Il faut développer les alternatives au chèque

Le chèque gratuit, c'est bientôt fini. Il faut aider les PME, qui en sont fortement utilisatrices, à utiliser des alternatives. par Bernard Cohen-Hadad, Président du think tank Etienne Marcel

Alors que se tiennent les Assises des moyens de paiement et que le gouvernement annonce sa volonté de généraliser le paiement par carte bancaire au premier euro, il faut sans doute éviter de mettre la charrue avant les bœufs. En effet, le chèque est dans nos mentalités et on ne peut le faire disparaître sans accompagner les PME dans une véritable révolution numérique. D'autre part, le développement des nouveaux moyens de paiements doit se faire dans l'intérêt de tous les acteurs. Enfin, rien ne se fera sans que les entreprises soient réellement associées à cette révolution qui les concerne quelle que soit leur taille ni la garantie d'un vrai débat sur les coûts.

Le chèque, ancré dans nos habitudes de paiement

Depuis la convention de Genève de 1931 sur l'unification du chèque et la loi de 1943 qui instaurait sa gratuité de délivrance en France, le chèque a bien vécu. Il est ancré dans nos habitudes de paiements. On estime ce flux à 2 621 millions de chèques en 2013 mais, en 10 ans, il est passé de 34% à 15% des moyens de paiement. Une brillante étude du cabinet Edgar, Dunn et Company, pour le Comité Consultatif du Secteur financier (CCSF) analyse notre rapport au chèque. Retenons qu'il est plus utilisé dans les campagnes, chez les couples âgés, pour certains types transactions (loyer, factures récurrentes, immobilier, achat d'un véhicule...) et pour les montants importants.

La mort du chèque gratuit est programmée

Les entreprises et particulièrement les TPE (professionnels, commerçants artisans) utilisent régulièrement le chèque dans leurs paiements interentreprises et dans leurs relations commerciales avec leurs clients particuliers. Mais la mort du chèque, et du chèque gratuit, est programmée. Acceptons-la. Mais avançons ensemble. Car aucune évolution ne se fera dans les moyens de paiement, et dans la durée, sans la mise en place d'un vrai plan numérique dans les TPE et PME.

Aujourd'hui, nous sommes encore à l'âge de pierre dans beaucoup de commerces. Combien de TPE utilisent le web pour leur activité ou disposent d'une vitrine en ligne ? Et ne jetons pas la pierre aux patrons de TPE. La priorité est le carnet de commandes et la sécurisation des taux de marges. Dans un foisonnement de produits et de tarifs, difficile pour beaucoup d'entrepreneurs de faire le choix de la numérisation des paiements sans avoir pris le temps d'une juste et vraie information. C'est pourquoi il est urgent de mettre en place une politique d'information et de développement du numérique, et des outils de gestion et de vente afférents, principalement dans les commerces de proximité indépendants ceux qui n'appartiennent pas à des réseaux.

Un véritable écosystème

Beaucoup de métropoles régionales ont commencé à sensibiliser leurs petites entreprises, un certain nombre d'organisations professionnelles de détail aussi. Nous sommes maintenant dans l'attente d'un engagement gouvernemental fort. L'Etat doit montrer la voie et créer les conditions d'un clair soutien politique et économique afin que les TPE et PME puissent prendre résolument le virage monétique.
Car le chèque ce n'est pas seulement un morceau de papier. Ne l'oublions pas, il est au cœur d'un écosystème. Beaucoup de PME en vivent (traitement, impression...) et y emploient une main d'œuvre plus ou moins qualifiée.

Aujourd'hui, dans la mondialisation des échanges et suite au développement européen de SEPA, son monopole est atteint du fait de la rapidité des transactions. On a trop souvent tendance à sous évaluer ses coûts de gestion (encaissement, décaissement, frais de rejets ou de représentations, sécurisation...) dans nos entreprises. Le chèque n'est pas l'assurance d'être toujours payé. Qui peut s'engager, aujourd'hui, à l'œil nu, sur la solvabilité d'un chèque de banque ? Pour ces raisons nous devons penser à encourager dès maintenant les alternatives au chèque. Et cela doit se faire en répondant aux attentes des entreprises et des consommateurs en partenariat avec les banques universelles.

Développer des alternatives faciles d'utilisation

Toutes les alternatives au chèque doivent être faciles d'utilisation, pratiques, sécurisées et universelles c'est-à-dire acceptées par le plus grand nombre. Qu'elles soient avec ou sans contact. Les espèces ont déjà un pied dans la tombe puisque le 18 mars 2015, Michel Sapin en a annoncé la limitation. C'est donc la carte bancaire (+ 5, 7%), le virement (+4,94%) et le prélèvement (+1,87 %) qui sont sur les marches du podium. La monnaie électronique reste pour des problèmes de rechargement la lanterne rouge.

Ne pas se perdre dans le labyrinthe des moyens de paiement


Reste à ne pas se perdre dans le labyrinthe des moyens de paiement, car cette industrie mondiale est en plein développement. Ni se leurrer sur des offres avantageuses en apparence, aux frais déguisés, mais qui alourdissent, à terme, la facture de ceux qui les utilisent. Qui sait, à part les spécialistes, que 99% de nos virements sont franco-français et qu'ils recèlent plein d'avantages notamment leur irrévocabilité ? C'est pourquoi la solution idéale n'existe pas. La meilleure solution est celle qui répond le mieux à la demande à un moment précis. La réflexion sur l'usage des nouveaux moyens de paiements doit donc être participative et intégrer le mouvement de simplification administrative et de dématérialisation que nous voulons pour nos TPE et PME. Et s'enrichir des expériences et des bonnes pratiques de nos partenaires européens voire nord-américains. N'oublions pas que les acteurs financiers de ce jeu sont mondiaux.

Pour un dialogue dans la transparence

C'est pourquoi, comme pour le passage à SEPA, il convient de mettre en place, ou de missionner, une instance pour prolonger la réflexion engagée au cours de ses Assises, sans passion, sur tous les sujets et accompagner politiquement les changements à venir. Et ne pas craindre de parler de choses concrètes, celles qui touchent quotidiennement la vie des PME et la relation avec les consommateurs. Au gouvernement de jouer la confiance et de mettre des entreprises dans la gouvernance de cet organisme. Il faut valoriser leur voix, leur donner l'occasion de participer à l'orientation des échanges. D'autant que face au millefeuille des moyens de paiement et à la gratuité apparente du chèque, il faudra inévitablement aborder le débat sur les prix et les coûts, directs et indirects. Oui, les TPE sont face à une révolution monétique et à terme elles y trouveront leur intérêt. C'est pourquoi, face à l'opacité commerciale de certaines offres non bancaires, à l'arrivée de nouveaux opérateurs (PayPal, Apple Pay...) au développement des ventes en ligne, elles doivent pouvoir parler d'égal à égal, sur ces sujets, avec les établissements financiers. Voire compter, sans arrières pensées, sur leur expertise en matière business model ou de sécurité. Avec le dialogue et dans la transparence, tout peut arriver...


Bernard COHEN-HADAD
Président du think tank Etienne Marcel

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Commentaire 1
à écrit le 02/06/2015 à 12:21
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Une bonne alternative au chèque, qui va arriver fin 2015 sur le marché, est SEPAmail Rubis.

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