Depuis deux jours, Stéphane Cazenave est devenue la nouvelle coqueluche des partisans du libéralisme. A droite, François Fillon lui a même consacré un post de blog.
Mais ce n'est pas pour sa baguette tradition primée que ce boulanger de Saint-Paul-lès-Dax a réussi à attirer l'attention jusqu'à New York. Plutôt parce qu'il veut pouvoir ouvrir son commerce sept jours sur sept, et contrevenir ainsi à un arrêté préfectoral l'en empêchant.
Loi de 1906
Depuis près d'un siècle, en France, la loi interdit aux employeurs "d'occuper plus de six jours par semaine un même salarié" (loi du 13 juillet 1906). Certains commerces employant des salariés sont autorisés à ouvrir sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre si les "besoins du public" et/ou leurs "contraintes de production" les y autorise. C'est le cas des hôtels, stations-service, etc.
Pour les autres, ce principe du repos hebdomadaire entraîne généralement une interdiction d'ouvrir le dimanche, sauf pour les commerces de bouche, qui peuvent le faire sans autorisation jusqu'à 13 heures. Selon les types de commerces, un autre jour complet de fermeture peut leur être imposé par arrêté préfectoral.
C'est le cas des boulangers. Des préfets, comme dans les Landes, imposent un jour de repos, au choix du boulanger ou non.
Pourquoi les empêcher d'ouvrir tous les jours de la semaine, s'ils emploient suffisamment de personnel pour que, en se relayant, ils puissent chacun disposer du temps de repos nécessaire ?
Pour ses défenseurs, la fermeture hebdomadaire permet d'éviter des déséquilibres de concurrence. En effet, les toutes petites entreprises, dépourvues de suffisamment de moyens pour employer le personnel nécessaire pour cela, ne peuvent se permettre d'ouvrir tous les jours de la semaine. Ce principe est censé les protéger.
Côté jurisprudence, selon un arrêt de la Cour de cassation datant de 2011, il apparaît que, même si une convention collective nationale permet à un "terminal de cuisson" de distribuer du pain toute la semaine, l'arrêté préfectoral sur la boulangerie prime.
Des emplois... pour la seule grande distribution?
Certains boulangers eux-mêmes sont très attachés à ce principe. C'est aussi le cas de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie, par exemple:
"L'ouverture 7 jours sur 7 nuirait gravement à notre fonctionnement et donc à la pérennité de nos exploitations", juge son président, Jean-Pierre Crouzet, dans un communiqué diffusé ce mercredi.
L'organisation se bat d'ailleurs depuis plusieurs années contre "les points chauds, terminaux de cuisson, dépôts sauvage et grande distribution", ces autres lieux de distribution du pain qu'elle accuse de "concurrence déloyale".
En se fondant sur une étude du Crédoc de 2008 anticipant la destruction de 16.000 emplois en cas d'ouverture des magasins les dimanches, elle estime qu'une ouverture sept jours sur sept serait néfaste pour l'emploi.
"Pour 1 emploi créé dans la grande distribution, ce serait 3 emplois détruits dans nos entreprises", calcule-t-elle.
Des concurrents un peu partagés
Même sur la commune landaise de Saint-Paul-lès-Dax, la liberté absolue d'ouverture ne fait pas l'unanimité.
Une employée de l'une des quatre boulangeries concurrentes de M. Cazenave dans le village témoigne ainsi :
"Mes patrons sont contre l'ouverture sept jours sur sept parce qu'ils pensent que, en fermant un jour par semaine, les clients 'tournent' entre chacune des boulangeries. Moi, je suis pour cette ouverture, si ça permet de créer des emplois."
Une autre boulangère, "récemment contrôlée", se dit, elle, désormais favorable à la fermeture un jour par semaine, "puisque c'est la loi".
En tous cas, cette affaire, loin d'être une première, vient ranimer la polémique à quelques jours du vote final à l'Assemblée du projet de "loi Macron", qui revient partiellement sur la question de l'ouverture dominicale des commerces.
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