Pourquoi Hollande ne convainc pas ?

Le grand oral de François Hollande sur TF1 était avant tout une démonstration d'ego et du personnage qu'il s'est créé. Pas très malin, à l'heure de la défiance...
Hollande, comme Sarkozy, comme tant de patrons, paient par les sondages leur rigidité psychologique, leurs pulsions narcissiques.

A l'heure où certains patrons d'entreprise découvrent les vertus de l'intelligence collective et renoncent à leur ego pour inventer un nouveau modèle de gouvernance, notre président apparaît avec les attributs du communicant d'un temps révolu. Rien d'étonnant à ce qu'il peine à convaincre les français dont la conscience individuelle et collective ne cesse de croître. Et l'intelligence de la situation avec. En espérant qu'ils s'en servent désormais devant les urnes.

Pourquoi François Hollande ne convainc pas ? Parce qu'il cherche à convaincre ! Pour paraphraser Sun Tzu dans son Art de la guerre, le plus convaincant est celui qui est capable de persuader sans convaincre. Autrement dit être soi-même convaincu rend à tel point persuasif et capable de gérer le rapport à l'autre que l'on réussit la plupart du temps à atteindre son but sans en passer par un affrontement dialectique.

Piégé par son ego

Contraint de batailler pour convaincre que sa politique n'est pas vouée à l'échec et pour maintenir un lien avec les électeurs qui depuis 2012 le fuient, François Hollande reste peu persuasif. S'il a coutume de dire que "la communication c'est de la politique", il semble avoir oublié ce que communiquer veut dire. Or avec la communication nous sommes sur le registre de l'humain. Si dans l'information, la relation à l'individu s'efface, dans la communication, la personne compte plus que l'information qu'on lui transmet. Pour qu'il reçoive l'information, l'interlocuteur doit exister, et pour qu'il existe, il faut qu'il se sente écouté. Un ton chaleureux ou proche ne saurait remplacer les ingrédients de l'affirmation de soi. Attaché au concept qu'il faut vaincre et convaincre pour s'en sortir, piégé par son ego en mal de reconnaissance, notre président a oublié que la situation convaincant/convaincu revient à vainqueur/ vaincu"et abouti à deux perdants.

Renouer le lien tel était l'enjeu. Il s'agissait bien d'un état d'être avant de mettre en oeuvre quelque action. S'il rêve de laisser la trace dans l'histoire d'un réformateur, encore convient-il pour mener des réformes d'écouter ce qu'il faut de changer afin d'y faire adhérer les citoyens. Les techniques de management du changement enseignent aujourd'hui aux cadres d'entreprise à pratiquer l'assertivité, l'écoute et le co-développement. Le monde politique serait-il en retard d'un train sur celui des entreprises ? Pour recréer du lien dans la proximité, beaucoup ont désormais compris qu'il s'agit moins de "se vendre" et de "se montrer" que d'aller à la rencontre par l'écoute. "A travers lui, c'est l'échec de toute une génération d'hommes politiques élevés dans le mythe de la parole" confie Denis Muzet à nos confrères des Echos.

Le 20H remplace le terrain

Enfermé dans les chiffres et l'instantanéité il oublie la vision,le temps long, et les sujets de société. La journaliste Florence Aubenas constate que les politiques ne viennent plus sur le terrain. Non : ils les rencontrent sur les plateaux de télévision, face caméra. Et s'adonnent en direct à ce que Cédric Noury dans l'Express a qualifié de psychanalyse d'un président. Psychanalyse ? Pourquoi pas ? A condition que le président devienne le thérapeute des français et non l'inverse. Or quelle est la plus grande qualité d'un thérapeute, si ce n'est l'écoute ? Le questionnement de celui qui écoute et aide l'autre à se comprendre lui-même ?

Notre évolution intérieure s'appuie plus sur des questions que des réponses. Par une écoute attentive qui aurait laissé de côté ses propres attributs et l'image qu'il souhaite donner, le président aurait pu chercher à comprendre ce que ces citoyens venus à la télévision exprimaient comme crainte réelle ou imaginaire. Il aurait ainsi renoué un véritable dialogue et rassurer cet "autre" qui exprime une angoisse. Au lieu de quoi sur un mode excessivement binaire et narcissique, il a répondu par projection, enchaînant les mesures prises ou qu'il s'apprêtait à prendre, pris dans la toile de son quinquennat à défendre. Au final : un véritable dialogue de sourd dont chaque protagoniste ne peut que ressortir avec amertume.

En finir avec le monde binaire

A l'instar de tout individu en posture de puissance et d'autorité, qu'il soit dirigeant d'entreprise, président de la république ou premier ministre, il y a plus à gagner par l'observation et l'acceptation que par la seule conviction et la toute puissance. C'est par une position neutre et bienveillante qu'un dirigeant politique ou d'entreprise peut accueillir ses salariés ou ses citoyens dans leur réalité de l'instant. Et prendre les décisions au plus juste des besoins de la collectivité. A une condition : lâcher les fantasmes de puissance, les attributs imaginés et imaginaires du pouvoir. En un mot : son ego.

Assez de la vision binaire et manichéenne que nous proposent politiques, économistes et médias à force de chiffres et de rentabilité. Dans notre société normopathe qui a élit un président pour cause de normalité, qui se soumet lui-même à la tyrannie de la norme quand bien-même celle-ci s'évertue à lui barrer la route, le binaire nous ramène à un instinct grégaire en nous incitant à choisir un camp. Pour ou contre ? Bon ou mauvais ? Bien ou mal ? Il nous revient, comme il devrait revenir à nos gouvernants, de regarder le monde différemment. D'aider chacun à trouver la place qu'il souhaite sans que cela n'ôte quoi que ce soit à l'autre. Mais la liberté ne se gagne que par un chemin intérieur.

Se réorienter, c'est capituler

Si François Hollande avait pu s'accueillir lui-même comme différent et non "normal" alors il aurait levé les interdictions qui le retiennent prisonniers de l'image qu'il s'est crée. Il aurait pu regarder et écouter les français, faciliter la liberté de chacun dans ses choix, retraité, chômeur ou dirigeante présents sur le plateau de TF1 et faciliter la possibilité de chacun de se défendre face aux obligations imposées. Au contraire de cela, il s'interdit d'envisager une autre politique qui ressemblerait à une capitulation.

Hollande, comme Sarkozy, comme tant de patrons, paient par les sondages leur rigidité psychologique, leurs pulsions narcissiques. Celui qui est capable de faire sa révolution intérieure, de prendre avec conscience de lui-même du recul, sans craindre un effondrement intérieur, celui-là peut être en mesure d'assurer une saine gouvernance. Mais à bien des égards notre société de l'image et la performance, où le mépris fait force de loi, est plongée en pleine régression. Quatre ans déjà que l'injonction de Stéphane Hessel "Indignez-vous" est restée lettre morte. Pourtant une urgente nécessité si nous voulons échapper à ce conformisme délétère qui empêche l'individuation et facilite la soumission.

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Commentaires 2
à écrit le 23/11/2014 à 17:47
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Les Français sont vraiment incorrigigles si Hollande ne les a pas encore convaincu qu'il était le plus nul de tous nos présidents :-)

à écrit le 21/11/2014 à 23:22
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Très bonne analyse.

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