Accord sur la fin des centrales à charbon du G7 : un coup d'épée dans l'eau pour le climat ?

Dans la conversation diplomatique autour du climat, c'est l'annonce de la semaine. Réunis en Italie, les membres du G7, parmi eux la France et les Etats-Unis, se sont engagés à fermer leur centrale à charbon d'ici 2035. Une décision inédite qui contient toutefois certaines limites. Explications.
Mathieu Viviani
C'est depuis le palais royal de Venaria à Turin en Italie que les ministres de l'Environnement et de l'Energie des pays du G7 sont parvenus à cette décision sur les centrales à charbon.
C'est depuis le palais royal de Venaria à Turin en Italie que les ministres de l'Environnement et de l'Energie des pays du G7 sont parvenus à cette décision sur les centrales à charbon. (Crédits : Reuters)

La fin du plus vieil ennemi du réchauffement climatique ? Pas encore... mais le chemin vers cet horizon est de plus en plus ouvert. Réunis en Italie cette semaine, les pays membres du G7 (Canada, France, Allemagne, Japon, Royaume-Uni, Italie et États-Unis) ont ainsi décidé, mardi, de supprimer progressivement d'ici à 2035 les centrales électriques au charbon.

Ce, après un serpent de mer diplomatique de plusieurs années sur le sujet. Pour les sept pays, parmi les plus riches et industrialisés du monde, cette décision est la première majeure prise depuis la COP28 de décembre dernier à Dubaï, aux Emirats arabes unis.

Que prévoit cet accord ? En quoi est-il important pour le climat ? Quelles sont ses limites pour atteindre l'objectif de l'Accord de Paris ? Eléments de réponses.

Une décision inédite : plus de centrales à charbon en 2035 dans les pays du G7

C'est depuis le palais royal de Venaria à Turin en Italie que les ministres de l'Environnement et de l'Energie des pays du G7 sont parvenus à cette décision inédite : fixer collectivement une date butoir pour sortir leur économie du charbon, énergie la plus carbonée du monde.

Dans leur communiqué commun, les membres du G7 s'engagent donc à « supprimer progressivement la production actuelle d'électricité au charbon dans ses systèmes énergétiques au cours de la première moitié des années 2030 ». À noter : les centrales à charbon équipées par des dispositifs de captage et de stockage de CO2 ne sont pas concernées. Une exception critiquée, sans surprise par la plupart des ONG environnementales.

Si 2035 est la date limite qui a fait consensus, la France militait pour que le G7 abandonne le charbon cinq ans plus tôt en 2030, une année qui, selon les experts, est vraiment alignée avec l'objectif de l'Accord de Paris (limiter le réchauffement climatique à 1,5°C).

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Mais cette option a fait grincer des dents le Japon, dont aujourd'hui encore un tiers de l'électricité provient du charbon. Par ailleurs, l'Etat nippon est le seul membre du G7 à ne pas avoir de plan national pour sortir de ce combustible fossile. « Cet accord a donc d'autant plus de force pour lui et devrait influencer ses proches voisins asiatiques », commente à ce sujet Lola Vallejo, conseillère spéciale sur le climat de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

Pour rappel, la France, qui possède encore deux centrales à charbon en activité, s'est fixée une sortie en 2027, tandis que le Royaume-Uni, ancienne grande nation de la houille, vise 2024.

Quand bien même. Pour François Gemenne, politologue et co-auteur du sixième rapport du GIEC, « 2030 était faisable». Il explique : « Cinq ans de plus d'émissions de charbon, à l'heure de l'urgence climatique, cela compte, ce n'est pas anodin. D'autant plus que la plupart des pays industrialisés vont globalement vers l'abandon de cette énergie. »

Un engagement qui dynamise l'agenda climatique international

 « C'est un engagement fort, un signal fort du G7 », s'est empressé de déclarer mardi auprès de l'AFP Franck Riester, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, présent lors des négociations à Turin. Pour les nations du G7, cet accord est une manière de traduire une promesse phare des dernières conférences de l'ONU pour le climat : la sortie pure et simple du charbon.

C'est aussi l'occasion de montrer l'exemple aux nations émergentes, notamment la Chine et l'Inde, grandes consommatrices de lignite. Ces deux pays ont souvent reproché aux Etats riches d'Occident d'être les responsables historiques du dérèglement climatique, en tant qu'initiateurs de la révolution industrielle.

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Pour François Gemenne, « d'un point de vue diplomatique, l'atout principal de cet accord est de garder le sujet climat en haut de l'agenda politique international ». Ce G7 était en effet la première grande réunion politique sur le climat depuis la COP29 de Dubaï, où le monde s'est engagé à renoncer progressivement au charbon, au gaz et au pétrole.

