Lui, président de la République ?

Emmanuel Macron franchit le Rubicon. Un départ sans retour possible, qui fragilise encore plus François Hollande. Quelles sont ses chances réelles d'emporter l'Elysée en 2017?
Philippe Mabille

Emmanuel Macron a donc franchi le Rubicon. Lui, que ses détracteurs comparent souvent à Brutus, le traitre, prêt à « tuer » le père symbolique qu'est François Hollande, a décidé de prendre son risque et de courir sa chance. A l'image de Jules César en 49 avant J.-C. franchissant le petit fleuve du nord de l'Italie pour fondre sur Rome avec ses légionnaires. « Alea jacta est », le sort en est jeté, aurait dit le général romain. « Je fais le choix de prendre mes responsabilités », a expliqué le ministre de l'Economie, hier dans sa courte allocution à Bercy, remerciant ses collaborateurs pour l'action menée au service de la transformation du pays, mais aussi le président de la République pour sa « confiance ».

En s'affirmant désormais « libre », libre « de proposer, de dire, d'agir et de rassembler pour construire un nouvel espoir », Emmanuel Macron s'émancipe et se prépare pour d'autres combats. « Libre », pour ceux qui s'en souviennent, c'était le titre du livre publié par Nicolas Sarkozy en 2001 pour afficher son émancipation, après la défaite du RPR aux Européennes de 1999. Un point de départ de sa conquête irrésistible du parti puis de l'Elysée.

Le sort en est jeté et Emmanuel Macron se met donc enfin en marche, en cohérence avec la démarche initiée au printemps en lançant son propre mouvement. Cette clarification était nécessaire car on n'aurait pu imaginer voir durer plus longtemps la guerre délétère au sommet que se livraient Manuel Valls et Emmanuel Macron. Le ministre de l'Economie a d'ailleurs eu l'honnêteté de reconnaître que sa démarche n'est « pas compatible » avec l'appartenance à un gouvernement et « la solidarité » que l'on attend d'un ministre.

Aux "limites de notre système politique"

Il reprend sa liberté au bon moment, juste au sortir de l'été, période propice au départ des ministres de l'Economie, moins brutalement que Montebourg et sa "cuvée du redressement", mais de façon tout aussi déterminée... Il le fait, en douceur, en déclarant assumer les années passées au service de François Hollande ("à qui les Français rendront justice"), mais en dressant un diagnostic sans concession sur "l'état de blocage politique" du pays, qui rend toute action réformatrice désormais impossible. "J'ai touché du doigt les limites de notre système politique", confesse-t-il.

Ce départ affaiblit profondément François Hollande qui s'est contenté pour remplacer Emmanuel Macron de confier le ministère de l'Economie à un fidèle d'entre les fidèles, Michel Sapin. Le chef de l'Etat, qui a déjà perdu son aile gauche avec Christiane Taubira et l'entrée dans l'arène de 2017 de Benoît Hamon et surtout d'Arnaud Montebourg, voit son espace politique se réduire comme peau de chagrin avec l'émancipation de celui qui incarne mieux encore que Manuel Valls son aile droite moderne et réformatrice.

A moins bien sûr qu'Emmanuel Macron n'agisse en sous-marin de François Hollande et que cette manœuvre n'ait pour seul but que de ramener vers le président de la République les voix du centre. Mais, outre que cette stratégie serait prise comme une trahison par les sympathisants de son mouvement "En Marche" - une assemblée disparate composé de nombreux déçus de l'actuel chef de l'Etat-, elle semble très aléatoire, dans la perspective d'un premier tour de la présidentielle qui s'annonce très serré avec un Front national quasi assuré d'être placé pour le second tour.

Incarner le changement de génération au pouvoir

Non, si Emmanuel Macron prend ce risque, ce ne peut-être que parce qu'il se croit porté par son mouvement et est convaincu, comme Mélenchon ou Montebourg, que François Hollande ne pourra pas se représenter. Ou, en tout cas, n'a aucune chance d'être réélu. Certes, Emmanuel Macron a sur le papier peu de chances de l'emporter seul. S'il reprend sa liberté, c'est parce qu'il est persuadé que le jeu de 2017 est ouvert pour un candidat issu de la société civile, agissant en dehors des partis traditionnels que beaucoup de Français jugent responsable des blocages du pays. Lui, président de la République ? Et pourquoi pas ?

Libre de ses mouvements, il veut présenter fin septembre, « un diagnostic » de l'état du pays (issu du porte-à-porte mené par ses partisans) et, ensuite, un ensemble de "propositions exigeantes" pour transformer le pays. C'est à ce moment-là, seulement, que le jeune homme pressé sera obligé de sortir enfin de l'ambiguïté qui l'a servi jusqu'ici et d'afficher alors la couleur politique de ses idées. Il en a déjà esquissées quelques-unes : Macron est profondément un libéral, qui croit à la concurrence, quand elle s'attaque aux rentes de situation ; il croit en l'égalité des chances, à condition que cette égalité soit réelle, et non formelle. C'est un européen convaincu qui parle anglais et allemand, mais veut adapter l'Union aux réalités du temps.

