Reconnaissance faciale : le jeu astucieux des Gafa

VU DE LA SILICON VALLEY. Si la technologie de reconnaissance faciale est encore émergente, certains géants du Net, tels qu'Amazon et Microsoft, plaident déjà pour un encadrement afin de prévenir certaines dérives, notamment sur les libertés individuelles des citoyens. Il s'agit bien entendu de rassurer la population, mais paradoxalement, il y a aussi un intérêt économique pour les Gafa à la mise en place de régulations.
(Crédits : Reuters)

S'il est une technologie qui évoque immédiatement les pires fictions dystopiques, c'est sans doute la reconnaissance faciale. S'appuyant sur l'intelligence artificielle pour identifier automatiquement des visages sur des photos ou des vidéos, elle est aujourd'hui en plein boom, portée par quelques grandes entreprises américaines des nouvelles technologies, Google, Amazon et Microsoft en tête. Mais elle suscite aussi des inquiétudes croissantes dans l'opinion publique.

En janvier, près de 90 groupes de défense des droits de l'homme ont écrit une lettre ouverte à Amazon, Microsoft et Google pour leur demander de cesser la vente de cette technologie au gouvernement américain, dénonçant un risque de surveillance généralisée. La ville de San Francisco, elle, envisage de bannir purement et simplement son usage, ce qui serait une première aux États-Unis.

Des apports positifs et une menace pour les libertés individuelles

Malgré son aspect effrayant, la reconnaissance faciale peut avoir de nombreux apports positifs. La police de New Delhi s'en est servi pour retrouver des enfants disparus, tandis que des médecins américains se sont appuyés sur elle pour diagnostiquer une maladie génétique rare chez certains patients. Des historiens l'ont également employée pour identifier des soldats inconnus sur des photographies datant de la guerre de Sécession. Mais, mise entre les mains des pouvoirs publics, elle représente aussi une terrible menace pour les libertés individuelles.

La Chine a ainsi commencé à l'utiliser pour traquer les délinquants, appliquant des algorithmes de reconnaissance faciale sur ses caméras de surveillance et équipant ses policiers de lunettes connectées assorties de cette technologie, scénario que n'aurait pas renié George Orwell.

Le défi et les enjeux de la régulation

Face aux inquiétudes du public, les Gafa ont dû faire des concessions. En décembre, Google a annoncé mettre en suspens la vente de la technologie dans l'attente d'un cadre législatif susceptible d'éviter qu'elle ne soit employée à mauvais escient. Microsoft et Amazon ont également appelé à mettre en place des lois encadrant son usage. Pour les géants américains du Net, il s'agit bien entendu de rassurer la population, et de plaider en faveur d'un encadrement plutôt que d'une interdiction pure et simple de la reconnaissance faciale. Mais paradoxalement, ils ont aussi un intérêt économique à la mise en place de régulations.

En effet, par leur taille et leur puissance, les Gafa seront toujours sous la surveillance de l'opinion publique, à l'affût du moindre dérapage de leur part. Mais de plus petites entreprises, elles, pourraient passer sous les radars, bénéficiant de davantage de liberté pour tester et déployer leur propre technologie de reconnaissance faciale, risquant ainsi de damer le pion aux Gafa. En se prononçant en faveur de lois régulant étroitement l'usage de cette technologie, ceux-ci s'assurent que cette concurrence « déloyale » ne pourra pas se développer, tout en se posant à peu de frais en garants des libertés individuelles, et démontant ainsi l'image de Big Brother qui leur colle à la peau.

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Commentaires 2
à écrit le 11/04/2019 à 11:11
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microsoft? c'est pas eux qui ont travaille sur la reconnaissance faciale avec une ecole militaire chinoise?

à écrit le 11/04/2019 à 9:52
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"il y a aussi un intérêt économique pour les Gafa à la mise en place de régulations" Ah ok donc quand les GAFA prônent la dé-régularisation ça ne va pas et quand ils prônent la régularisation ça ne va pas non plus. Les GAFA en fait ne seraient il...

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