Le gaz grand absent de ce G7

Mais, le co-auteur du GIEC tempère toutefois : « Il y a dix ans, j'aurais peut-être parlé d'un accord historique. Mais aujourd'hui, le vrai sujet sur l'empreinte carbone de l'énergie est la sortie du pétrole et du gaz. Et force est de constater que cet accord ne dit rien de plus là-dessus. »

Un point de vue partagé par Lola Vallejo de l'IDDRI : « Cet accord ne parle pas du gaz explicitement. C'est son angle mort. Ce, alors que c'est aujourd'hui l'énergie fossile qui augmente le plus dans les pays du G7. Et en même temps, l'accord soutient l'analyse de l'Agence internationale de l'énergie qui préconise de réduire la consommation de fossile dès cette décennie. »

Pourtant, dans la course pour baisser la facture carbone mondiale, aller plus vite sur la réduction du gaz est un élément indispensable de l'équation. Une analyse récente de l'institut de référence Climate Analytics montre que le compte n'y est pas pour les pays du G7, moteurs de 38 % de l'économie mondiale et responsables de 21 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Selon l'institut, au regard de leurs engagements actuels, ces Etats ne parviendront à réduire leurs émissions de CO2 « au mieux que de la moitié de ce qui est nécessaire » d'ici à 2030.

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« En matière de climat, le rythme du calendrier est crucial. Cet accord sur le charbon, c'est mieux que rien. Mais réduire plus rapidement l'utilisation de pétrole et le gaz est absolument nécessaire si on veut atteindre l'objectif de l'Accord de Paris », insiste à ce sujet François Gemenne.

Et Lola Vallejo de l'IDDRI de conclure : « Les accords pris les G7 impactent la conversation diplomatique, c'est l'un des effets positifs. Mais reste à voir comment ses membres mettent en place dans leur législation cet engagement. Là-dessus, il convient de rester attentif. »

Les banques toujours très exposées au charbon

Les banques dans le monde ont prêté 470 milliards de dollars (439 milliards d'euros) aux entreprises exploitant le charbon entre 2021 et 2023, a affirmé ce jeudi l'ONG Urgewald, dans un rapport.

Sur 638 banques examinées, seulement près de 140 ont réduit considérablement leur soutien à l'industrie charbonnière depuis 2016 contre 75 qui l'ont accru, le reste de l'échantillon demeurant stable, selon l'étude de l'ONG allemande, publiée avec plus d'une dizaine d'organisations partenaires.

D'après l'association, les banques commerciales ne réduisent pas encore leur exposition au secteur du charbon au rythme qui serait nécessaire pour atteindre l'objectif découlant de l'accord de Paris pour limiter l'augmentation de la température à 1,5°C, selon Urgewald.

Mathieu Viviani

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Commentaires 9
à écrit le 03/05/2024 à 11:35
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"La Chine et l'Inde ont souvent reproché aux États riches d'Occident d'être les responsables historiques du dérèglement climatique, en tant qu'initiateurs de la révolution industrielle". La belle affaire. C'est vrai que depuis 200 ans, la Chine n'a j...

à écrit le 03/05/2024 à 9:42
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La consommation énergétique, c'est une demande humaine aléatoire sur une plage temps indéterminée avec un paramètre climatique non prévisible . Nous arrivons en 2025 , l'alpha et l'oméga énergétique sera acté en 2035. Ce qui équivaut à dire que le cl...

à écrit le 03/05/2024 à 7:46
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Donc 10 ans de bons et grands discours pour que dalle. Nos dirigeant sont nuls.

le 04/05/2024 à 9:30
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nos derigeants ne sont pas nul mais partisansce qui les motive ce n'est pas la pollution ni les variation du climat mais bien la maniere dont ils detourne les mots pour augmenter les taxes et en creer de nouvelles et si en plus un conflit emerge...

à écrit le 02/05/2024 à 21:57
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Et l'Inde ? Et la Chine ? Pas de problème de pollution là-bas ?

à écrit le 02/05/2024 à 21:09
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"se sont engagés à fermer leur centrale à charbon d'ici 2035" leur, au singulier ? Le japon a 75% de son électricité charbonnée, je crois.

à écrit le 02/05/2024 à 19:35
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"Réunis en Italie cette semaine, les pays membres du G7 (Canada, France, Allemagne, Japon, Royaume-Uni, Italie et États-Unis) ont ainsi décidé, mardi, de supprimer progressivement d'ici à 2035 les centrales électriques au charbon." En d'autres ...

le 02/05/2024 à 22:06
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Non il y aura peut-être une taxe sur les produits f as briques par le charbon . C est peut étre ça l astuce …et c est souhaitable .. ça obligera les autres pays à suivre le même mouvement …

le 02/05/2024 à 22:06
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Non il y aura peut-être une taxe sur les produits fabriques par l’ énergie du charbon . C est peut étre ça l astuce …et c est souhaitable .. ça obligera les autres pays à suivre le même mouvement …s ils veulent vendre sur les marchés occidentaux .

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