Une norme ISO pour le développement durable ?

Par Fouad Benseddik, directeur Recherche et relations internationales de Vigeo, et Hervé Bachellerie, directeur général adjoint d'Agrica.

Le développement durable, la responsabilité sociale d'entreprise (RSE) et l'investissement socialement responsable (ISR), volontiers mis en avant par les fonds d'investissement et les entreprises, en France et dans le reste du monde industrialisé, survivront-ils à la morosité économique?? La crise n'est-elle pas une excellente occasion de sortir ces notions de la confusion qui empêche l'opinion publique de s'en saisir??

Le fait est que leurs visées, leurs contenus et leur périmètre d'exercice continuent de faire débat entre les Etats, les organisations internationales, les citoyens et au sein des entreprises elles-mêmes. Le développement durable est souvent polarisé sur l'environnement. Cette vision est partielle. Un développement soutenable à long terme implique, dans une même optique, la création d'une richesse durablement efficace, appuyée sur de la technologie elle-même de plus en plus propre, et des rapports sociaux, partout dans le monde, à la fois respectueux des droits de l'homme et régulés en vue de l'équité sociale au sein et entre les générations.

De même, la RSE désigne la prise de conscience par l'entreprise qu'elle ne peut durablement exister qu'en intégrant à ses tableaux de bord financiers et organisationnels des relevés précis de ses performances environnementales, de la dynamique de son dialogue social interne, de l'état des compétences et de la sécurité de ses collaborateurs, de son comportement à l'égard de ses fournisseurs, ou de la vitalité de sa gouvernance. Le flou entourant ces concepts est lié, en grande partie, à des problèmes de vocabulaire induits par la traduction française de concepts souvent importés des Etats-Unis.

Ainsi, développement durable est la traduction française de « sustainable development », « sustainable » signifiant supportable, soutenable et viable. L'état du développement est, dans la majorité des pays du monde, tellement précaire qu'on peut comprendre que les populations ne souhaitent pas y accoler l'adjectif « durable ». Il en est de même pour le terme « stakeholders » traduit en français par « parties prenantes ».

Littéralement, « stakeholders » désignait les parieurs, les « porteurs d'enjeux » dans les courses de chevaux. Repris métaphoriquement par la recherche en sciences humaines aux Etats-Unis, le terme désigne maintenant l'ensemble des acteurs qui constituent l'environnement des entreprises. Or, si la viabilité d'une organisation suppose qu'elle prenne effectivement en compte les intérêts et les attentes de son environnement, il n'est factuellement pas possible d'associer toutes ni n'importe quelles « parties prenantes » à la définition de la stratégie ni à la gestion quotidienne d'une entreprise. De plus, force est de constater que certaines parties prenantes ne portent pas d'intérêt ou d'enjeu opposables à l'entreprise et, qu'à l'inverse, certains « holders », bien que dépourvus de force vocale ou de pouvoir de négociation, sont porteurs de droits légitimes insuffisamment pris en compte. C'est le cas des générations futures, des enfants, des femmes et des travailleurs dans de nombreuses régions du monde.

Ces problèmes de vocabulaire rendent complexe l'élaboration d'une définition universelle de la RSE, comme l'illustre la difficulté de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) à tenir sa promesse, formulée il y a cinq ans, de développer des standards de nouvelle génération intégrant dans la notion de qualité les paramètres de précaution environnementale et de responsabilité sociale. Toutes ces difficultés ne doivent pas être le prétexte à la perpétuation de la langue de bois mais, au contraire, un motif d'engagement des entreprises pour donner un contenu concret au développement durable, au travers de leurs services, de leurs produits, mais aussi de leurs procédures et de leurs relations avec leurs publics tant internes qu'externes (partenaires, fournisseurs, actionnaires, financiers, etc.).


Le même esprit doit guider la gestion financière qui ne peut plus être tenue pour une industrie socialement neutre. Les épargnants seront de moins en moins indifférents au fait que leurs actifs soient non seulement protégés contre le « courtermisme » de la spéculation, mais activement contributeurs à la prévention des « dumpings écologiques », au respect de la dignité humaine et à la transparence des gouvernances des entreprises où ils sont investis. La RSE et le développement durable s'incarneront d'autant plus dans la microéconomie des entreprises qu'ils deviendront des filtres à part entière dans la décision des fonds d'investissement.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 15:03
Signaler
Également durable les surcharges d'impôts , il est temps de changer la république corrompue .

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
A l'heure des crises boursières, les entreprises socialement responsables devraient offrir un gage de pérennité de développement !

à écrit le 08/10/2009 à 13:54
Signaler
Quel est l'apport de l'ISR à la crise récente ? nul . fortis et dexia font partie des indices ISR construits par vigéo. vigeo a t'il tiré la sonnette d'alarme sur les subprime, les parachutes dorés ? d'ailleurs qui parle de l'ISR comme remède à la cr...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.