La situation se gâte : Air France veut du chômage partiel pendant deux ans. Suffisant ?

Direction et syndicats de la compagnie aérienne française ont débuté les négociations sur le passage d'une activité partielle classique à une activité partielle longue durée de deux ans. La situation d'Air France s'aggrave. Le trafic replonge. L'objectif d'assurer en 2021 80% de ses capacités d'avant crise s'éloigne. Or, c'est cette prévision d'activité qui avait permis de calibrer le plan de suppressions de 6.500 postes (hors HOP). Un sureffectif est donc à craindre l'an prochain. D'autant plus si les plans de départs volontaires ne font pas le plein. Dans le même temps, des négociations sont en cours pour baisser le salaire minimum garanti des hôtesses et stewards pendant deux ans, mais aussi pour réduire leur nombre dans les cabines des nouveaux avions qui entreront dans la flotte.
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : REGIS DUVIGNAU)

Recourant depuis mars à l'activité partielle pour la quasi-totalité de ses salariés, Air France compte désormais les faire basculer dès novembre vers l'activité partielle longue durée (APLD). Le transport aérien étant éligible à ce dispositif mis en place pour aider les entreprises confrontées à une perte durable d'activité, la compagnie aérienne a commencé les négociations avec les  syndicats pour trouver un accord sur les conditions d'application d'un chômage partiel à 50% d'une durée de 24 mois, lequel ne remet pas en cause le plan de suppression de 6.500 postes d'ici à fin 2022, annoncé début juillet (hors HOP, la filiale régionale).

Ce système est plus avantageux pour la compagnie qu'un chômage partiel classique. La compensation par l'État des heures chômées est notamment plus importante. L'intérêt est certain en termes de préservation de cash, même s'il y aura "un reste à charge". Le système est plus avantageux également pour les salariés qui conserveraient 84% de leur rémunération nette, contre 70% à partir de novembre dans le cadre d'une activité partielle de droit commun. Les syndicats ont un prérequis dans cette négociation : ce chômage partiel longue durée doit garantir l'absence de tout licenciement pendant la période, et même au-delà pendant six mois.

L'équation se complique

L'équation se durcit pour la compagnie française. Le regain de la pandémie en Europe a douché les espoirs d'une reprise d'activité lente et progressive comme l'espéraient tous les transporteurs fin juin après trois mois d'arrêt quasi-total de l'activité. Avec un climat sanitaire et économique anxiogène et l'existence de restrictions de voyage dans la grande majorité des pays desservis par Air France, le trafic pique du nez et les prises de réservations pour les prochains mois s'écroulent. Le phénomène est mondial. Au point de pousser ce mardi l'Association internationale du transport aérien (IATA) à réviser à la baisse ses prévisions de trafic. La baisse au niveau mondial en 2020 ne sera pas de 63% mais de 66%.

L'objectif d'assurer en 2021 80% des capacités s'éloigne

Résultat : Air France, qui espérait il y a encore quelques semaines exploiter 70% de son offre en novembre et décembre, table désormais sur 50% de son programme. Sans visibilité sur l'arrivée d'un vaccin fiable ou d'une généralisation des tests antigéniques dans les aéroports pour les passagers au départ, le scénario d'opérer en 2021 80% de ses capacités de 2019 s'éloigne chaque jour davantage. Or, c'est ce niveau d'offre en 2021 et celui espéré en 2022 (90%) qui avaient contribué à calibrer le plan de suppression de 6.500 postes d'ici à fin 2022, soit 16% des effectifs du groupe français.

Un système de chômage partiel longue durée permettrait donc d'absorber un sureffectif plus important que prévu. À condition qu'Air France soit en mesure d'assurer au moins 50% de son programme de vols, correspondant au niveau d'activité partielle recherchée.

Les départs volontaires feront-ils le plein?

En effet, s'il est trop tôt pour s'avancer sur le niveau d'activité de 2022, le sureffectif risque d'être plus important que prévu en 2021 en raison d'une baisse des capacités plus forte qu'escompté. D'autant plus si les plans de départs volontaires (PDV) ne font pas le plein. La rupture conventionnelle collective (RCC) des personnels navigants commerciaux n'a séduit, par exemple, que 1.100 hôtesses et stewards, alors que la rupture conventionnelle collective pour cette catégorie de personnel tablait sur 1.700 personnes. Pour le personnel au sol, le PDV va être lancé en janvier après la signature d'un accord majoritaire signé avec la CFDT et la CFE-CGC sur les conditions de départ. Selon la direction, son calibrage porte sur 3.640 personnes et inclut des salariés qui devaient partir à la retraite et prendront le PDV pour obtenir de meilleures conditions de départ (l'accord ne comporte néanmoins aucun chiffre). Quoi qu'il en soit, certains syndicalistes doutent qu'il fasse le plein, malgré des primes de départ conséquentes. D'où les craintes de départs contraints et la demande des syndicats de garantir l'absence de licenciements pendant la période de l'APLD.

