Ingénieurs : une denrée rare à recruter d'urgence

La conjoncture est molle, voire inquiétante ? Pas sur le front du recrutement d'ingénieurs. Depuis septembre 2010, la majorité des petites, moyennes et grandes entreprises ont relancé leurs embauches. Timidement, il est vrai. Mais ces sociétés ayant réactivé leurs campagnes de ressources humaines sur une même période, la demande est supérieure à l'offre et le marché de l'emploi des ingénieurs est en tension.
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Pendant la récession, les entreprises, quelle que soit leur taille, ont gelé leurs embauches et davantage usé de la mobilité interne. Elles comblent aujourd'hui leurs carences en effectifs et doivent parallèlement faire face aux nombreux départs à la retraite. Nous observons par ailleurs un turnover accru depuis septembre 2010. Pendant la crise, beaucoup d'ingénieurs ont favorisé leur ancienneté par réflexe sécuritaire. Ils s'ouvrent aujourd'hui aux opportunités extérieures. Il n'est pas rare à présent qu'un candidat approché par les chasseurs de têtes soit déjà en négociation avec une ou plusieurs entreprises !

A l'ère de la mondialisation, l'expertise des ingénieurs de tous horizons est la clé de la performance. Sans innovation, comment les entreprises peuvent-elles rayonner au plan international ? Il est urgent de recruter ces spécialistes qui sauront pérenniser la reprise économique. La tâche s'annonce ardue : la filière technique souffre d'un déficit d'image auprès des jeunes diplômés qui estiment les débouchés peu valorisants. Un jeune diplômé acceptant un poste dans un bureau d'études est souvent jugé peu ambitieux. En effet, nombre de structures disposant d'un bureau d'études ne proposent pas de grilles d'évaluation, outils indispensables à la reconnaissance du niveau acquis en entreprise. Il est aujourd'hui urgent pour ces acteurs économiques de mettre en place ce que nous appelons une "filière expertise", un parcours valorisant l'expérience d'un salarié et lui offrant des perspectives d'évolution par étape.

Au Japon, les ingénieurs en fin de carrière atteignent le statut de "trésor vivant" (ou expert senior). Ce parcours et cette progressive reconnaissance liée au niveau d'expérience sont inscrits dans la culture nippone. En sortant de l'école, un ingénieur français se dirige prioritairement vers des postes de chef de projet, dans à peine 25% des cas vers des postes à composante technique importante et dans seulement 5 à 10% des cas vers un poste en bureau d'études. Les profils justifiant de compétences techniques confirmées se font donc rares. Même constat pour les ingénieurs chantier responsables de la mise en service ou du SAV d'infrastructures implantées à l'international. Bon nombre d'industriels français spécialisés dans les domaines de l'énergie peinent à recruter ces experts globe-trotteurs dont les conditions de travail sont particulièrement contraignantes, même si ce type d'expérience est très formateur, aisément valorisable et bien rémunéré.

Certains grands groupes et PME ont intégré ces problématiques actuelles de recrutement et mettent déjà en place une filière expertise proposant, en fonction de l'expérience acquise, une progression du statut d'expert régional à celui d'expert national, puis, à terme, à celui d'expert internationalement reconnu. Il est à présent urgent que cette prise de conscience se généralise au sein des départements RH afin qu'ils puissent fidéliser, protéger, reconnaître et ainsi conserver leurs talents. Si le processus de mise en place d'une filière expertise est exigeant, il s'avère, sur le long terme, beaucoup plus rentable de fidéliser ses experts que d'assister impuissant à la fuite de ses propres talents.

Les entreprises en mal de recrutement doivent faire preuve de réactivité et de créativité. De réactivité tout d'abord, en optimisant leur process de recrutement afin de réduire le temps nécessaire à l'embauche effective, en rapprochant les rendez-vous avec les différents décideurs (RH opérationnel, directeur des ressources humaines, comité de direction...) par exemple. De créativité ensuite, en sachant élargir leur vivier de compétences. Alors qu'hier elles favorisaient le retour immédiat sur investissement, elles doivent aujourd'hui s'ouvrir à des populations vers lesquelles elles ne se tournaient pas de manière spontanée auparavant : les seniors, les candidats de nationalité étrangère et les jeunes diplômés.

Un nouveau défi s'annonce donc pour les ressources humaines. Elles doivent tout d'abord apprendre à capitaliser sur l'expérience des seniors qui peut s'avérer une valeur sûre à court terme pour leur entreprise, tout en mettant en place des solutions pour mieux intégrer les employés issus de l'international. Côté jeunes diplômés, souvent considérés comme des "zappeurs professionnels" que l'on forme à perte, l'entreprise doit savoir les valoriser. Mettre en oeuvre des solutions d'évaluation et de mobilité interne peut permettre de les fidéliser sur plusieurs années, avec un retour sur investissement garanti.

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