C'était il y a plus de dix ans. Le 9 janvier 2007, lors d'un grand show à San Francisco, Steve Jobs, alors patron d'Apple, levait le voile sur un téléphone d'un genre nouveau. Doté d'un écran tactile et d'un design novateur, l'appareil compact permet le tout-en-un : passer des coups de fil, prendre des photos, écouter de la musique et naviguer sur la Toile. Ceci était bien une révolution. Ce premier iPhone va assurer les beaux jours de la marque à la pomme, et donner un formidable coup d'accélérateur à un marché en plein boom, celui des smartphones. Ces téléphones « intelligents » dont personne, aujourd'hui, ne peut plus se passer.
Longtemps, le marché a affiché une croissance insolente. Mais la fête est finie. Depuis deux ans, les ventes de smartphones se replient dans le monde. L'an dernier, 1,4 milliard de terminaux ont été écoulés, selon le cabinet spécialisé IDC. Mais ce chiffre, pourtant impressionnant, est en chute de 4,1% par rapport à l'exercice précédent. En outre, la baisse des ventes s'accélère, puisqu'elle n'était que de 0,5 % en 2017. L'heure n'est guère à l'optimisme.
« Globalement, le marché des smartphones est en plein désordre, affirme Ryan Reith, analyste chez IDC. En dehors d'une poignée de marchés en forte croissance, comme l'Inde, l'Indonésie, la Corée ou le Vietnam, nous n'avons pas constaté d'activité positive l'an dernier. »
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Dans les marchés les plus importants comme l'Europe, les États-Unis ou la Chine, les individus sont déjà bien équipés et gardent leur smartphone de plus en plus longtemps. Mais ce n'est pas tout : Ryan Reith évoque aussi l'impact des « incertitudes politiques et économiques » [notamment la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, ndlr], et « la frustration croissante des consommateurs face à la hausse continue des prix ».
Derrière les paillettes du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone, le plus grand salon mondial des mobiles et des télécoms qui s'est achevé jeudi, les cadors des smartphones ne le savent que trop bien : ils doivent se réinventer. Façonner des smartphones « encore plus beaux », « plus puissants », qui font des photos « encore plus belles » ne suffit visiblement pas à convaincre les consommateurs de débourser des sommes parfois folles pour changer d'appareil. Tous cherchent l'innovation de rupture qui, à l'instar de l'iPhone en son temps, donnera un nouveau souffle à l'industrie.
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[Infographie La Tribune, source IDC]
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Difficile de se réinventer
Alors, quoi de neuf, cette année, au MWC ? Pour cette édition, les fabricants ont été nombreux à présenter leurs derniers terminaux compatibles avec la 5G. Sachant que cette prochaine génération de communication mobile promet des débits multipliés par dix par rapport à la 4G. À ce petit jeu, Huawei a été particulièrement en vue. Le numéro trois mondial des smartphones a dégainé son Mate X, un mobile 5G qui dispose, en outre, d'un écran pliable. Une innovation qui transforme, en quelque sorte, le smartphone en tablette.
Reste que cette avancée technologique a un prix. Et il crève le plafond, puisque le Mate X sera commercialisé à partir de la mi-2019 à près de 2.300 euros. Avec son nouveau smartphone de luxe, Huawei espère concurrencer Samsung. Le géant sud-coréen, de loin premier vendeur de smartphones dans le monde, a sorti, quelques jours avant l'ouverture du MWC, son Galaxy Fold, un terminal également doté d'un écran pliable. Et ce, à un prix moins élevé mais tout aussi fou : 1.760 euros, soit le prix d'un ordinateur portable haut de gamme. À Barcelone, Xiaomi, de son côté, a également levé le voile sur un terminal 5G. Il s'agit du Mi Mix 3, qui sera disponible au prix plus doux de 599 euros.
Autre tendance ? Le sud-coréen LG a sorti un terminal d'un nouveau genre. Derrière son nom compliqué (LG G8 ThinQ) se cache un appareil qui se déverrouille... en lisant les veines de la main ! Il dispose, en outre, d'un système de navigation par geste. C'est-à-dire sans toucher l'écran. Ce terminal, dont on ignore encore le prix et la date de sortie, ne devrait toutefois pas être commercialisé en France. LG a décidé de se mettre en retrait de l'Hexagone, où il peine à faire son nid face à la concurrence.
Quoi qu'il en soit, ces innovations changeront-elles la donne ? Ça n'est pas si sûr. Les terminaux 5G ne sont d'aucune utilité sans les réseaux qui vont avec. Or en France comme en Europe, les opérateurs prévoient de débuter le déploiement de cette technologie en 2020. Et au début, seuls les habitants des très grandes villes pourront, peut-être, disposer de la 5G. Secundo, les smartphones à écran pliable ne constituent pas, au regard des observateurs, une vraie révolution. S'il est impressionné par la technologie, Thomas Husson, analyste chez Forrester, juge les bénéfices clients très limités. Plus précisément, se servir d'un téléphone comme d'une tablette pour regarder un film, ou utiliser deux applis sur le même terminal ne sont pas des avancées suffisantes, selon lui, pour chambouler le secteur. Surtout à des prix aussi faramineux.
À défaut de révolutionner le marché avec leurs produits, certains fabricants recourent à des stratagèmes maison. C'est le cas d'Apple. En voie de perdre au profit de Huawei sa place de numéro deux des smartphones, et confronté, notamment en Chine, au déclin des ventes d'iPhone (dont il ne veut plus publier les chiffres), la marque à la pomme cherche à limiter la casse.
Une formule de paiement à crédit
Pour arrêter l'hémorragie dans l'empire du Milieu, qui représente un tiers des terminaux écoulés dans le monde, le groupe de Mountain View s'est associé avec des banques et au géant du e-commerce Alibaba. Son objectif ? Proposer des crédits permettant d'étaler le paiement des smartphones. Une solution plutôt bienvenue, lorsqu'on sait qu'un iPhone XS est commercialisé à partir de 1142 euros en Chine...
Pour doper ses ventes aux États-Unis, Samsung a lui choisi une méthode beaucoup moins novatrice. Le géant sud-coréen, qui a vu ses ventes dégringoler de 8% l'an dernier, mise sur de nouvelles boutiques pour permettre aux clients de tester ses produits. Une stratégie perçue comme essentielle étant donné, là aussi, la cherté de certains terminaux. À propos de son Galaxy Fold à écran pliable, Bob O'Donnell, analyste chez TECHnalysis Research, a déclaré sur Twitter :
« Comme prévu, il n'est pas donné, mais le #GalaxyFold va être LE modèle à avoir pour les mordus de gadgets. »
Et le problème est peut être là. Si Samsung et ses rivaux gardent la cote auprès des geeks aux poches profondes, ils ont, visiblement, toutes les peines du monde à innover pour emballer le reste de la population.
« C’est une décision difficile, mais nous avons décidé d'arrêter des "Chiffres et des lettres" » (Stéphane Sitbon-Gomez, France Télévisions)
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