Être compétitif en sortie de crise

Au-delà de la question des suppressions de postes, se pose celle de la productivité et des conditions de rémunération du personnel en place. Les rémunérations vont-elles baisser? Les conditions de travail vont-elles être durcies pour améliorer la productivité, alors que la direction martèle en interne qu'elle veut ressortir de la crise avec un bon niveau de compétitivité par rapport à ses concurrents européens, Lufthansa et le groupe IAG ?

Pour l'heure, toucher aux salaires n'est officiellement pas d'actualité, alors que l'activité partielle les fait déjà baisser. Et pourtant, selon un syndicaliste, le sujet commence à être évoqué. Un coup de rabot de la prime uniforme d'activité (PUA) attribuée aux personnels au sol et aux personnels navigants commerciaux et/ou du 13e mois constitue une option à l'étude. Pour les hôtesses et stewards, le sujet d'une baisse du minimum garanti pendant deux ans est quant à lui évoqué dans les négociations avec les syndicats. Beaucoup plus élevé que celui des pilotes, ce minimum garanti n'entraîne pas, contrairement à ces derniers, une baisse automatique importante des rémunérations en cas d'absence d'activité (-25% pour les pilotes). Le sujet fait forcément grincer des dents. Surtout qu'il s'accompagne d'une volonté de la direction de réduire les compositions d'équipage, c'est-à-dire le nombre d'hôtesses et stewards par passagers, pour les futurs A350 et A220.

Une multitude de petits leviers qui peut faire beaucoup de "0" sur le montant des économies obtenues. Mais qui reste néanmoins difficilement mesurable pour voir si cela suffira à maintenir l'écart avec les concurrents, sachant que ces derniers, avant crise, avaient déjà un avantage en termes de coûts. Au regard des mesures drastiques prises par les concurrents, IAG notamment, certains experts craignent au contraire que l'écart ne se creuse pendant la crise.

Pour rappel, fin juillet, Air France tablait sur une marge d'exploitation de 3% en 2022 et de 7% en 2023. Pour cette année, il prévoyait une perte d'exploitation de près de 3 milliards d'euros.

Lire aussi : Air France prévoit une perte d'exploitation de près de 3 milliards d'euros en 2020

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 9
à écrit le 01/10/2020 à 18:54
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Bonjour ! C’est assez insupportable de lire ces posts d’individus impitoyables, voire malfaisants. Je ne souhaite à personne de rester chez soi alors que l’on a un travail, cela peut effectivement signifier que la fin n’est plus très loin, je ne pens...

le 02/10/2020 à 17:30
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Bonjour bien dit Claroune Merci

à écrit le 01/10/2020 à 9:00
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L'économie "ouin ouin !". Pitoyable tout ces dirigeants devraient avoir honte.

le 02/10/2020 à 10:02
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Honte de quoi? Les états ferment leur frontières . Les compagnies aériennes ne peuvent plus travailler . Mettre les états face à leur responsabilités c’est pleurnicher?

à écrit le 01/10/2020 à 5:56
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Cette compagnie sera de toute maniere un jour a mettre aux oubliettes. Trop chere, service a la ramasse. Tout va a volo dans ce pays qui n'en n'est plus reellement un. RIP.

à écrit le 30/09/2020 à 15:50
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Le minimum garanti (quel que soit le nombre d'heures de vol effectué) d'un pilote long-courrier avec une dizaine d'années d'ancienneté est de 9 à 10 000 euros nets mensuels. Bien évidemment, Air France vit sous perfusion directe de l’État, notamment ...

le 02/10/2020 à 9:58
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Encore ? Encore ce commentaire, étalé au gré des différents forums , dont l’indigence crasse n’a d’égal que l’inexactitude et la malveillance du propos. Je vous l’ai déjà fait remarquer vous chiffres sont , à dessein , exagéré d’un facteur 25 ...

à écrit le 30/09/2020 à 9:03
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Le secteur aérien et l'argent public, une histoire qui dure depuis longtemps.

le 02/10/2020 à 11:41
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Oui vous avez raison ... Depuis maintenant des décennies la pression fiscale sur le transport aérien n’a cessé de monter , jusqu’à arriver à des niveaux si élevés que même en année faste les compagnies françaises ne peuvent réaliser que de maigres...

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