Surtout, et c'est son principal atout, il veut incarner le changement de génération au pouvoir. Il n'est pas socialiste, comme il l'a affirmé cet été devant Philippe de Villiers au Puy-du-Fou, mais ce n'est pas non plus un conservateur, ce qui le distingue de la droite traditionnelle. Finalement, ce qui le caractérise le mieux, c'est d'être le fils spirituel d'un François Hollande dont le quinquennat a consacré la mort idéologique du socialisme à la française. Et d'incarner l'héritage de Dominique Strauss-Kahn qui, ce n'est sans doute pas un hasard, s'est invité il y a quelques jours à Bercy pour donner sans doute quelques conseils à celui que Michel Sapin appelle « le fou du troisième étage ». Le fou n'est peut-être pas celui qu'on pense si l'on se souvient que DSK, qui occupait en 2011 le même espace politique qu'Emmanuel Macron, se voyait promis à l'Elysée, avant de chuter sur un scandale à New York.


Philippe Mabille

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Commentaires 21
à écrit le 05/09/2016 à 10:37
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De toutes façons, Macron ne peut être le candidat purement « économique » de la Gauche pour la France à la #Présidentielle2017 puisque sa simple posture ne peut que rejeter les autres 2/3 de la Gauche (écologiste et FdG) ; cette candidature #EnMarche...

à écrit le 03/09/2016 à 17:05
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Avant de porter des jugements de valeur, attendons de savoir ce qu'il propose, et avec qui, et comment il entend gouverner. Beaucoup des commentaires relevés sur ce site ne valent pas plus cher que ce que nous pondent, dans leur majorité, les jour...

à écrit le 31/08/2016 à 15:20
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Vraiment, je ne voudrais pour rien au monde etre "débloqué par des types comme Macron

à écrit le 31/08/2016 à 15:17
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"son aile droite moderne et réformatrice" Mais non, pas si moderne que ca! Si l'on donnait libre cours à ce type, ses "réformes" seraient inspirées du XIX siècle

à écrit le 31/08/2016 à 13:52
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en pleine déconfiture quitter le navire pour s échouer ne plait pas aux Francais......il vaudra mieux voter MR FILLON

à écrit le 31/08/2016 à 13:12
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Ma foi ! Pourquoi pas !

à écrit le 31/08/2016 à 9:48
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En effet vu que les socialistes sont de droite il est évident que le départ d'un ultra néolibéral peut leur faire perdre un peu plus de voix de droite. Maintenant le PS étant le quatrième parti de France tout ceci n'a dorénavant que bien peu d'im...

à écrit le 31/08/2016 à 9:38
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Reste à Emmanuel Macron d'éviter le Sofitel de New-York , il peut suivre les conseils de DSK, mais pas tous.

à écrit le 31/08/2016 à 8:26
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Macron, qui nous est présenté constamment comme un “jeune” est en fait un “vieillard politique” et le représentant d’une politicaillerie d’un autre âge. Croyant que les manipulations médiatiques des années 80 fonctionnent encore, n’ayant pas compr...

le 31/08/2016 à 9:40
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C'est une bonne analyse mais autant un Wauquiez, un Fillon ou un Sarkozy pourraient l’accepter en leurs rangs parce qu'acceptant tout est n'importe quoi faisant du bruit autant je doute sérieusement que Juppé l'accepte. Il est vieux certes mais p...

à écrit le 31/08/2016 à 8:25
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Le lendemain de son départ, l'on ne se rappelle déjà plus de ce qu'il a fait, l'insignifiant contrebalance le prétentieux chez Micron.

à écrit le 31/08/2016 à 7:59
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Il y a un espace à conquérir sur l'échiquier politique en France, qu'aucun parti, y compris la droite parlementaire et le FN, n'a jamais incarné, c'est celui d'un vrai libéralisme. Peut être Macron l'a-t-il compris.

le 31/08/2016 à 8:40
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Macron n'a rien compris au role de l'énergie dans le développement de l'économie. C'est bien dommage. (L'énergie remplace le travail en assurant des gains de productivité.) Merci.

le 31/08/2016 à 23:10
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La production d'énergie, quelle quelle soit, a besoin de travail...

le 01/09/2016 à 10:40
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Il y a bien une relation entre le travail et l'énergie et cette relation est liée au progrès technique. Cette relation est différente suivant les pays. Il serait intéressant d'en discuter. Il est utile de se reporter à la note n°6 du CAE pour mieux c...

à écrit le 31/08/2016 à 7:48
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Macron en tant que membre de l'oligarchie a droit à une campagne de promotion de la part de tout le système médiatique de l'oligarchie. Il est certain que ce serait plus sûr pour l'oligarchie d'arriver à mettre directement au pouvoir un de ses memb...

à écrit le 31/08/2016 à 5:53
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Je ne distingue pas de stratégie gagnante s il ne passe pas par la case primaire à gauche. Pour moi ce n'est pas une trahison, il ne croit plus aux compromis trop boiteux réalisés par FH et je préfère qu il démissionne plutôt qu il fasse le sketch Sa...

à écrit le 31/08/2016 à 4:47
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KASBO. Rate, vous aurez au pire le Pen ou bien le canadien gerontophile. En poilitique il faut de solides reseaux, ce que ne possede pas le micron. A part la banque, rien, le neant.

à écrit le 30/08/2016 à 21:37
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C'est le futur nouveau petit Sarko ? En attendant c'est un jeunot sans grande envergure ni expérience.

à écrit le 30/08/2016 à 21:26
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MACRON Pourquoi pas enfin un homme jeune nouveau compétent non sectaire qui sort du bois . Maintenant il doit nous proposer un vrai projet pour remettre notre pays à niveau

à écrit le 30/08/2016 à 21:17
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Mr. Macron apporte un nouveau élan dans la politique. Je vois bien Emmanuel Macron comme prochain président avec Francois Fillon comme premier ministre, ou inversément. Par contre, Hollande, Sarkozy, Juppe, alors la, c´est de l´usagé. En plus, il...

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