Le bon élève BP n'était pas si bon...

Le groupe pétrolier BP avait une image relativement positive grâce à ses efforts en matière d'énergies renouvelables et de lutte contre la corruption. Mais la revue du secteur par l'agence de notation sociale Vigeo faisait déjà apparaître des faiblesses en matière de gestion des ressources humaines et de prévention des pollutions. La preuve est désormais faite que le risque environnemental doit devenir un critère d'investissement à part entière.

De toutes les compagnies pétrolières, BP était pourtant celle qui affichait les engagements les plus avancés sur les thèmes les plus populaires, comme les énergies vertes et renouvelables. Son expertise en technologie de séquestration du carbone s'incarnait non sans fierté dans deux de ses nouveaux projets à Abu Dhabi et en Californie. Et, à la différence de ses concurrents, BP s'était également dotée de règles rigoureuses contre la corruption. Son image auprès des ONG était positive, en conformité avec la vision anglo-saxonne de la "corporate social responsibility", qui s'attache à l'engagement avec les "parties prenantes".

Mais des faiblesses ressortaient de son profil managérial de responsabilité sociale. La première concerne le respect des droits humains sur les lieux de travail. A part des généralités, il était difficile de savoir comment le groupe pilotait les conditions de travail de ses collaborateurs et de ceux de ses fournisseurs. Au regard de quoi Total, malgré ses déboires passés, grâce à la conformité de ses objectifs avec les conventions de l'OIT et à la précision de son "reporting", fait figure de leader sectoriel de la gestion responsable du capital humain.

L'autre faiblesse, que l'actualité met au grand jour, c'est la prévention des pollutions. Deux accidents sérieux pesaient déjà sur son image. Celui de 2005, dans une raffinerie du Texas qui fit quinze morts et 170 blessés. Et celui de mars 2006, en Alaska, avec la rupture d'un oléoduc rouillé, un million de litres déversés dans la toundra, et plusieurs dizaines de millions de dollars d'amendes. L'entreprise avait essayé de rassurer, faisant savoir qu'elle avait adopté un nouveau système de management opérationnel (OMS), incluant une revue des risques et des plans d'actions sur tous ses sites. En 2007, 6 milliards de dollars ont par exemple été consacrés à ce programme. Mais voilà que tout s'écroule avec la plate-forme du golfe du Mexique, l'image du groupe, la fiabilité de ses promesses, sa rentabilité, la valeur de ses titres.

L'environnement est certes le talon d'Achille des pétrolières. Notre revue, effectuée en avril 2010, faisait apparaître pour l'ensemble du secteur une chute des scores de 13 points (sur 100) par rapport à ceux de 2008. En cause, des investissements de plus en plus périlleux, dévoreurs de ressources en eau et en énergie, et assortis de fuites récurrentes comme dans le delta du Niger, où se concentrent toutes les majors, avec chaque année, selon Amnesty International, une pollution équivalente à celle d'un "Exxon Valdez". Dans ce contexte, le renouvellement des réserves est devenu un indicateur clé de la valeur boursière des firmes, et un critère de rémunération de leurs dirigeants.

C'est avec ce regard qu'il fallait par exemple lire le dernier rapport annuel de BP, publié en avril 2010, dans lequel l'entreprise essayait de convaincre de sa maîtrise du forage en eau profonde : "nous sommes exceptionnellement bien placés pour soutenir à long terme nos succès dans les eaux profondes du golfe du Mexique." Cette affirmation ne pouvait suffire à convaincre les investisseurs et les gérants à la condition qu'ils fussent eux-mêmes à la fois informés et engagés à intégrer dans leur décision des critères de responsabilité environnementale.

Or, en termes de prévention et de contrôle des risques de pollution accidentelle, si l'ensemble du secteur pétrolier présentait un profil préoccupant, BP faisait encore moins bien. Sur ce critère, avant l'accident, BP était "scoré" par Vigeo à 26/100 en dessous de la moyenne du secteur (31/100) tandis que le leader, Repsol, recueillait un score de 61/100. Les temps sont en train de passer où, de la responsabilité sociale et environnementale, on pouvait s'en tenir à une approche morale et aux professions de foi. Nul ne sait quand et à quel point le cas BP rendra plus contraignantes les réglementations. Mais la démonstration est faite qu'il est dans l'intérêt bien compris des épargnants que la gestion du risque environnemental devienne un critère d'investissement à part entière. Et de l'intérêt des conseils d'administration et des directions d'inclure la responsabilité sociale, en tant que corps d'objectifs interdépendants et mesurables, dans le périmètre de leur revue des risques.

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