« Je crois au patriotisme des dirigeants, qui peuvent comprendre que la crise suppose l'exemplarité des élites politiques et économiques. Cette fourchette s'appliquera donc, y compris aux contrats en cours ». C'est dit. Dans une interview à l'Express, Jean-Marc Ayrault annonce que l'une des mesures symboliques du candidat François Hollande visant à limiter l'écart salarial à un rapport de 1 à 20 dans les entreprises sous contrôle public sera bel et bien appliquée. Rapidement, et surtout de façon plus brutale que prévu.
On connaît les obstacles techniques et managériales liées à la mise en ?uvre d'un tel dispositif. D'abord quel périmètre va-t-on choisir? Il semble à priori impossible d'imposer cette « politique salariale » à des groupes dont l'Etat ne contrôle pas la majorité du capital. Les France Telecom, Renault et autres Air France, dont les rémunérations des PDG sont fixées par un comité de rémunération désigné par un conseil à majorité privée, ne rentrent à priori pas dans le spectre. Sauf à ce que leurs dirigeants fassent preuve d'un zèle social qui, pour certains, se traduiraient par des pertes de revenus dépassant largement le million d'euros annuel... En réalité, sur les 1217 sociétés à capitaux publics répertoriés par l'INSEE à la fin 2010, à peine une dizaine risque d'être concernée, ce qui va d'ailleurs réduire assez sensiblement l'impact de la mesure : la Poste, la SNCF, EDF, Areva ...
Ensuite, se pose le problème du calcul de cet écart. Quels indicateurs va-t-on prendre en compte : les rémunérations fixes complétées du variable, mais alors quid des stock options pour les groupes cotés, les jetons des présence dans les filiales... Enfin, comment un PDG peut-il imposer cette règle au reste des cadres de son état-major qui, dans certains cas, peuvent être mieux payés que lui-même. Risques de départs, tentation de trouver des systèmes de rémunérations plus ou moins dissimulées par le biais de filiales à l'étranger...
Mais surtout, en précisant que cette décision s'appliquerait aux contrats en cours, contredisant ainsi les déclarations pendant la campagne de son ministre du Travail, Michel Sapin, Jean-Marc Ayrault semble vouloir ajouter encore un embarras à la difficulté. Mais ce n'est qu'une gêne qu'apparente. En agissant ainsi, le Premier ministre, c'est d'ailleurs son premier geste un rien provocateur depuis qu'il est à Matignon, place «ses» PDG dans un véritable corner. Plutôt que d'attendre leur renouvellement, qui intervient pour chacun à des dates différentes, et de se perdre d'ici là dans un imbroglio juridique, il les oblige tous à se déterminer eux-mêmes et en même temps. Habile. Car quel patron osera publiquement refuser de faire preuve de « patriotisme » ? Quel patron ira défendre une rémunération trente ou quarante fois supérieure à la plus faible de l'entreprise face à ses troupes qui ne manqueront pas de se mobiliser? Et puis, il y a un bonus sur le gâteau : cette anticipation est une formidable occasion de défier Henri Proglio, le patron d'EDF, pas vraiment en odeur de sainteté à gauche et le plus affecté de tous par cette auto-limitation...
Salaire des PDG : le piège de Jean-Marc Ayrault
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