 milliards d'euros s'ajoute aux premières aides en faveur des startups, d'un montant de 5,2 milliards d'euros, annoncées en mars et en juin dernier. Preuve que, "après l'environnement, le numérique est un des piliers essentiels du plan de relance", affirme Cédric O. La somme annoncée ce jeudi ne prend également pas en compte le "plan Tibi" annoncé il y a un an, c'est-à-dire le déblocage de 6 milliards d'euros sur trois ans, de la part des bancassureurs, pour financer l'innovation.
3,7 milliards d'euros pour les startups et les technologies de rupture
Ces 7,1 milliards d'euros seront investis dans trois axes majeurs. Premier volet : le financement des startups, pour un montant de 3,7 milliards d'euros sur deux ans. L'objectif est de "favoriser l'émergence et la réussite de la nouvelle génération post-crise de startups", mais aussi "accélérer la croissance des startups pour faire émerger des leaders mondiaux", selon Bercy.
Dans le détail, 500 millions d'euros sur deux ans -pour un total de 2,5 milliards d'euros sur cinq ans- seront dédiés au financement des startups, pour lequel un "trou dans la raquette" persiste encore dans l'Hexagone, en comparaison aux voisins européens allemand et britannique. "Bpifrance va renforcer son investissement en fonds de fonds et se mettre en position de financer des tours de table de plus de 100 millions d'euros", précise Cédric O. Le gouvernement espère que cette nouvelle irrigation d'argent public sur la French Tech pour renforcer les fonds privés existants, contribuera aussi à convaincre les investisseurs étrangers de s'implanter dans l'Hexagone.
Car le but final reste le même : faire grandir l'écosystème pour faire émerger des licornes, ces fameuses startups non cotées en Bourse et valorisées plus d'un milliard de dollars, dans l'espoir d'en faire des mastodontes générateurs d'emplois et d'investissements sur l'ensemble du territoire.
"La France a comptabilisé sa neuvième licorne (ndlr : l'éditeur de jeux vidéo Voodoo) il y a trois semaines. Nous maintenons l'objectif du gouvernement d'en dénombrer 25 d'ici 2025, dans l'espoir de faire émerger ensuite des entreprises valorisées 10, 20, 30 milliards d'euros", avance le secrétaire d'Etat.
L'autre annonce majeure concernant la French Tech est l'investissement de 2,4 milliards d'euros pour développer des technologies de rupture, comme le quantique, la cybersécurité, l'intelligence artificielle, le cloud ou encore la e-santé. Des plans sectoriels, en particulier pour la cybersécurité et le quantique, seront annoncés d'ici la fin de l'année, sur le modèle de la stratégie française sur l'intelligence artificielle, dévoilé en 2018. Ces plans sectoriels viseront à développer une nouvelle filière autour de la technologie de rupture, afin de faire de la France un "acteur de la compétition mondiale". A titre de comparaison, les Etats-Unis ont annoncé la semaine dernière investir 1 milliard de dollars (environ 840 millions d'euros) rien que pour le quantique.
2,3 milliards d'euros pour la transition numérique
Deuxième volet : la transformation numérique se voit attribuer 2,3 milliards d'euros. Dans le détail, 1,5 milliard d'euros seront consacrés à la transition numérique de l'Etat. Ce plan devrait notamment financer la mise en place d'une identité numérique sécurisée pour tous, puisque les mesures sanitaires en vigueur depuis mars ont là aussi montré la nécessité de pouvoir réaliser des démarches administratives et confidentielles à distance.
Enfin, 385 millions d'euros vont être dédiés à la transition numérique des TPE, PME et ETI. Selon Cédric O, "la France est en retard par rapport à ses voisins européens. Le taux de numérisation des TPE et PME atteint seulement la moitié de celui de l'Italie". C'est pourquoi le gouvernement souhaite pousser le maximum d'entreprises dans chaque secteur à lancer leur transformation numérique, en misant sur un effet domino. "Les entreprises se transformeront quand elles verront une opportunité ou quand le voisin le fera", estime le ministre.
Dernier volet : l'accessibilité au numérique bénéficie d'une enveloppe de 800 millions d'euros, dont 500 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Il comprend 240 millions d'euros alloués à la généralisation de la fibre d'ici à 2025, alors que 550 millions d'euros étaient déjà budgétisés en 2020. Si pendant le confinement Internet a permis à de nombreuses activités d'assurer la poursuite de leurs activités, il a aussi mis en exergue de façon criante la fracture numérique, qui frappe particulièrement les plus précaires et les zones rurales.
"La fibre doit être considérée comme une infrastructure essentielle et l'accès à une bonne connexion internet comme un service universel auquel l'Etat doit garantir l'accès", d'après Bercy.
250 millions d'euros pour lutter contre la fracture numérique
Selon le gouvernement, un Français sur six n'utilise par Internet, et plus d'un sur trois manque de compétence de base. C'est pourquoi 250 millions d'euros vont être investis dans la lutte contre la fracture numérique et l'illectronisme.
"A ce stade, le dernier investissement annoncé cette année était de 30 millions d'euros, dont 15 de la part de l'Etat. Passer à 250 millions d'euros, c'est un saut quantique", estime Cédric O, alors que "si la transition numérique est facteur de simplicité et d'ouverture au monde, elle renforce aussi les fractures existantes".
Cette enveloppe vise donc à proposer des ateliers numériques aux Français pilotés par des médiateurs (sur le modèle d'Aidants Connect) et la création de lieux de formation "ouverts à tous".
Dans un contexte de crise économique généralisée et de hausse du chômage, le gouvernement dit vouloir favoriser l'emploi des jeunes. C'est pourquoi 300 millions d'euros seront dédiés à la formation aux métiers du numérique, considérés comme non-délocalisables et à valeur ajoutée.
"L'emploi devient à nouveau la première préoccupation des Français et la priorité du gouvernement pour les mois à venir. La création de nouveaux emplois, notamment assurée par le vivier de startups, est primordiale pour l'insertion des jeunes", sur le marché du travail, affirmait en juin Bruno Le Maire.
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